![Des PFAS sont présents dans les poêles de cuisine (image d'illustration).](https://static.latribune.fr/full_width/2336042/moins-de-100-pour-cette-batterie-de-cuisine-tefal.jpg)
[Article publié le jeudi 30 mai, à 13h53, mis à jour à 15h20]Sur la question des « polluants éternels » (PFAS), l'Assemblée nationale et le Sénat semblent sur la même ligne. Après avoir voté, en avril, la proposition de loi écologiste du député (EELV) Nicolas Thierry qui vise à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, les députés ont transmis le dossier à leurs collègues du Palais du Luxembourg qui ont eux aussi adopté à l'unanimité ce texte, ce jeudi. Un vote sans surprise puisque l'alliance majoritaire de droite et du centre avait déjà donné son approbation à la quasi-totalité des mesures en Commission du développement durable la semaine passée.
Poêles en Téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles... De nombreux objets du quotidien contiennent ces substances polyfluoroalkylés, appelées PFAS, qui doivent leur surnom à leur cycle de vie très long et, pour certaines, à leur effet néfaste sur la santé. C'est pourquoi, l'article-phare de la proposition de loi prévoit d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des PFAS, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.
Le Sénat veut « avancer », le gouvernement « réservé »
« Le Sénat s'inscrit dans une volonté d'avancer de manière transpartisane et cela donne un signal clair à tout le secteur industriel : la sortie des PFAS est lancée », veut croire le sénateur écologiste Jacques Fernique.
Dans une chambre haute qui penche à droite, quelques doutes persistent néanmoins dans les rangs des Républicains. « On inflige d'un seul coup des normes insoutenables à nos entreprises », s'inquiète le sénateur Rémy Pointereau, qui craint de « nombreuses fermetures d'usines ». Le groupe LR a néanmoins soutenu majoritairement cette évolution législative, laissant envisager la possibilité d'une adoption définitive à l'Assemblée nationale en deuxième lecture par la suite.
De son côté, le gouvernement, lui, est beaucoup moins convaincu. S'il a apporté sa « bienveillance sur l'initiative » en ouverture des débats, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a exprimé « des réserves sur son contenu ». Une approche européenne « est une nécessité si on veut être capable, sur ces sujets, d'être crédible et d'avancer », a-t-il alerté.
Les ustensiles de cuisine retirés du texte
D'autant qu'un point noir subsiste dans cette proposition de loi : l'interdiction des ustensiles de cuisine, a été retirée du texte par les députés et n'a pas été réintroduite à ce stade.
Fin mars dernier, à quelques jours de la présentation de la proposition de loi écologiste à l'Assemblée nationale, le Groupe Seb avait notamment indiqué dans La Tribune Dimanche le risque que ferait peser le texte sur ses salariés. Quelques jours plus tard, le syndicat Force ouvrière appelait également à manifester devant le Palais Bourbon afin de retirer les ustensiles de cuisine du texte, ce qui a par la suite été voté par amendement.
Un compromis semble tout de même se dessiner pour obliger les industriels à mentionner la présence de PFAS sur l'étiquette des ustensiles de cuisine qui en contiennent.
Une taxe sur le principe du « pollueur-payeur »
Autre mesure forte du texte, une taxe visant les industriels dont les activités entraînent des rejets de PFAS, sur le principe du « pollueur-payeur ».
Selon le député Nicolas Thierry, à l'origine du texte : « Il était fondamental et extrêmement important de traduire le principe de pollueur-payeur qui, en réalité, même si on l'évoque souvent pour les pesticides ou la pollution chimique, n'est jamais appliqué très concrètement ».
Pour cela, le député propose d'inscrire un dispositif « au volume » : à savoir taxer tout industriel, tout producteur ou toute Installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) qui rejette des PFAS dans l'environnement, à hauteur de 100 euros pour 100 grammes de PFAS. La somme de cette taxe serait ensuite dirigée vers les six Agences de l'eau, qui subventionneraient les collectivités territoriales afin de dépolluer les sites concernés.
Pour autant, cette manne financière « ne serait pas suffisante pour couvrir les frais de dépollution », concède le député. « Mais il était important, au regard du rapport de force dont je dispose à l'Assemblée, d'arriver à cranter, à inscrire ce principe dans la loi ».
À titre d'exemple, le coût de dépollution des sites contaminés aux PFAS en Europe a été estimé à 238 milliards d'euros par le chercheur norvégien Hans Peter Heinrich Arp, cité par le député du Rhône Cyril Isaac-Sibille (RE) dans son rapport remis au gouvernement en janvier dernier.
Ces deux mesures majeures - l'interdiction de certains produits en 2026 et la taxe « pollueur-payeur » - ont été adoptées par le Sénat en commission, malgré quelques ajustements à la marge, comme l'exclusion du champ d'interdiction des produits contenant des « traces résiduelles » de PFAS, dont le niveau maximal sera défini par décret.
Un sujet devenu un enjeu de société
Ces dernières semaines, outre la mobilisation parlementaire, plusieurs exemples locaux ont replacé le sujet sur le devant de la scène dans des zones particulièrement touchées, comme à Oullins (Rhône), où 600 personnes ont défilé dimanche pour alerter sur les rejets des industriels de la vallée de la chimie au sud de Lyon.
Nous sommes, je pense, au début d'une prise en charge publique du problème, à plusieurs échelles, selon Gwenola Le Naour, politiste et sociologue à Sciences Po Lyon. Il y aura certainement une législation au niveau européen, parce qu'il y en a déjà aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe.
Les débats au Sénat permettront également de compléter le volet relatif à la transparence des contrôles des PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine. La gauche souhaite notamment y intégrer les eaux en bouteille, à la suite de révélations sur le recours par des industriels à des pratiques prohibées de désinfection.
« ll faut aller vers plus de transparence pour assurer la crédibilité du secteur et la confiance des citoyens », a affirmé le socialiste Hervé Gillé, satisfait d'un texte « certes édulcoré », mais qui constitue « une première brique contre la diffusion des PFAS ».
(Avec AFP)
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