Climat : le gouvernement met la pression sur TotalEnergies

Sans surprise, l’Assemblée générale de TotalEnergies a été chahutée par des centaines d’activistes écologistes, ce vendredi matin. Plus étonnant, la Première ministre a reconnu la légitimité des manifestants, tandis que la ministre de la Transition énergétique a appelé le groupe à accélérer davantage dans les énergies renouvelables. Autre coup de tonnerre : 30,44% des actionnaires ont approuvé une résolution à laquelle TotalEnergies s’opposait, lui réclamant d'aligner l'ensemble de ses émissions indirectes de CO2 sur une trajectoire compatible avec l'accord de Paris sur le climat. De son côté, pourtant, la major continue d’assumer pleinement sa stratégie.
Marine Godelier
(Crédits : STEPHANIE LECOCQ)

Il n'y a pas que les centaines d'activistes écologistes postés à l'entrée de l'Assemblée générale de TotalEnergies qui ont fait monter la pression sur la multinationale, ce vendredi matin. Le gouvernement y a également mis son grain de sel, appelant la major à aller « plus vite » sur le développement des énergies renouvelables, et reconnaissant la légitimité des contestations. Le même gouvernement qui, quelques mois plus tôt, se félicitait des efforts consentis par l'entreprise pour opérer des ristournes sur le prix de l'essence, et comptait sur elle pour assurer la sécurité d'approvisionnement en énergies fossiles de la France, touchée par un choc d'offre sans précédent.

En effet, la Première ministre, Élisabeth Borne, a estimé vendredi que « les militants du climat » étaient « dans leur rôle d'alerter et de dire qu'il faut accélérer », alors que des échauffourées ont eu lieu avec la police, aux abords de la salle parisienne où s'est finalement tenue l'AG après l'usage de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre. « C'est ce que porte aussi le gouvernement : il faut que tous nous accélérions sur la transition écologique », a-t-elle ajouté, tout en reconnaissant au géant pétrolier d'avoir « engagé sa transition vers les énergies renouvelables ». Un peu plus tôt dans la matinée, c'était au tour de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, d'interpeller l'énergéticien : « Total investit dans les énergies renouvelables, mais l'enjeu, c'est d'aller plus vite, plus fort et surtout plus rapidement », a-t-elle souligné à Franceinfo, lui demandant de « mettre le paquet » sur les renouvelables.

Aux alentours de midi, l'adjoint à la mairie de Paris David Belliard (Paris en Commun-Ecologie pour Paris) s'est joint à la partie : « Personne n'a de leçon de calme à recevoir d'une entreprise dont le business détruit littéralement la planète », a-t-il twitté en réponse à message de TotalEnergies appelant à l'apaisement.

La faute à la demande des clients

Reste que du côté de l'accusé, le message n'a pas changé : certes, la société continue d'investir massivement dans de nouveaux projets pétroliers, du Brésil à l'Angola, en passant par Abu Dhabi, la Namibie ou le Suriname. Et ne compte d'ailleurs pas renoncer à son mégaprojet EACOP d'oléoduc en Tanzanie et en Ouganda, destiné à évacuer l'or noir extrait sur les rives du lac Albert, malgré l'opposition acharnée de nombreuses ONG. Mais « en réalité », la « demande de pétrole à l'échelle mondiale est en croissance, et si ce n'est pas TotalEnergies qui y répond, d'autres le feront à notre place », a affirmé vendredi son PDG, Patrick Pouyanné.

« Ce n'est pas TotalEnergies qui seul va décider quels sont les besoins de nos clients. [...] Il faut continuer à assurer l'approvisionnement en énergie dont [ils] ont besoin, notamment dans les pays en développement, pour qu'ils puissent accéder à un certain niveau de vie », s'est-il défaussé.

Il s'agit aussi de « protéger le portefeuille » et « maintenir le moteur à cash de l'entreprise », avait-il justifié le 21 mars lors d'une réunion avec les investisseurs, au lendemain de la publication du rapport de synthèse du GIEC sur l'impact des combustibles fossiles sur le climat.

Rhétorique sur le rôle « positif » du gaz

Ce n'est pas tout : « si on réduit l'offre, les prix vont s'envoler ! », a-t-il insisté vendredi. Et d'ajouter : « Vous l'avez vu en 2022, ce n'est pas ce que nos clients demandent, et ce n'est pas l'idée d'une juste transition ». Il faut dire que la France a fait l'expérience douloureuse d'une flambée historique des cours de l'énergie ces derniers mois, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les déboires du parc nucléaire, poussant l'Etat à geler les tarifs du gaz et de l'électricité... et à demander à TotalEnergies de « faire des efforts » pour diminuer les factures d'essence.

« TotalEnergies a pris ses responsabilités très rapidement, nous nous sommes mobilisés pour répondre à la sécurité énergétique », a défendu Patrick Pouyanné.

La major compte d'ailleurs pivoter largement vers un autre hydrocarbure que le pétrole, sur lequel l'Europe compte d'ailleurs s'appuyer massivement et a craint de manquer ces derniers mois : le gaz. Et notamment le gaz naturel liquéfié (GNL), dont la production doit augmenter de 40% entre 2021 et 2030. . Patrick Pouyanné ne le cache d'ailleurs pas : les « moteurs de croissance » après 2027 seront principalement liés au champs gaziers où la major se déploie, notamment au Qatar (North Field East et South), aux Etats-Unis (Cameron), en Nouvelle-Guinée (Papua) ou au Mozambique.

Pour ce faire, TotalEnergies déploie une rhétorique bien huilée sur le « rôle positif du gaz dans la transition énergétique », moins polluant que d'autres combustibles fossiles. « Il permet d'assurer la fiabilité de la fourniture d'électricité à nos clients en compensant l'intermittence des énergies renouvelables, et se substitue au charbon dans la génération d'électricité de certains pays », a-t-il ainsi clamé vendredi. Avant d'affirmer que les ventes de gaz de TotalEnergies...« ont contribué à éviter 70 millions de tonnes de CO2 en 2022 ». L'entreprise peut d'ailleurs compter sur la soif du Vieux continent en GNL pour justifier sa stratégie - une question de « demande », là encore.

« Nous avons participé à la création de nouveaux points de réception du GNL en Europe [...] et couvert 20% des besoins de l'Europe », s'est ainsi félicité Patrick Pouyanné.

La contestation monte aussi chez les actionnaires

Il n'empêche, la pilule passe de plus en plus mal, y compris chez l'actionnariat. Certes, 89% des investisseurs ont voté en faveur de la résolution Climat du groupe ce vendredi, soit le même pourcentage que l'an dernier. Mais, surprise : 30,44% d'entre eux ont finalement approuvé une autre résolution déposée par les activistes de Follow This, réclamant à l'entreprise d'aligner l'ensemble de ses émissions indirectes de CO2, le fameux « Scope 3 », sur une trajectoire compatible avec l'accord de Paris sur le climat.

Soit un vote bien supérieur à celui enregistré en 2020 (17%) et ceux obtenus cette année pour des résolutions similaires aux assemblées générales, elles aussi chahutées, de Shell (20,19%) et de BP (16,75%) !  Pourtant, le Conseil d'administration de TotalEnergies avait appelé à voter contre, estimant que la responsabilité de cette pollution ne lui revient pas, étant générée par ses clients lorsqu'ils se rendent à la pompe, par exemple. Visiblement surpris par un tel résultat, le groupe n'a pas souhaité faire de commentaire.

Lire aussiClimat: TotalEnergies rejette la résolution sur la prise en compte de ses émissions indirectes

Marine Godelier

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Commentaires 15
à écrit le 29/05/2023 à 19:54
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C'est étonnant comme dirigeants élus et hauts fonctionnaires critiquent les entreprises françaises qui réussissent et sont beaucoup plus absents lorsqu'il s'agit de leurs concurrents étrangers. Ce n'est plus le culte de l'anti-héro, c'est la préféren...

à écrit le 29/05/2023 à 8:12
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L'écologie OUI les écologistes NON !!!!!

à écrit le 28/05/2023 à 0:02
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Je préfère TotalEnergies qui gagne de l'argent et qui investit dans l'industrie verte qu'Edf géré par l'Etat et incapable de financer la moindre centrale nucléaire. Si EDF avait été privée, gérant ses tarifs en toute indépendance, elle aurait gagné d...

le 28/05/2023 à 8:59
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bizard ceci me rapelle le reglement de compte vge et boussac visiblement nos politiciens ont toujours rien compris a la gestion d'une entreprise pour eux c'est comme une commune seul la case recette est visible que la rente soit d'une autre cou...

à écrit le 27/05/2023 à 17:59
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Quand j'entends le mot écologie, je sors mon rėvolver...

à écrit le 27/05/2023 à 17:30
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Avec une politique comme celle la on organise la pénurie et une flambée des prix des carburants dans quelques années. C'est la même politique populaire qui a mené à la crise de l'électricité actuelle. Il me semble que Totalénergies a évité beaucoup d...

à écrit le 27/05/2023 à 12:50
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Puisqu'on n'en veut plus et que ses actionnaires sont majoritairement des non-français, pourquoi TOTALENERGIES ne déplace-t-il pas son siège social sous des cieux plus accueillants? Des candidats moins bêtes que nous postuleraient bien volontiers.

le 28/05/2023 à 12:35
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Je suis prêt à parier que cela ne saurait tarder. La Nupes au pouvoir et Total s'éclipse .

à écrit le 27/05/2023 à 8:56
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Profit record pour l’armateur CMA-CGM en 2022, bénéfice net de 23 milliards d’euros plus élevé que les groupes du CAC 40 ! Y compris total énergie a qui on met la pression Qui en parle ? Au profit d’une seule famille franco libanaise amie du Pr...

à écrit le 26/05/2023 à 21:02
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Afin d'accélérer tout ça et pour plaire à madame la ministre ils ouvrent des renouvelables, mais pas en france pour ne pas se faire insulter une fois de plus Devinez qui va pousser des cris de singes patriotiques sur la reinfustrialisation et le ...

à écrit le 26/05/2023 à 20:46
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Les activistes sont dans leur rôle, brailler tout en étant incapables de proposer une quelconque alternative crédible. Le gouvernement est dans le sien: après avoir saccagé la filière nucléaire, il s'en prend à une des seules forces capables de contr...

le 27/05/2023 à 12:14
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Ne pas oublier que Mme Borne est peut-être polytechnicienne mais surtout marquée à Gauche en tous cas dans sa vie précédente……. avec le fatras idéologique qui accompagne ce positionnement !!

à écrit le 26/05/2023 à 20:08
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Ladite ministre présentait sa position en tant qu'actionnaire individuel, je suppose, car elle n'avait certainement pas qualité pour représenter le gestionnaire des participations de l'Etat.

à écrit le 26/05/2023 à 19:06
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Heureusement que pour l'instant il y a des boites comme TOTAL qui ont des bénéfices substantiels pour avec une activité concernant des énergies fossiles gaz et pétrole, est aussi capable de dégager suffisamment de bénéfices pour contribuer à la trans...

à écrit le 26/05/2023 à 18:47
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A les écouter c'est carrioles, fiacres, bougies et tout le monde à travailler la terre.. J'imagine que ceux qui possèdent un jardin ont planté des patates et des salades. Je note que l'architecte de l'ambitieux accord de paris sur le climat et direct...

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