Comment le vignoble des Vins de Loire prépare la viticulture du futur

LES VIGNOBLES EN 2050 (6/7). Le changement climatique va avoir un gros impact sur la viticulture. Tous les acteurs de terrain sont concernés et sont donc conscients de la nécessité de s’adapter d’une manière ou d’une autre. La transition environnementale dans les 42.000 hectares du vignoble des Vins de Loire passe notamment par la recherche scientifique et des cépages innovants pour améliorer la durabilité de la viticulture. Explications.
En Vendée, la pépinière viticole Mercier prépare scientifiquement le futur de la viticulture. Ici, Olivier Zekri, le responsable innovation et process au laboratoire Novatech, réalise des notations agronomiques dans les parcelles d'expérimentation de nouvelles variétés.
En Vendée, la pépinière viticole Mercier prépare scientifiquement le futur de la viticulture. Ici, Olivier Zekri, le responsable innovation et process au laboratoire Novatech, réalise des notations agronomiques dans les parcelles d'expérimentation de nouvelles variétés. (Crédits : Mercier - Novatech)

Un enjeu de taille se joue dans les vignes : le réchauffement climatique qui pourrait à l'avenir modifier la spécificité des vins. Vendanges de plus en plus tôt, conséquences de la hausse des températures, augmentation de la teneur en alcool du vin, gels printaniers qui se multiplient... Force est de constater que les effets du changement climatique sont déjà visibles dans le vignoble des Vins de Loire, troisième région de vins d'appellation de France avec 2.200 domaines viticoles répartis sur cinq régions viticoles et 14 départements ligériens, de la Vendée au Puy-de-Dôme. « 25°C en mars dernier, les premiers gels entre les 3 et 7 avril, un fort épisode de grêle qui s'est abattu sur le Saumurois en 2022 causant de gros dommages sur 400 hectares de vigne... Ça nous inquiète sérieusement », confie Thomas Chassaing, conseiller viticole Référent "Changement climatique" et "Maladies du bois/Dépérissements" au sein de l'ATV 49 (association technique viticole).

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S'il est difficile de prévoir exactement quelles seront les évolutions climatiques, il est possible que l'augmentation des phénomènes météo extrêmes favorise le développement de nouveaux parasites. Ce que craint Guillaume Le Lay, un viticulteur installé à Saint-Cyr-en-Bourg depuis 2018.

Trouver les cépages de demain

Les bouleversements qu'entraîne le changement climatique amène donc les acteurs viticoles à rechercher des solutions. Si bien que de plus en plus de viticulteurs placent désormais beaucoup d'espoir dans la science. Avec son programme Nathy lancé en 2013, la pépinière viticole Mercier, qui est la seule société privée en France à faire de la création variétale, prépare scientifiquement le futur de la viticulture en mettant au point de nouveaux cépages hybrides résistants aux maladies (mildiou, oïdium black-rot...) qui ont aussi des caractéristiques intéressantes pour l'adaptation au changement climatique.

Si cette entreprise familiale implantée du côté de Vix, en Vendée, parie sur l'innovation variétale pour l'avenir de la viticulture, c'est parce qu'elle est convaincue que ces nouvelles variétés naturellement résistantes sont les seules alternatives possibles offertes aux vignerons pour concilier qualité, quantité et respect de l'environnement. Dans le cadre de son programme, elle a ainsi présenté 22 nouvelles variétés au catalogue officiel français (50% de vins blancs et autant de rouges). Parmi elle, le cépage Nathy Sauvignac, une nouvelle variété de cep résistante issue d'un croisement de Sauvignon blanc et de Riesling. En parallèle, alors que le changement climatique augmente les risques gélifs et que le vignoble des Vins de Loire est de plus en plus exposé aux gelées printanières, Mercier s'attache aussi à rechercher des variétés à débourrement tardif.

« A horizon 2050, les viticulteurs du territoire pourraient être amenés à cultiver des variétés plus méridionales, comme le Merlot, l'un des principaux cépages de la région bordelaise. Avec le changement climatique, la typicité de certains vins blancs du vignoble des Vins de Loire pourrait aussi évoluer. Demain, les Muscadet, des vins plutôt légers et aromatiques, pourraient être gras et ronds comme les Chardonnay Bourguignon. Est-ce qu'il y aura d'ici là toujours des vins de différentes catégories (vins de table, vins de pays, A.O.C....), je n'en suis pas sûr », s'attend Olivier Zekri, responsable innovation et process au laboratoire Novatech, le service de recherche et développement du groupe Mercier.

Avec le réchauffement climatique, les degrés montent, les goûts changent et l'enjeu est aussi de ne pas perdre de vue les demandes des consommateurs. A ce titre, « Mercier recherche également des variantes avec des critères d'originalité qui peuvent plaire à de nouveaux marchés et regarde s'il y aurait des variétés plus adaptées pour faire des vins désalcoolisés ou avec très peu d'alcool », indique Olivier Zekri.

Vifa, des cépages d'avenir sur lesquels misent les vignerons

Le vignoble des Vins de Loire s'est également engagé sur la voie des Vifa (Variétés d'Intérêt à Fin d'Adaptation). Pour en savoir plus sur le sujet, direction l'Anjou-Saumur où des vignerons responsables des AOP (AOC Anjou Fines Bulles, Anjou Rouge, Cabernet d'Anjou, Rosé d'Anjou, Rosé de Loire, Crémant de Loire, et Saumur Fines Bulles) se penchent sur l'opportunité de travailler sur ces cépages d'avenir pour les appellations. Pour l'heure, un travail technique a été conduit pour sélectionner, sur la base de critères précis, des cépages d'intérêt. Dix ont ainsi été retenus : Artaban, Gascon, Gouget, Grolleau noir, Piquepoul noir, Vidoc, mais aussi Jacquère, Orbois, Sacy, Voltis.

« Cette expérimentation a pour but de récolter des données (agronomiques, facilité de culture, suivi de maturité...) sur ces cépages inconnus sur notre territoire ou oubliés afin de voir s'ils peuvent avoir un intérêt adaptatif que ce soit au niveau de l'évolution réglementaire et sociétale (diminution des intrants, attentes du marché) ou de l'évolution climatique », explique Elodie Pipon, chargée de projets AOC Rosés au sein de la Fédération Viticole de l'Anjou et de Saumur.

Un travail qui n'en est qu'à ses débuts. « Actuellement, nous sommes dans une phase de mise en œuvre pour trouver les viticulteurs qui souhaitent conduire cette expérimentation menée sur dix ans. À l'issue de cette période, les cépages pourront être inscrits dans les cahiers des charges en tant que Vifa s'ils ont répondu aux exigences fixées. Dans le cas contraire, ils seront retirés, interdisant leur utilisation dans les assemblages des vins d'appellation correspondants. L'expérimentation pourra être reconduite pour une durée maximale de dix ans si nous n'avons pas récolté les données nécessaires pour parvenir à une conclusion. »

Des modes de conduite plus tolérants à la sécheresse

Non loin de là, l'ATV 49 se penche également sur l'adaptation du vignoble au changement climatique en lien avec le projet Climatveg. Depuis 2021, un collectif de six vignerons du Maine-et-Loire vise à comprendre l'impact du changement climatique pour être en capacité d'agir en étudiant différents leviers d'adaptation et d'atténuation liés aux plantes, au sol et à la ressource en eau. Pour cette association, plusieurs stratégies seront possibles, comme importer des cépages cultivés dans d'autres régions, notamment le Sud, plus tolérants à la chaleur.

« Nous réduisons également la haie foliaire pour limiter la photosynthèse, et avoir à terme moins d'alcool et plus d'acides dans les vins », indique Thomas Chassaing.

Autre pratique : la conduite sur haut tronc, à un mètre du sol au lieu de 60 centimètres. « Ce qui permet de réduire la chaleur au sol, de l'ordre de 2°C à 4°C. » A l'avenir, l'ASV 49 pourrait expérimenter une autre technique : la conduite en pergola, une méthode utilisée au nord de l'Italie où la végétation s'étend sur un plan oblique incliné. Cette technique a beaucoup d'avantages : « elle permet de limiter l'impact du gel mais aussi de l'humidité propice aux maladies et d'éviter à la fois l'entassement végétal et la brûlure du soleil », conclut-il.

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