EDF : la rémunération du PDG dépendra de la production nucléaire

Pour qu'EDF produise davantage d'électricité issue de son parc nucléaire, le gouvernement va fixer chaque année un objectif de performance dont dépendra une partie de la rémunération des dirigeants du groupe, a fait savoir ce vendredi 8 septembre la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, sur Radio J. Si certains cadres de l'entreprise touchent déjà, en réalité, une rémunération variable en fonction de leurs résultats, le gouvernement estime « nécessaire » de « renforcer ces incitations », explique-t-on dans l'entourage de la ministre. Ce qui ne fait pas l’unanimité parmi les salariés et ex-salariés.
Marine Godelier
(Crédits : DADO RUVIC)

Qu'il paraît lointain, le temps du repli du nucléaire voulu par l'Etat... Tandis que le projet de loi sur l'avenir énergétique de la France, supposé acter la relance de l'atome, devrait atterrir sur le bureau des parlementaires à l'automne, le gouvernement veut montrer qu'il fait tout son possible pour doper la production des réacteurs d'EDF. Car si cette dernière est repartie à la hausse cet été, la débâcle de l'an dernier reste dans toutes les têtes : en 2022, le pays n'a produit que 62,7% de son électricité à partir de nucléaire, du jamais vu depuis 30 ans. D'autant que la baisse s'avère tendancielle. Alors qu'en 2015, les centrales françaises ont généré 420 térawattheures (TWh), ce n'était plus que 279 TWh l'an dernier, et 330 TWh au plus cette année, selon les prévisions de l'énergéticien.

Afin de faire grimper la courbe, l'exécutif a ainsi dégainé l'argument financier. Avec un instrument bien connu dans le privé : une partie de la rémunération des dirigeants d'EDF dépendra en partie de l'atteinte ou non d'objectifs de la production nucléaire fixés chaque année par l'Etat, a annoncé ce matin la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, sur Radio J.

De quoi rendre perplexe un ex-cadre dirigeant ayant requis l'anonymat. « Cela ressemble à un effet d'annonce. Depuis très longtemps, les bonus accordés en fin d'année chez EDF aux responsables de la production sont liés aux performances de production », affirme-t-il. Une information confirmée par plusieurs salariés et ex-salariés du groupe contactés par La Tribune.

Une décision issue du Conseil de politique nucléaire

Alors, pourquoi une telle déclaration ? « C'est une décision du Conseil de politique nucléaire (CPN) de juillet dernier. S'il est exact que certains cadres ont une rémunération variable basée sur des indicateurs sur la production, ce n'est pas une pratique généralisée », explique-t-on au sein du cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. Cet été, dans une annonce passée relativement inaperçue, le CPN a en effet demandé qu'EDF intègre des indicateurs de performance industrielle du parc atomique dans la rémunération variable des cadres dirigeants du groupe. Le but : « renforcer les incitations » existantes, précise-t-on dans l'entourage de la ministre.

Reste néanmoins à savoir à quel point la part de la rémunération des dirigeants dépendant de ces résultats opérationnels augmentera, afin de les inciter à atteindre de meilleurs chiffres. Interrogés, les ministères de la Transition énergétique et de l'Economie expliquent « affiner les modalités de cette indexation sur la performance », afin qu'elle puisse être mise en œuvre « à compter de 2024 ».

« Pour des raisons politiques, le gouvernement veut faire croire que la remontée de la production se fera grâce à lui. [...] Cela fait trente ans que les politiques agissent contre le nucléaire, et maintenant qu'ils en veulent à nouveau, ils attaquent les agents d'EDF ! », lâche l'ancien cadre dirigeant susnommé.

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Un autre ancien haut placé du groupe se montre, quant à lui, plus optimiste. « C'est une bonne chose ! Cela montre qu'il y a une prise de conscience des pouvoirs publics sur l'importance du nucléaire », affirme-t-il à La Tribune. Il n'empêche : les décisions politiques de ces dernières années sont en grande partie « responsables » de la situation actuelle, estime-t-il. En effet, dès 2012, le gouvernement a acté sa volonté de fermer de nombreuses centrales, avec un objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique d'ici à 2025 (puis 2035), contre environ 75% jusqu'alors. Ce n'est qu'en février 2022, après l'arrêt de Fessenheim (Haut-Rhin), qu'Emmanuel Macron a officiellement rompu avec cette stratégie, à l'aube de son second mandat présidentiel.

Couacs en interne

De son côté, la CGT fusille cette décision. « C'est pervers de pointer ainsi du doigt EDF, alors que les baisses de production sont davantage liées à des éléments externes », glisse Virginie Neumayer, responsable CGT chez l'énergéticien. Et de citer l'érosion du tissu industriel français, ou, plus récemment, le phénomène de corrosion sous contrainte. En effet, la crise historique de l'an dernier trouve notamment sa source dans la découverte de microfissures sur des tuyauteries cruciales pour la sûreté des centrales nucléaires, entraînant une vaste campagne de contrôle et de réparation. Or, ces problèmes sont davantage liés à la conception des pièces qu'à leur maintenance, et n'ont pu être identifiés que grâce à de nouvelles méthodes de contrôle.

Par ailleurs, la faible disponibilité s'explique aussi par le Grand Carénage, ce vaste programme pour prolonger la durée de vie des centrales. Et pour cause, celui-ci implique de les mettre à niveau, plutôt que de « simplement » les contrôler, avec un cahier des charges encore plus exigeant depuis l'accident de Fukushima de 2011. « Dans ce contexte, le volume de maintenance s'avère considérable, et les arrêts prennent forcément plus de temps », précise un ingénieur en sûreté nucléaire.

Parmi les ex-cadres interrogés, certains admettent néanmoins des couacs en interne. « Il y a quelques années, on a connu de réels problèmes de gestion des arrêts de tranche, avec des dérapages dans la maîtrise de la durée de ces arrêts », note l'un d'eux.

Au surlendemain de la mort de Marcel Boiteux, qui a dirigé l'entreprise de 1967 à 1987 et reste largement reconnu comme l'un des principaux contributeurs à la souveraineté électrique de la France, le message envoyé par le gouvernement au grand public, en tout cas, est désormais clair : l'on défend mieux l'intérêt général quand ce combat s'accompagne d'une carotte...et d'un bâton.

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Marine Godelier

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Commentaires 21
à écrit le 11/09/2023 à 7:25
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Bonjour, certe ils me semblent importants de favoriser la production du nucléaire... Mais la sécurité des installations ne dois nullement être compromis... Parcompte nous devons maintenir les investissement dans les énergies renouvelables... Le ...

à écrit le 11/09/2023 à 4:46
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Que la remuneration des patrons d EDF soinet contraint a des resultats pour le nucléaire est une bonne chose car 70% de l'electricité fabriquer par EDF est du encore au nucléaire. On est pas au 50/50. Comme ingénieur j'&i fait des tas de calculs ener...

à écrit le 10/09/2023 à 10:24
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On devrait faire pareil pour les ministres, présidents, députés, sénateurs et-c... La France va mal ? Ben on va moins vous payer alors puisque c'est vous qui la gérez ! Puis de toutes façons avec tout l'argent public qu'ils détournent pour leurs rése...

le 10/09/2023 à 19:07
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@Dossier 51: On ouvre une consultation populaire pour un referendum sur le sujet? Je doute qu'il y ait des abstentions; ce serait même le plus beau résultat en nombre de votants; le triomphe de la démocratie! Chiche!

à écrit le 09/09/2023 à 14:22
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C'est sur les résultats de production du renouvelable qu'il devrait être primé, pas sur un nucléaire qui ne produira rien avant 20 ans ou celui qui va passer son temps à essayer de ne pas mourir.

le 09/09/2023 à 19:59
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Ce qui veut dire être jugé sur notre niveau de dépendance à la Chine. Et sur le niveau de subsides à la filière..Amusant..

à écrit le 09/09/2023 à 14:20
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C'est sur les résultats de production du renouvelable qu'il devrait être primé, pas sur un nucléaire qui ne produira rien avant 20 ans ou celui qui va passer son temps à essayer de ne pas mourir.

à écrit le 09/09/2023 à 12:05
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Il faudrait surtout que la la rémunération des membres du gouvernement soit proportionnelle à la baisse des déficits budgétaire et commercial et la baisse des dépenses courantes. Idem pour les parlementaires (tous au smic si les dépenses publiques ne...

à écrit le 09/09/2023 à 8:29
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Bref ! Que ne ferions nous pas pour avoir une augmentation au dépend de la sécurité ?

à écrit le 09/09/2023 à 0:28
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La réponse était simple : La carotte lol Des années avec de grands patrons qui attendaient la retraite et qui ne cherchaient pas à produire, mais heureusement un des ministres à marié sa fille à un commercial, qui lui a parler d'un fixe et de primes...

le 09/09/2023 à 14:22
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Et ils se sont fait sauter la caisse.

à écrit le 08/09/2023 à 23:19
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Vu les brillantes qualités de gestion de nos gouvernements (je rappelle qu'on a flanqué notre ministre des finances d'un ministre du budget (sait-il compter?) sur le soupçon, sans doute, de notre inspecteur des finances de président), il eut été préf...

à écrit le 08/09/2023 à 22:37
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Prime à la soumission à l'empire colonial français et sa prédation sur l'uranium africain... Par conséquent, cela n'a aucun rapport avec un objectif de production "verte" issue du monopole historique hydro-électrique ou encore d'éoliennes.

le 09/09/2023 à 8:23
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prime a l'incompétence de votre commentaire. La grande majorité de l'uranium qui fait tourner nos centrales ne vient pas d'Afrique. Ensuite les énergies vertes que vous mentionnez ne permettent pas de satisfaire à la demande nationale (les éoliennes ...

le 09/09/2023 à 19:00
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@nimportnawak A l'évidence vous méritez votre pseudonyme car il ne vous a pas traversé l'esprit que l'uranium ne pousse pas sur les arbres français d'où l'ingérence française en Afrique à défaut d'être capable de destabiliser l'ex-URSS dont la ...

le 09/09/2023 à 19:57
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Le nucléaire permet une grande diversification de sources . Le renouvelable dépend entièrement du bon vouloir de la Chine. C est juste une réalité..

à écrit le 08/09/2023 à 22:34
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Il était temps ! 20 ans de perdus à procrastiner sur l'incontournable nucléaire. Sauvé par le gong... et le principe de réalité.

à écrit le 08/09/2023 à 21:25
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Souveraineté électrique de la France? Et l'uranium vient d'où? Le ciel?

à écrit le 08/09/2023 à 21:21
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Une démarche très dangéreuse qui va complètement à l'encontre de la sûreté et sécurité nucléaire – ce qui est censé être l'alpha et l'oméga des priorités d'une CNPE. Production à tout prix n'a rien à voir avec une centrale nucléaire. Ca remet en caus...

à écrit le 08/09/2023 à 20:32
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Pour macron également ?.

le 09/09/2023 à 19:05
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Pas d'inquiétude pour lui car si Poutine a perdu Prigojine en Afrique, Macron a conservé Benalla sous son aile...

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