Le 2 mai dernier, Bruno Lemaire et Roland Lescure, respectivement ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et ministre délégué chargé de l'Industrie de France se trouvaient à Saint-Nazaire pour défendre la politique du gouvernement en faveur de l'éolien en mer et signer un contrat de 4,5 milliards d'euros avec les Chantiers de l'Atlantique. S'ils ont assisté au départ de la sous-station électrique du futur parc Yeu-Noirmoutier en Vendée où 62 éoliennes offshore doivent entrer en service en 2025, ils n'ont en revanche pas pu divulguer le nom du lauréat de l'appel d'offres pour le futur parc éolien flottant de Bretagne-Sud, (AO5, 250 MW). Faute de « garantie bancaire constituée » selon le ministre.
Et faute de candidat. Si le dossier tarde, c'est que, face au prix très agressif voire intenable, moins de 100 euros du mégawattheure, auquel il s'était initialement engagé, le lauréat pressenti s'est finalement désisté.
Ce couac pose à nouveau la question de la viabilité économique du projet et donne du grain à moudre aux opposants de l'éolien en mer et terrestre. Douze organisations actives sur l'ensemble du territoire national ont annoncé le 13 mai la création du Réseau Énergies Terre et Mer pour demander un moratoire sur l'éolien en mer et « proposer des alternatives énergétiques viables et soutenables ». Une lettre en ce sens sera adressée cette semaine au Premier ministre Gabriel Attal, un mois après un courrier destiné à Bruno Lemaire.
Travail de terrain avec les élus et maîtrise des coûts de l'électricité
« Ces organisations locales et nationales de défense de l'environnement et du patrimoine, dont des syndicats professionnels et prochainement des plaisanciers, des agriculteurs et des associations touristiques, représentent des dizaines de milliers d'adhérents. Dans le cadre de la future concertation sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie et dans la foulée du débat "La Mer en débat" organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), elles regroupent leurs actions afin de partager leurs études et leurs propositions » explique Nicolas Bour.
Coordinateur technique du collectif Énergies Territoriales du Nord-Est de la France (ETNEF), ce porte-parole préside aussi l'association Les Amis de Saint-Gildas-de Rhuys. Membre du nouveau réseau, cette structure dédiée à la protection du patrimoine, de l'environnement et du tourisme se positionne contre l'émergence des deux parcs éolien flottant envisagés en Bretagne Sud.
« Tous les marchés posés ont été signés à 150-160 euros du mégawattheure, lancer un appel d'offres avec un prix plafond à 140 euros, moins cher que l'éolien posé et bien moins onéreux que les prix pratiqués au Royaume-Uni (120 à 200 Livres) est une équation économique aberrante » réagit Nicolas Bour.
« La technologie n'est pas mature, les financements publics sont accordés sans évaluation sérieuse d'impact, l'intermittence de l'éolien offshore n'est pas cohérente avec les objectifs de sécurité d'approvisionnement électrique. On est loin de la souveraineté énergétique » s'insurge-t-il.
Revendiquant un travail de terrain avec les élus des territoires, le réseau prône « la maîtrise du coût de l'électricité » et défend le développement d'un autre mix énergétique.
Géothermie, méthanisation, solaire en toiture
Hors éolien et agrivoltaïsme au sol, la décarbonation préconisée par Énergies Terre et Mer passe par l'association du nucléaire avec la chaleur renouvelable (géothermie), le gaz renouvelable (méthanisation) et le solaire en toiture en autoconsommation collective (hangars, bâtiments publics, industriels et commerciaux) et à une échelle infra-communale sur le réseau Enedis.
« Les EnR électriques variables et non commandables fournissent une production irrégulière non compatible avec le réseau existant. Sans solution de stockage, l'augmentation de capacité en période de vent et de soleil conduit à effacer la surproduction électrique avec des effets directs sur les prix. Selon nos hypothèses de simulation, la géothermie de surface offre un potentiel de 58 térawattheures à horizon 2050 en zone rurale, contre un aujourd'hui. Elle permet de décarboner les usages sans passer forcément par l'électricité et de favoriser l'autoconsommation » estime Nicolas Bour.
Une extrapolation menée en Morbihan par les Amis de Saint-Gildas de Rhuys établit que les solutions EnR thermiques pilotables et non-variables équivaudraient en 2050 à 2,5 MWh soit « 75 parcs éoliens terrestres ».
Arguant de la défense les activités nautiques ou agricoles et de la préservation de l'environnement, le collectif estime, qu'au-delà de la baisse du coût de l'électricité, son schéma est à même de fournir un revenu additionnel aux agriculteurs, des emplois locaux et de limiter la pression sur le patrimoine.
« L'éolien et les fermes solaires industrialisent les espaces maritimes et ruraux. Le Tréport, Courseulles-sur-Mer, Cap Fréhel, tous les sites en mer sont situés devant un grand site classé » déplore Nicolas Bour.
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