Spiritueux : Menthe-Pastille, le fameux breuvage de la Maison Giffard repris par la cinquième génération

Une recette secrète qui se transmet depuis 1885, un savoir-faire maîtrisé, l'art de prendre le temps, la volonté de rester une entreprise indépendante, un ADN familial... sont les secrets de longévité de la Maison Giffard et de son produit phare, la Menthe-Pastille. Alors que la cinquième génération vient d’arriver à la tête de l’entreprise angevine de liqueurs et sirops, l’occasion de s'intéresser à cette histoire et aventure entrepreneuriale était toute trouvée.
De gauche à droite : Émilie Giffard, son cousin Pierre Jouanneau, Édith Giffard et son frère Bruno.
De gauche à droite : Émilie Giffard, son cousin Pierre Jouanneau, Édith Giffard et son frère Bruno. (Crédits : Maison Giffard)

L'histoire de la marque Menthe-Pastille prend ses racines à Angers en 1885. A son origine : Emile Giffard, un pharmacien herboriste et grand passionné de plantes médicinales qui a porté tout particulièrement son intérêt sur les vertus digestives de la menthe. A l'époque, ses recherches l'amènent à sélectionner une espèce singulière de menthe poivrée découverte au sud de Londres : le plant "Mitcham", connu pour son parfum très prononcé et son pouvoir rafraîchissant. Il met alors au point une liqueur de menthe blanche. Durant l'été caniculaire de 1885, le pharmacien décide de faire tester sa création aux clients du Grand Hôtel d'Angers.

« Dans son journal, il raconte que le succès a été immédiat », relate son arrière-petite-fille, Edith Giffard arrivée dans l'entreprise en 1986.

Puis, son arrière-grand-père change de métier et transforme son officine en distillerie. Menthe-Pastille est née. « L'avenir dira si j'ai eu raison », avait-il écrit dans son journal. Presque 140 ans après, l'aventure se poursuit.

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Introduire la plante en Anjou

Si, depuis toutes ces années, la famille Giffard est restée fidèle à la recette originelle tout en gardant précieusement ses secrets, on en sait un peu plus sur la provenance de cet ingrédient si particulier qu'est la menthe Mitcham. Car, en 2007, il a été décidé de l'introduire en Anjou. Après avoir mené des essais en micro-culture pour étudier comment cette variété de menthe pouvait s'épanouir dans la région angevine, une première récolte s'opère en 2013 sur la commune de Chemillé-en-Anjou. Aujourd'hui, la Maison Giffard travaille avec deux producteurs locaux. Et « pour sécuriser les approvisionnements », une autre zone de production est localisée aux États-Unis dans les montagnes Rocheuses. Bien entendu, le lieu est lui aussi gardé secret.

Un regain d'attractivité

Au fil des années, la distillerie qui s'est installée en 1972 à Avrillé, en proche banlieue d'Angers, a évolué et s'est agrandie. Pour faire face à l'augmentation des volumes, l'usine a notamment doublé sa superficie et l'entreprise a ouvert en 2015 une seconde usine de 7.000 mètres carrés dédiée à la production de sirops et à la logistique, dans la zone d'activité de Saint-Léger-de-Linières.

Plus d'un siècle après sa naissance, la Maison Giffard, dont les effectifs atteignent désormais 150 personnes (avec les alternants), connaît un regain d'attractivité avec une progression à deux chiffres.

« En 2017, nous nous étions fixé un cap : doubler le chiffre d'affaires pour atteindre 40 millions d'euros fin 2023. Un objectif finalement dépassé, à 47 millions d'euros », se félicite Édith Giffard.

Selon elle, la liqueur de menthe blanche (à 24°) est la plus vendue en France : plus d'1,2 million de bouteilles Menthe-Pastille ont été écoulées fin 2023, contre 500.000 en 2017 (65% en grande distribution et 35% en CHR).

La Maison Giffard réalise 70% de son chiffre d'affaires à l'export, à travers une centaine de pays (Europe, États-Unis, Asie, Moyen-Orient). Pour réussir l'internationalisation, elle s'appuie sur un réseau d'importateurs (sauf en Allemagne et en Espagne où elle travaille en direct avec des grossistes régionaux).

Une nouvelle ère commence

Édith et son frère Bruno, qui étaient à la tête de l'entreprise familiale depuis 1992, ont passé le témoin en janvier dernier à deux de leurs enfants respectifs. Aujourd'hui, la cinquième génération, représentée par Émilie Giffard et Pierre Jouanneau poursuit à son tour l'œuvre du fondateur. Voilà quatre ans que la fille de Bruno, âgée de 35 ans, a rejoint l'affaire familiale après un parcours en écoles de commerce et un poste dans le marketing international. Son cousin âgé de 40 ans, fils d'Edith qui est né et a grandi à Paris, a quant à lui rejoint la PME en 2015 après une carrière d'ingénieur dans l'automobile. Reprendre le flambeau était pour lui aussi un projet de longue date sans pour autant être une évidence. Mais pas simple de passer après quatre générations. « C'est une décision mûrement réfléchie, un vrai engagement. Il y a aussi une certaine pression », confie Émilie qui gère le marketing, la R&D, la RSE et la communication quand Pierre s'occupe de la production et de la supply chain ainsi que des ressources humaines et des finances. Et ensemble le commerce. Ils l'assurent, la répartition des rôles s'est faite naturellement.

Un plan stratégique à horizon 2030

Soucieux de préserver eux aussi l'indépendance de l'entreprise, tous les deux souhaitent s'inscrire dans la continuité tout en apportant leur pierre à l'édifice.

« Notre touche, nous allons la construire dans la durée », souligne Pierre.

Une nouvelle stratégie se dessine à horizon 2030 avec l'ambition de déployer une gamme de « liqueurs » sans alcool, obtenue après près de quatre ans de recherche. « Sur le marché professionnel depuis l'année dernière, cette gamme démarre très fort, notamment aux États-Unis. Déjà 30 pays l'ont référencée », précise de son côté sa mère. Une offre qui, selon elle, pourrait arriver en grande distribution l'année prochaine. En parallèle, les deux cousins souhaitent apporter plus de structuration dans l'entreprise en pleine croissance, via « plus de collaboration et de coordination en interne », indique Émilie. Alors qu'un autre projet sort de terre depuis septembre dernier : la construction d'une nouvelle unité de production de 10.000 mètres carrés à Saint-Léger-de-Linières, destinée à la production de liqueurs, dont l'investissement est chiffré à 27 millions d'euros (financé par l'État à hauteur de 2,18 millions d'euros dans le cadre de France 2030). La mise en service est prévue au printemps 2025.

Autre stratégie qu'ils vont poursuivre : gagner en visibilité à l'international mais pas au détriment du marché tricolore. Parmi les potentiels de développement figurent l'Amérique du Sud et l'Afrique. « Nous voulons à la fois être une entreprise internationale mais forte localement, grandir mais rester proche et familial, être artisan et industriel... C'est un équilibre à trouver au quotidien », conclut Émilie.

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