Construction : l'Irlandais Ecocem se pose en champion de la décarbonation du ciment

Alors que l'industrie cimentière représente 8% des émissions de gaz à effet de serre de la planète, l'entreprise irlandaise Ecocem se targue de pouvoir réduire ces émissions de moitié. S'il rejette la capture et le stockage du carbone en sortie de cimenterie, son patron Conor O'Riain vient d'annoncer la commercialisation d'une solution innovante dès 2026. Explications.
L'usine d'Ecocem à Dunkerque.
L'usine d'Ecocem à Dunkerque. (Crédits : Reuters)

Pour fabriquer du béton, rien de moins simple. Il faut du sable - une matière première qui n'est pas inépuisable comme l'eau - et des cailloux (80% du total), mais aussi des adjuvants - en très petite quantité mais encore d'origine pétrolière le plus souvent - et du ciment (12%).

Ce dernier est généralement fabriqué à partir d'un mélange de calcaire et/ou d'argile - des matières minérales naturelles - chauffé dans un four jusqu'à 1.450°C. Sous l'effet de la chaleur, la farine issue de ce mix se transforme en clinker. C'est avec ce clinker refroidi, puis finement broyé, qu'est produite la poudre appelée ciment.

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 8% des émissions de gaz à effet de serre de la planète

Sauf qu'à elle seule, l'industrie cimentière représente 8% des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C'est pourquoi dès mai 2021, les producteurs français de ciment se sont engagés auprès du gouvernement Castex à baisser de 24% leurs émissions à horizon 2030 et de 80% d'ici à 2050 pour atteindre la neutralité carbone.

A ceci près que dans le processus de fabrication du ciment dans l'Hexagone, le taux de clinker, qui pèse à lui seul 95% du CO2 du ciment et 90% de celui du béton, reste de l'ordre de 75%. Tant est si bien que les cimentiers, soucieux de tenir leurs engagements environnementaux, se démènent pour trouver des solutions pour réduire la place du clinker.

Réduire les émissions de l'industrie cimentière de moitié

Après le leader suisse Holcim qui revendique la création du premier clinker 100% recyclé et le français Saint-Gobain qui multiplie les acquisitions dans la chimie de la construction, l'irlandais Ecocem vient d'annoncer, en cette mi-juillet, son ambition: « fournir une technologie de ciment à faible teneur en carbone capable de réduire les émissions de l'industrie de 50% ».

Le groupe, qui compte comme investisseurs Saint-Gobain et Bill Gates via son fonds Breakthrough Energy Ventures, récupère à la source les déchets des aciéries de Dunkerque et de Fos-sur-Mer - les laitiers dans le jargon - et les substitue au clinker dans sa recette du ciment.

« Cela présente plusieurs avantages : on retire l'eau nécessaire à la fabrication du ciment, on augmente sa durabilité et on rend le béton plus blanc et donc plus beau », énumère Conor O'Riain, directeur général Europe et France d'Ecocem.

Rejet de la capture et du stockage du carbone

Mieux, l'entité hexagonale compte comme actionnaire à 49% le groupe sidérurgique et minier ArcelorMittal, qui trouve ainsi un débouché à ses résidus et un levier conséquent pour alléger son empreinte carbone. « Le taux de clinker est abaissé, passant d'un taux moyen de 75% à moins de 30%, permettant de diviser l'empreinte carbone du ciment par 3 »enchaîne Conor O'Riain.

Connu pour son franc-parler devant l'administration et le Parlement français, l'Irlandais rejette toutes les solutions fondées sur la capture du dioxyde de carbone en sortie de cheminée d'usine puis sur son stockage: « Pour que ce soit le plus efficace économiquement et "énergétiquement", il faut décarboner au maximum. C'est une solution, mais pas LA solution », assène-t-il.

Et ce pour mieux vanter son innovation, validée par l'Ecole normale supérieure de Saclay et l'Institut national des Sciences appliquées de Toulouse, mais encore en cours d'avis et d'évaluation technique « dans les semaines et mois qui viennent » par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

Une solution commercialisée dès 2026

Objectif : industrialiser la solution baptisée ACT au dernier trimestre 2025 et la commercialiser dans la foulée dès 2026. Grand prince, Ecocem France s'est déjà allié avec le bétonnier mexicain Cemex France et le distributeur et producteur de béton Point P, filiale de son actionnaire Saint-Gobain, qui lui ont déjà signé des engagements d'achat.

« La technologie est trop importante pour qu'on la garde pour nous. Nous pouvons utiliser beaucoup moins de ciment tout en gardant la même qualité. D'autant que le béton demeure le deuxième produit le plus consommé après l'eau dans le monde », justifie Conor O'Riain.

L'Irlandais implanté dans les Hauts-de-France en oublierait presque que les hauts-fourneaux disparaîtront à terme. Pas de panique, assure-t-il. Il s'est allié avec les Carrières du Boulonnais et sa branche CB Green qui a une réserve de pierres de 150 ans du côté de Boulogne-sur-Mer.

Reste à boucler le financement de ses ambitions. Le patron d'Ecocem parie sur le soutien de Bpifrance, du conseil régional et de la communauté urbaine de Dunkerque. Le cas échéant, après le métro francilien du Grand Paris Express ou le Village olympique, il mise déjà sur les chantiers du Lyon-Turin, du Canal Seine Nord Europe ou encore du métro de Toulouse.

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Commentaires 2
à écrit le 13/07/2024 à 3:21
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En matière de GES émis par la filière ciment-béton, toute initiative qui permettra de baisser substantiellement le bilan carbone est bienvenue, compte tenu des enjeux et du poids de cette filière au plan mondial. Mais des formules à l'emporte-pièce c...

le 13/07/2024 à 14:01
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Remarques fort pertinentes.. Qu'en est il des fours électriques, pourront-ils fabriquer du ciment ? (En effet l'électricité est potentiellement une énergie verte en quantité illimitée. Donc si un four à ciment électrique pouvait être utilisé, ca do...

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