Carlos Ghosn défend son bilan et dénonce une presse "lamentable"

Par Nabil Bourassi  |   |  821  mots
Carlos Ghosn a estimé que la polémique lancée par Reuters sur les superbonus, ne reposait sur rien.
Au centre de plusieurs polémiques autour de sa rémunération et d'un projet de superbonus, le patron de Renault s'est concentré sur les performances financières et commerciales de son groupe, jeudi. Il a vigoureusement dénoncé le rôle de la presse sur la polémique des superbonus dont il a nié l'existence. Malgré ce contexte tendu, il est parvenu à remporter le suffrage majoritaire des actionnaires sur son salaire, là où il avait été mis en minorité l'an passé.

Carlos Ghosn ne veut que l'on ne retienne qu'une seule chose de cet exercice fiscal : "Renault a enregistré des résultats commerciaux et financiers records." Il n'a cessé de le martelé durant l'assemblée générale des actionnaires réunis jeudi 15 juin au Palais des Congrès à Paris.

"Nous avons progressé dans toutes les régions du monde, et nous avons même fait mieux que le marché dans chacune de ces régions", a-t-il rappelé devant un parterre d'actionnaires où se sont mêlés des journalistes venus prendre la température d'un management visé par plusieurs polémiques.

Bientôt numéro un mondial ?

"Taux de marge record, ventes record, chiffre d'affaires record...", le patron de Renault n'avait que ces mots à la bouche avant de lancer que l'Alliance pourrait devenir le premier producteur automobile mondial, devant Toyota et Volkswagen donc, dès cet été comme il l'avait promis il y a quelques mois lorsque Nissan mettait la main sur Nissan. Sauf que comme toujours, Carlos Ghosn fait mine d'oublier que contrairement aux premiers mondiaux, l'Alliance n'est pas un groupe intégré mais un entrelacement de participations croisées minoritaires. Il objecte que cela ne l'empêche pas de dégager des synergies importantes grâce à la mutualisation des plateformes et des achats. "70% des véhicules de l'Alliance seront fabriqués à partir des mêmes plateformes en 2020, ce qui permettra d'économiser 30% sur les achats et 40% sur les frais d'ingénierie", a rappelé Carlos Ghosn.

Pour les actionnaires, les réserves sur le salaire de Carlos Ghosn qui avaient conduit à donner un avis défavorable à la résolution sur le salaire, lors de l'assemblée générale précédente, ont été levées. Le groupe a effectivement modifié le calcul du salaire faisant passer la part du variable de 150 à 120% du fixe, sachant que le salaire proposé cette année par la commission des rémunérations versera un salaire variable qui s'élèvera à 115% du fixe. Ce nouveau mode de calcul a conduit à une légère baisse du salaire de Carlos Ghosn (-2,6% à 7,06 millions d'euros). Les deux résolutions ont ainsi été approuvées à 53 et 54% des actionnaires. L'Etat avait indiqué qu'il voterait contre.

Un dividende qui s'envole

Il faut dire que les actionnaires pouvaient se féliciter des résultats de Renault puisque la direction a proposé une augmentation du dividende de 31%, soit plus de 900 millions d'euros attribués aux actionnaires. La résolution scellant cette proposition a, elle, été adoptée à 99% des voix, incluant donc l'Etat français.

Ainsi, Carlos Ghosn sort vainqueur de cette AG que d'aucuns craignaient comme houleuse après les révélations de Reuters au sujet d'un montage financier visant à reverser aux dirigeants de l'Alliance, une partie des synergies dégagées par les rapprochements industriels entre Renault, Mitsubishi et Nissan, en toute discrétion à travers une société localisée aux Pays-Bas.

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Carlos Ghosn a haussé le ton lorsqu'un actionnaire l'a interrogé sur ce sujet... Il a dénoncé les méthodes journalistiques consistant, selon lui, à "attribuer au comité exécutif des décisions qui n'ont pas été prises". L'information de Reuters a pourtant seulement évoqué un projet et non une décision... "C'est un document produit par un cabinet de consultant...", comme il y en a chaque semaine et qui n'engage pas les membres du Comité Exécutif a-t-il expliqué en substance.

Carlos Ghosn a qualifié de "lamentable" l'article de Reuters, "pour les 120.000 salariés du groupe". "C'est une affaire misérable", a-t-il encore déclaré visiblement agacé que la presse se soit emparé de ce sujet plutôt que d'évoquer les résultats financiers "records" du groupe. Les actionnaires, eux, ont applaudi Carlos Ghosn.

Les marchés, juge de paix ?

Carlos Ghosn peut avoir le sourire. Il a remporté une manche contre l'Etat qui voulait le mettre au pied du mur avec la loi Sapin II qui rend contraignant l'avis des actionnaires sur les émoluments du PDG. Il a trouvé une tribune pour s'en prendre à la presse qu'il juge toujours prompte à l'attaquer sur son salaire. Il n'en reste pas moins qu'il devra désormais s'atteler à réformer pour de bon le management de Renault afin de déconcentrer les pouvoirs au sein de l'Alliance et enfin donner une visibilité sur la succession du chef. Au-delà des actionnaires, de l'Etat français ou des journalistes, ce sont les marchés qu'il devra désormais convaincre pour sortir l'action Renault du plafond de verre qui le mine depuis le début de l'année en grande partie pour cette raison-là et, quoiqu'en dise Carlos Ghosn, en dépit... des résultats "records" de Renault!

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