Lactalis avertit distributeurs et consommateurs : il va répercuter en rayons la très forte hausse de ses coûts de production

Par latribune.fr  |   |  1000  mots
Emmanuel Besnier, patron du leader mondial des produits laitiers, Lactalis, a expliqué à Boston jeudi 5 mai : « Il y a une crise sur tous les coûts de production, qu'il s'agisse des matières premières, de l'emballage, de la logistique, qu'on est obligé de reporter sur les consommateurs. » (Crédits : Reuters)
« Le monde n'a pas redémarré comme prévu », déplore le géant de l'agroalimentaire français aux 85.5000 employés opérant 270 sites répartis dans le monde entier (52 pays). Face à « l'écart entre ses prix d'achat et de vente » dû à la flambée des matières premières, de l'emballage, de la logistique (+15%, l'ardoise se monte à 3 milliards d'euros), Emmanuel Besnier avertit qu'il devra répercuter cette hausse en rayons et donc au client final. Cela, malgré la hausse de son chiffre d'affaires (+4,2%, à 22 milliards d'euros) et de son bénéfice net (+4%). Côté croissance externe, le leader mondial des produits laitiers (devant Nestlé) a démenti vouloir lancer une OPA sur son concurrent Danone, une proie conséquente, tout juste concède-t-il vouloir peut-être lui grignoter quelques marques...

Le français Lactalis, leader mondial des produits laitiers (marques Président, Bridel, Lactel...), présentait hier jeudi 5 mai ses résultats annuels depuis Boston, aux États-Unis. Faut-il le rappeler, le géant français de l'agroalimentaire est une multinationale de 85.5000 salariés opérant dans le monde entier (52 pays) quelque 270 sites.

« Il y a une crise des coûts de production » (+3 milliards de plus)

Le thème central qui se dégageait de cette présentation de résultats était la « crise des coûts de production ». Le patron de Lactalis, Emmanuel Besnier, a en effet expliqué que la hausse des prix payés aux éleveurs, l'explosion des coûts du plastique (emballage) ou les difficultés de transports, allait provoquer une hausse de ses charges de l'ordre de 15% cette année, et que cela aura des conséquences sur les prix dans les rayons.

« Il y a une crise sur tous les coûts de production, qu'il s'agisse des matières premières, de l'emballage, de la logistique, qu'on est obligé de reporter sur les consommateurs », explique à l'AFP le patron du groupe familial, Emmanuel Besnier, à l'occasion de la présentation des résultats annuels.

Lactalis, premier groupe laitier mondial avec notamment les marques Président, Galbani et Parmalat, a constaté une augmentation significative de ses coûts au deuxième semestre 2021 et prévoit au total 3 milliards d'euros de charges supplémentaires.

Engrais, aliments... la guerre en Ukraine a fait grimper les coûts des éleveurs

Le prix moyen du lait payé par Lactalis aux éleveurs sur l'ensemble de ses sites dans le monde a déjà augmenté de 4,7% en 2021. En France seule, il a progressé de 5% à 382 euros les mille litres.

Il a grimpé encore plus depuis le début de l'année avec la guerre en Ukraine qui a notamment fait flamber les coûts des éleveurs, des engrais aux aliments.

Les industriels de l'alimentaire, qui avaient conclu le 1er mars un accord avec les distributeurs prévoyant une augmentation de 3% des prix de nombreux produits vendus aux grandes surfaces, sont de nouveau à la table des négociations pour que soient prises en compte les dernières hausses de coûts de production.

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Face à la hausse probable des prix dans les rayons, "on est conscients qu'il y aura sûrement un problème d'arbitrage de certains consommateurs concernant leurs achats", souligne M. Besnier.

Après les bouleversements liés à la pandémie en 2020, "on espérait un retour à la normale, avec des hauts et des bas, en 2021", explique Thierry Clément, le directeur des opérations.

Le monde "n'a pas redémarré" comme prévu

Mais le monde "n'a pas redémarré" comme prévu, entre les ruptures d'approvisionnement, le manque de containers pour transporter les produits, etc., et les prix ont commencé à grimper à partir de l'été.

« Les écarts entre nos prix de vente et prix d'achat ont été fortement négatifs dès fin 2021 », indique-t-il.

Le chiffre d'affaires du groupe, soutenu notamment par l'intégration en fin d'année des fromages Leerdammer aux Pays-Bas et Kraft aux États-Unis, a augmenté de 4,2%, à 22 milliards d'euros.

Mais l'entreprise n'a pas pu répercuter immédiatement la hausse de ses coûts sur les clients et son résultat opérationnel a légèrement reculé, à 1,17 milliard d'euros. Le bénéfice net a lui augmenté de 4% à 445 millions d'euros.

Lactalis lorgnerait quelques actifs de Danone

Lors de la présentation de ses résultats annuels 2021, Emmanuel Besnier a également été interrogé sur les rumeurs d'acquisition de son concurrent Danone, un géant encore plus imposant (en 2021, son chiffre d'affaires avait atteint 24 milliards d'euros, en hausse de 3,4 %). Emmanuel Besnier n'a pas voulu s'étendre sur le sujet, tout juste a-t-il concédé du bout des lèvres qu'il pourrait « peut-être s'intéresser à Danone dans le cadre d'une revue de son portefeuille » et ainsi témoigner son intérêt pour certaines marques, mais pas de quoi lancer une OPA sur le groupe...

Cette rumeur de marché avait débuté mercredi 20 avril, la Lettre A ayant rapporté que le groupe agroalimentaire Lactalis envisagerait un rachat partiel ou total de son concurrent Danone (ce qui avait sans doute contribué au bond de l'action Danone ce jour-là, de 8,65% en fin de matinée, même si sans doute l'annonce d'un chiffre d'affaires meilleur qu'attendu au premier trimestre et des objectifs annuels maintenus par le géant de l'agroalimentaire y étaient aussi pour quelque chose..).

Pour autant, réagissant à cette rumeur de La Lettre A, Antoine de Saint-Affrique, le nouveau directeur général de Danone nommé en septembre dernier, assurait le mardi 26 avril lors de l'assemblée annuelle des actionnaires, que le groupe agroalimentaire français n'envisageait pas de vendre l'une de ses trois activités (produits laitiers et à base de plantes, préparations pour nourrissons et eau en bouteille).

« Notre portefeuille de catégories se développe car il est en ligne avec les attentes des consommateurs. Nous n'avons pas l'intention de nous en séparer, quelles que soient les rumeurs », a déclaré Saint-Affrique.

Cependant, malgré ces dénégations, l'article paru le 20 avril dans le journal économique La Lettre A indique que la société laitière française non cotée Lactalis étudiait depuis des mois une éventuelle prise de contrôle totale ou partielle de Danone. Et que Danone aurait missionné le directeur général de Rothschild, Olivier Pécoux, pour se pencher sur la question.

« Conseil de Lactalis, Perella Weinberg Partners envisage des scénarios de rachat partiel ou total de Danone. L'opération serait complexe pour le groupe d'Emmanuel Besnier qui affiche un chiffre d'affaires inférieur à celui du géant de l'agro-alimentaire. Du côté de Danone, Olivier Pécoux, le DG de Rothschild à Paris, est à la manœuvre. », écrivait La Lettre A le 20 avril dernier.

(avec AFP et Reuters)