Benchling met le cloud au service des biotechs

La jeune pousse de San Francisco a conçu une solution logicielle qui permet aux laboratoires pharmaceutiques de facilement stocker leurs données pour faciliter la collaboration et mettre en place des applications autour de l’IA.
Malay Gandhi, en charge de la stratégie et du développement chez Benchling.
Malay Gandhi, en charge de la stratégie et du développement chez Benchling. (Crédits : Benchling)

Comme la plupart des acteurs économiques, les laboratoires de recherche en biotechnologie sont amenés à stocker des données, et optent de plus en plus pour le cloud. Mais les spécificités de la recherche, ainsi que les régulations qui encadrent fortement le secteur, font qu'un service cloud traditionnel ne fait pas toujours l'affaire.

C'est pour combler cette lacune que Benchling s'est lancée en 2012. Cette jeune pousse de San Francisco, qui se présente comme un cloud pour la R&D, entend offrir une solution logicielle taillée pour les besoins des laboratoires, alors que les biotechnologies pourraient permettre de soigner 45 % des maladies existantes dans le monde durant la prochaine décennie, selon McKinsey. L'entreprise, dont 80 % des clients œuvrent à la conception de médicaments pour les humains, a d'ailleurs récemment annoncé un partenariat avec Sanofi autour de la R&D.

Une représentation virtuelle du laboratoire

L'idée de Benchling est de permettre aux professionnels des biotechnologies de centraliser leurs données dans son cloud (hébergé sur AWS) pour leur permettre de collaborer plus efficacement et de mettre plus facilement une couche d'intelligence artificielle sur celles-ci.

« Benchling constitue un pont entre le monde réel et le monde digital, une représentation numérique des processus physiques qui se déroulent dans un laboratoire : les expériences réalisées, les molécules testées, les résultats, etc. », résume Malay Gandhi, en charge de la stratégie et du développement chez Benchling, dont les bureaux offrent une splendide vue panoramique sur tous les quartiers est de San Francisco.

Avec deux grandes ambitions : éviter les pertes de données et faciliter leur exploitation au service de la recherche. « Les données générées par les laboratoires de recherche pharmaceutiques ont une valeur inestimable. En les laissant sur une feuille de papier ou, dans le meilleur des cas, un fichier Excel, on ne pourra jamais en extraire toute la valeur potentielle. En outre, lorsqu'une entreprise possède plusieurs laboratoires employant chacun de nombreux scientifiques, qui travaillent sur toute la chaîne de développement d'un nouveau médicament, le fait d'avoir un seul cloud sur lequel ils puissent tous stocker et représenter leurs données de la même manière permet de considérablement gagner en efficacité. »

Sécurité et régulations

La question du stockage et du traitement des données est en outre particulièrement épineuse dans un domaine comme les biotechnologies, où la sauvegarde de la propriété intellectuelle est une notion capitale, au même titre que le respect des régulations qui encadrent étroitement ce type de données. Benchling intègre ainsi dans son offre un service qui aide les laboratoires à transmettre leurs données à la Food and Drug Administration (FDA), l'agence américaine chargée de la surveillance des médicaments.

Différentes fonctionnalités spécifiques ont également été repensées pour veiller à l'intégrité des données, limiter les risques de fuite et les failles logicielles susceptibles d'ouvrir une porte d'entrée aux attaquants. Les mises à jour logiciel peuvent ainsi ne pas être effectuées au compte-goutte, plusieurs dizaines de fois par jour, comme il est d'usage dans le cloud, mais une fois par trimestre, afin que les laboratoires aient une vision exhaustive de ce qui a changé dans le logiciel. Il est également possible de mettre en place des règles plus restrictives quant à l'accès des données et à leur manipulation. La personne qui entre les données peut, par exemple, activer une fonctionnalité qui ne les rend modifiables que par certaines personnes et sous certaines conditions.

Un cloud qui parle le langage des sciences

Mais pour Malay Gandhi, le principal attrait de Benchling pour les laboratoires, face aux solutions génériques comme celle d'Azure, de Google Cloud ou d'AWS, tient dans le langage scientifique qu'expriment les données de laboratoire.

« Notre spécificité est que nous savons parler le langage de la biologie. Pour prendre un exemple simple, une séquence d'ADN est une série de lettres, qui apparaîtra sous cette forme dans une base de données traditionnelle. Or, chez Benchling, nous pouvons proposer une visualisation de cette séquence, sous forme de double hélice, et permettre au client de facilement la comparer avec d'autres séquences existantes, de faire des calculs pour évaluer certaines de ses propriétés, ou encore de savoir quelle séquence encode quel type de protéine... », donne-t-il comme exemple.

« De même, si l'utilisateur veut mesurer la solubilité d'une molécule, il lui suffit d'appuyer sur un bouton pour le faire. Bref, notre base de données maîtrise le langage des biotechs, et cela fait une grosse différence pour les utilisateurs, qui peuvent d'emblée accéder à des fonctions qu'ils devraient autrement construire d'eux-mêmes en créant leur propre logiciel et rédigeant des lignes de code », ajoute Malay Gandhi.

L'IA au service de la recherche médicamenteuse

Pour les laboratoires pharmaceutiques, le fait de disposer de leurs données unifiées, accessibles et au bon format facilite également la mise en œuvre d'applications autour de l'IA.

Un groupe comme Sanofi utilise par exemple la science des données pour améliorer le fonctionnement de sa chaîne d'approvisionnement et accélérer la découverte de nouveaux traitements grâce à l'IA. L'usage de cette technologie permet ainsi aux équipes de R&D de Sanofi d'améliorer de 20 à 30 % l'identification de cibles potentielles dans des domaines thérapeutiques tels que l'immunologie ou l'oncologie. À travers son partenariat avec Benchling, l'entreprise affirme qu'elle peut accélérer considérablement certains processus de recherche, passant dans certains cas de quelques semaines à quelques heures seulement.

La solution cloud de la jeune pousse californienne est également utilisée par Sanofi pour agréger les données complexes de plusieurs départements différents, des équipes chargées de l'oncologie de précision à celles qui planchent sur la recherche autour de l'ARNm. Outre Sanofi, Benchling équipe actuellement plus de la moitié des 50 premières entreprises biopharmaceutiques mondiales, dont AstraZeneca, Ipsen et Servier. Ce dernier recourt notamment à la technologie de Benchling pour faciliter la collecte et le traitement de données issues de la recherche in vivo, afin d'accélérer la mise sur le marché de nouveaux médicaments.

Benchling a en outre récemment ajouté de nouvelles fonctions basées sur l'IA générative à sa plateforme, par exemple pour permettre aux utilisateurs de rédiger automatiquement un rapport sur leurs expériences.

Le coût de développement moyen d'un médicament est actuellement évalué à 2,3 milliards de dollars (2,1 milliards d'euros), et peut prendre une vingtaine d'années. En outre, ce coût ne cesse d'augmenter, tandis que le taux d'échec va croissant : aux États-Unis, par exemple, 12 % seulement des médicaments qui entrent en phase d'essais cliniques seront finalement approuvés par la FDA pour être mis sur le marché. Des difficultés dues au fait que les molécules les plus faciles à trouver ont pour la plupart déjà été identifiées et utilisées. Les chercheurs doivent donc redoubler d'efforts pour en trouver de nouvelles.

De nombreux espoirs reposent désormais sur la technologie, et en particulier l'IA, pour accélérer la recherche. L'intelligence artificielle générative peut ainsi être utilisée pour passer au crible des milliards de molécules différentes, et simuler leurs interactions à différentes échelles, avec des approches par phénotype et génome. Avec à la clef la possibilité de démultiplier les candidats éligibles au statut de médicaments et réduire les risques d'échec en identifiant les molécules les plus prometteuses.

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