Stellantis et Renault : deux visions sur la part de marché des voitures chinoises en Europe

Le directeur général de Renault a rappelé la part de marché limitée en Europe des constructeurs non européens ces dernières décennies. A l'inverse, Carlos Tavares se montre plus pessimiste. La vague serait en réalité moins forte que prévue, selon les données du cabinet Jato Dynamics. Explications.
« La pénétration des marques chinoises en Europe sera plus lente que ce que beaucoup prédisent », affirme le cabinet Jato Dynamics.
« La pénétration des marques chinoises en Europe sera plus lente que ce que beaucoup prédisent », affirme le cabinet Jato Dynamics. (Crédits : CHINA DAILY)

Les deux constructeurs nationaux s'accordent à dire que les véhicules électriques chinois sont en avance par rapport à l'Europe. Mais sur leur part dans le paysage automobile du Vieux Continent, les opinions s'opposent. Lors de son assemblée générale aux actionnaires hier après-midi, Luca de Meo, le directeur général de Renault, a tenu à rassurer sur une arrivée massive des marques chinoises :

« La somme des constructeurs japonais, coréens, américains sur le continent européen représente 25% des parts de marché aujourd'hui, et ce, après plusieurs décennies », assurant au passage que les Européens « avaient une chance » et qu'il fallait « se battre ».

Deux jours plus tôt, Carlos Tavares, le dirigeant de Stellantis, s'était montré moins optimiste, estimant que « les constructeurs automobiles chinois atteindront au moins 10% de part de marché en Europe dès cette année ». Alors va-t-on vers un raz-de-marée des marques chinoises ? Ou cela se passera-t-il comme les constructeurs japonais ou coréens quelques années plus tôt ?

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Une vague moins forte que prévu

« Notre point de vue, basé en partie sur les données de vente obtenues jusqu'à présent, est que la pénétration des marques chinoises en Europe sera plus lente que ce que beaucoup prédisent, et que leurs parcours ne seront pas comparables à ceux des nouveaux venus japonais dans les années 1980 ou sud-coréens dans les années 1990 », anticipe le cabinet d'expertise automobile Jato Dynamics.

Le cabinet précise que la méfiance à l'égard de la Chine, le manque de réseaux de distribution et la décision d'introduire d'abord des produits haut de gamme en Europe sont autant de raisons qui retardent le déferlement annoncé des voitures chinoises en Europe. Et cela pourrait jouer en la faveur des Européens, tout comme ça a été le cas lors de l'arrivée des constructeurs japonais et coréens.

« Il y a eu des quotas de voitures japonaises demandés par Jacques Calvet, alors patron de PSA à l'époque, mais ils n'ont jamais été remplis », confirme Philippe Houchois, analyste chez Jefferies, ajoutant que plusieurs acteurs non-européens ont tenté de s'affirmer sur le marché, sans succès. A l'image de General Motors après la vente d'Opel/Vauxhall à PSA en 2017 et le retrait officiel de la marque Chevrolet ou les difficultés de Ford sur le véhicule particulier.

Pour l'expert, l'orientation du bonus français à l'empreinte carbone est une très bonne idée à appliquer en Europe pour retarder l'afflux de véhicules fabriqués en Chine et inciter les constructeurs de l'Empire du Milieu à implanter des usines sur place, à l'image des Japonais et de l'usine Toyota à Valenciennes.

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Ne pas « créer une bulle »

Car Luca de Meo et Carlos Tavares s'accordent sur un point : ne pas fermer la porte aux constructeurs chinois. Encore hier, le directeur général de Stellantis, qui était l'invité de l'émission L'événement sur France 2, déclarait qu'établir des droits de douane de 100% - comme veut le faire Joe Biden aux Etats-Unis - serait un« gros piège ».

« Lorsque vous mettez une bulle autour d'un marché, qui peut être le marché américain ou le marché européen, la première chose que vous créez, c'est une énorme inflation à l'intérieur de la bulle », a-t-il martelé, précisant alors que cette inflation impacterait directement les classes moyennes et retarderait les avancées technologiques.

« L'industrie automobile européenne est devenue plus compétitive lorsque les constructeurs japonais, coréens et américains sont arrivés », confirme Philippe Houchois.

S'associer pour résister

Pour pouvoir rivaliser avec la Chine et sa production de véhicules électriques en excès, Renault et Stellantis misent sur deux stratégies qui ont un point commun : une alliance. Stellantis a décidé de parier sur la Chine par son alliance avec Leapmotor et la commercialisation des véhicules de ce dernier dès la rentrée prochaine, notamment un petit modèle baptisé T03 en dessous de 20.000 euros. De son côté, Renault a annoncé l'arrivée de la Twingo, là aussi en dessous de 20.000 euros et prévue pour 2026. Pour réduire davantage les coûts et accélérer, le constructeur français a ouvert la porte à un partenariat avec un constructeur et avait avancé les discussions avec Volkswagen.

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Le groupe allemand aurait avorté le projet selon les informations de Reuters aujourd'hui, préférant développer en interne son propre véhicule. Renault n'exclut pas un partenariat avec un autre constructeur, notamment Nissan et Mitsubishi, les membres de l'Alliance.

Si la part que pourra prendre les marques chinoises en Europe peut être limitée, il reste encore la question de la valeur ajoutée sur les véhicules. Pour Philippe Houchois, l'urgence réside dans la nécessité de rapatrier des étapes importantes de la chaîne de valeur en Europe, comme la fabrication des batteries et la création des logiciels intégrés, qui représenteront à eux deux 80% de la valeur de la voiture en 2030, selon le cabinet PwC.

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Commentaire 1
à écrit le 18/05/2024 à 7:46
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Stellantis est un groupe italo-franco-américain qui a un temps de retard dans l'électrique avec un PDG qui joue double jeu et compte par ailleurs sur une remise en cause de l'interdiction de la vente des véhicules neufs électriques en Europe avec pou...

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