Réforme de la loi SRU : la Fédération des Offices Publics de l’Habitat s’insurge

Le projet de loi logement du gouvernement, qui prévoit notamment d'imposer à plusieurs villes des quotas de logements sociaux, a été adopté le 5 juin en commission par les sénateurs. Un dossier qui ne fait pas l’unanimité, notamment, du côté de la Fédération des Offices Publics de l’Habitat. À l’occasion de sa convention annuelle, qui s’est ouverte ce jeudi à Angers, son président Marcel Rogemont n’a pas manqué de signifier son mécontentement, dénonçant une mesure qui va surtout bénéficier « aux plus riches des classes moyennes ».
La Convention annuelle de la Fédération des OPH s’est ouverte le 6 juin 2024, au Centre de Congrès Jean Monnier, à Angers, en présence de son président Marcel Rogemont.
La Convention annuelle de la Fédération des OPH s’est ouverte le 6 juin 2024, au Centre de Congrès Jean Monnier, à Angers, en présence de son président Marcel Rogemont. (Crédits : H. THOUROUDE/FOPH)

Le texte du ministre du logement Guillaume Kasbarian a passé un premier filtre sénatorial, celui de la commission des Affaires économiques de la chambre haute mercredi 5 juin.

Ce projet de loi, composé de 14 articles, doit permettre « de produire plus de logements abordables pour les Français, que ce soit en location ou en accession, en donnant aux élus et aux bailleurs de nouveaux outils ». Durcissement des surloyers en HLM, nouveaux pouvoirs conférés aux maires dans l'attribution des logements sociaux... sont quelques mesures du texte qui ambitionne d'apporter des réponses à la crise du logement en développant l'offre de logements abordables. Le point le plus discuté concerne la réforme de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) imposant à plusieurs villes des quotas de logements sociaux. De fait, le gouvernement souhaite accorder à certaines villes n'ayant pas atteint leur objectif d'intégrer une part de logements intermédiaires à leur quota afin de rattraper leur retard.

Lire aussiCrise de l'immobilier en Île-de-France: combien faut-il de logements à horizon 2030 ?

« C'est une loi faite pour les couches moyennes supérieures »

Réservés aux zones tendues où les loyers s'envolent, ces logements intermédiaires permettent à des ménages des classes moyennes dont le revenu est trop élevé pour prétendre à un logement social de trouver un toit.

« Le gouvernement nous a proposé de signer un protocole sur le développement du logement intermédiaire le LLI, qui déclare positionner le LLI sur les travailleurs essentiels. Notons que le concept de classes moyennes est peu préciséqu'entendons-nous par là ? Tout le monde se pense être dans les classes moyennes », s'insurge Marcel Rogemont, président de la Fédération des Offices Publics de l'Habitat, lors d'une conférence de presse ce jeudi alors que s'est ouverte le matin-même sa convention annuelle à Angers. S'agissant de ce texte de loi, ce dernier se dit « furieux ».

« Sur 1,8 million de ménages constitués de travailleurs clés en Île-de-France, 1,160 million relève d'un logement aidé, dont 88% du logement locatif social (notamment du PLS ou Prêt Locatif à Usage Social, ndlr). Il y a quand même 2,6 millions de personnes qui demandent un logement social. Il s'agit essentiellement des personnes seules, des femmes avec enfants, touchant 800 euros de revenus. C'est ça la réalité ! Et est-ce que l'on y répond ? La réponse est non ! »

L'intégration de ces fameux LLI va surtout bénéficier aux « couches aisées », poursuit-il. « Cette loi est dite pour les classes moyennes mais, en fait, c'est une proposition qui vaut pour les plus riches des classes moyennes. Pour ceux qui n'entrent pas dans cette catégorie, c'est une augmentation forte des loyers qui les attend. » Ce qui va encourager « une concurrence délétère entres les organismes Hlm sur un même territoire », selon lui.

« Les LLI coûtent plus chers à l'État que de construire un PLS ou un PLUS [prêt locatif à usage social, ndlr]... Chercher l'erreur ! »

Et d'ajouter : « La position de la fédération n'est pas de dire que l'on n'est pas d'accord. Le LLI peut être utile dans les principales agglomérations de France. Par contre, le logement locatif social est indispensable au logement des classes moyennes. » Avant de pointer une certaine « étroitesse » entre les logements intermédiaires et ceux attribués aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM, mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé. « Un couple avec deux enfants au cœur de l'Île-de-France peut entrer dans un LLI lorsque ses revenus sont inférieurs à 102.000 euros et 62.000 euros en province et que les plafonds de ressources pour les PLS (le niveau supérieur des HLM) sont respectivement de 80.000 euros au cœur de l'Île-de-France et de 57.000 euros en province. La marge est étroite entre ces deux produits », constate-t-il. Et de demander la réintégration d'une part de logement social, à savoir 25%, dans toutes les opération de LLI.

Lire aussiCrise du logement: l'Assemblée nationale pousse à un choc local, fiscal et social

« Aucun secteur économique n'est traité comme cela ! »

 Autre sujet de mécontentement : la taxe sur le chiffre d'affaires. « Le logement social est le seul secteur économique en France, hormis la Française des jeux et les auto-entrepreneurs, à être taxé sur son chiffre d'affaires, donc sur les loyers. De plus, la TVA est passée de 5,5 à 10% sur une grande partie des investissements (60%) des organismes Hlm... Cela représente 2 milliards d'euros par an. Ça suffit ! C'est inadmissible que le logement social ait à financer les fins de mois du budget de l'État », réagit Marcel Rogemont qui souligne la nécessité de supprimer la taxation sur le chiffre d'affaires des opérateurs du logement social.

MaPrimeRénov' : la FOPH demande un milliard d'euros

Autre sujet abordé lors de cette conférence de presse : la rénovation énergétique du parc social. Concernant l'objectif de rénovation en 2034 des logements classés E, « j'ai bien peur de ne pas être au rendez-vous », souligne le président de la FOPH. Lequel demande à ce que le dispositif MaPrimeRénov', dont le budget a augmenté cette année de 1,6 milliard supplémentaire pour un total de 5 milliards d'euros, s'adresse aussi aux acteurs de l'habitat social. « Le logement social représente 20% des résidences principales. N'importe quelle copropriété peut aller chercher de l'argent via ce dispositif. Pourquoi pas nous ? Notre fédération demande au gouvernement 20% des crédits budgétaires consacrés à ce dispositif, soit un milliard d'euros, pour créer ma prime-rénove HLM », conclut Marcel Rogemont.

Lire aussi« Passoires thermiques » : les rénovations à prioriser pour améliorer son DPE

Pour précision, ce projet de loi sera examiné à partir du 18 juin dans l'hémicycle avant d'être examiné par l'Assemblée nationale à l'automne.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 07/06/2024 à 13:53
Signaler
Un système où des communes payent pour ne pas construire de logements sociaux est injuste !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.