Demain s'ouvre à Versailles la 7e édition de Choose France, grand-messe qui réunira autour d'Emmanuel Macron près de 180 dirigeants étrangers et une soixantaine de patrons français. L'objectif : convaincre ces chefs d'entreprise d'investir dans l'Hexagone.
LA TRIBUNE DIMANCHE - Comment se présente cette édition ?
ROLAND LESCURE - Elle se jouera à guichets fermés ! Car Choose France n'a jamais autant attiré, nous n'avons jamais eu autant de demandes de dirigeants étrangers, au point de devoir refuser du monde, faute de places ! Le président de la République voulait que la France ait un grand événement annuel destiné à attirer les investisseurs du monde entier. Et ça a marché. Choose France est maintenant devenu un vrai événement international autonome, à l'image de ce qu'est Davos. C'est un rendez-vous où les patrons veulent être. Surtout cette année, avec les Jeux olympiques et paralympiques. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le slogan 2024 est « La France, terre de champions ». À Versailles, il y aura un clin d'œil à la flamme. Cet afflux de demandes montre combien la France attire les industriels. Nous sommes d'ailleurs pour la cinquième année d'affilée le premier pays européen pour les investissements étrangers, comme l'a montré le baromètre EY publié la semaine dernière.
"Un tiers de ces nouvelles usines sont des industries « vertes »"
Pourtant, la concurrence est féroce avec les États-Unis et la Chine. Mais nous avons cette année encore ouvert plus d'usines que nous n'en avons fermé. Le solde est positif : en 2022, mes services ont comptabilisé 176 ouvertures nettes d'usines et lignes de production, et près de 201 l'an dernier. Un tiers de ces nouvelles usines sont des industries « vertes », c'est-à-dire des entreprises qui travaillent dans l'économie circulaire, les pompes à chaleur, les éoliennes, etc. Alors qu'en 2022 c'était une entreprise sur six. La progression est très impressionnante.
Quels projets seront annoncés à Choose France ?
Je ne peux évidemment pas tous vous les dévoiler mais, par exemple, Solvay, géant franco-belge de la chimie, présent en France depuis 1873, va reconvertir son usine de La Rochelle, en Charente-Maritime, ouverte il y a plus de soixante-quinze ans. Il va y lancer prochainement la première phase d'une unité de production à grande échelle de terres rares, véritable nerf de la guerre économique mondiale actuelle, élément clé des moteurs de véhicules électriques ou encore des éoliennes. Alors qu'aujourd'hui Solvay les utilise pour les pots catalytiques des voitures thermiques, il va s'orienter vers les technologies vertes... Cette nouvelle activité industrielle pourrait représenter à terme des investissements dépassant les 100 millions d'euros, et faire de ce site l'un des plus grands du monde pour la production de terres rares. C'est le symbole d'une industrie d'hier qui s'investit dans la transition écologique.
Un autre projet ?
Vorwerk, société allemande installée dans l'Hexagone depuis les années 1960, produit les célèbres robots de cuisine Thermomix. En 2022, Vorwerk avait déjà annoncé 57 millions d'euros pour une nouvelle usine dans la région de Châteaudun... Elle passe encore un cap avec un nouvel investissement de 72 millions d'euros dans la région, avec à la clé 50 emplois créés. Demain, ce seront 1,8 million de Thermomix produits par an en France, dont 85 % destinés à l'export. Pourquoi Vorwerk augmente-t-il sa présence en Eure-et-Loir ? Parce qu'il trouve les talents, le foncier, mais aussi obtient les autorisations nécessaires pour développer son site rapidement grâce à la loi industrie verte, qui raccourcit les délais administratifs à neuf mois. Des Thermomix made in France au service du quotidien des consommateurs grâce à Choose France ! Enfin, dernier exemple : FertigHy, une start-up espagnole soutenue par une plateforme d'investisseurs européens, va annoncer demain plus de 1,3 milliard d'investissements dans l'Hexagone. Installé dans la Somme, à Languevoisin, FertigHy va permettre, grâce à un nouveau procédé innovant, de produire des engrais azotés bas carbone, grâce à de l'hydrogène produit lui-même à partir d'électricité. C'est une première mondiale pour la décarbo-nation de notre agriculture et pour notre souveraineté alimentaire, qui permettra d'éviter l'émission de près de 1 million de tonnes de CO2 par an et de réduire de 30 % nos importations d'engrais azotés. Ce projet, qui va créer 250 emplois, est l'exemple même de la révolution verte que nous soutenons. Les patrons de ces trois sociétés très différentes ont aussi choisi la France parce qu'elle est une porte d'entrée du marché européen. Ces investissements sont une réponse à tous les défaitistes qui nous disent qu'il faudrait une préférence nationale. Comment ferait Vorwerk, qui va exporter ses Thermomix partout dans le monde, si on fermait nos frontières ? Quand vous fermez une porte, vous la fermez dans les deux sens !
En même temps, la France cherche à combler son déficit. Les patrons craignent souvent son instabilité fiscale...
Qu'ils soient rassurés, car ce temps est révolu ! Nous avons baissé les impôts de 60 milliards d'euros depuis 2017, dont la moitié pour les entreprises ! Malgré les crises, nous avons maintenu un cap constant et cohérent depuis 2017, sans changer de ligne. Cette édition de Choose France sera l'occasion de redire combien nous croyons à notre politique de l'offre. Nous n'allons pas changer une stratégie qui a fait ses preuves et donne des résultats concrets. L'enjeu est plutôt de continuer à changer d'échelle, car cela concerne la souveraineté française et européenne. Il faut tenir face aux États-Unis et à la Chine. Et la voix de la France compte. La preuve en est que, face à la politique de subventions massives déployée par les Américains pour attirer les investisseurs, la France a réussi à convaincre ses partenaires européens d'investir davantage, d'autoriser des crédits d'impôt pour les entreprises dans cinq secteurs stratégiques : l'éolien, les batteries électriques, le photovoltaïque, l'hydrogène et les pompes à chaleur. Dans la loi industrie verte que nous avons adoptée l'an dernier [mise en œuvre en mars par un décret] figure un crédit d'impôt vert qui intéresse les industriels. En quelques semaines, nous avons déjà recensé 18 projets concernant les batteries électriques et l'éolien. À terme, cela peut générer jusqu'à 2 milliards d'euros sur notre territoire. Notre pari est de concilier économie, écologie et souveraineté, et de faire de la France la première industrie décarbonée d'Europe.
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