Colère des agriculteurs : la loi d'orientation agricole arrive au Parlement, marquée par les revendications syndicales

Le projet de loi d'orientation agricole va être débattu à l'Assemblée nationale à partir de ce mardi. S'il prend mieux en compte les revendications du monde agricole selon le gouvernement, il ne convainc pas les oppositions de droite comme de gauche.
Remanié après la crise agricole, le projet de loi d'orientation agricole arrive mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Remanié après la crise agricole, le projet de loi d'orientation agricole arrive mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. (Crédits : Reuters)

Voilà un texte attendu par le monde paysan. Remanié après la crise agricole, le projet de loi d'orientation agricole arrive ce mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Il est dorénavant bâti autour de la notion de « souveraineté alimentaire », avec l'objectif affiché d'accélérer l'arrivée de nouvelles générations d'agriculteurs délestés de certaines contraintes environnementales. « Il s'agit d'une brique et d'une étape de plus dans une stratégie lancée depuis 2017 », défend dans La Nouvelle République le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Mais ce texte a été accueilli tièdement par les oppositions qui critiquent un manque d'ambition sur le foncier ou la rémunération, voire un effet potentiellement néfaste pour l'environnement. Côté syndicats, l'alliance majoritaire formée par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs soutient la philosophie du texte, tandis que les deux autres forces représentatives y sont opposées. La Confédération paysanne (troisième syndicat), qui défend l'urgence de la transition agroécologique, appelle à le « modifier en profondeur » et la Coordination rurale (deuxième syndicat) estime que « le compte n'y est pas » face à l'ampleur de la crise.

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Les oppositions comptent faire barrage

A l'ouverture des débats mardi en fin d'après-midi, ce sont les écologistes qui défendront une motion de rejet. « Il n'y a aucun volet financier, aucun volet sur les revenus, rien pour la transition écologique », argue son auteure Marie Pochon, qui devrait bénéficier du soutien des socialistes. « Cette loi est une illusion », justifie leur chef de file Dominique Potier, tandis que le groupe LFI critique « une loi d'orientation de l'agrobusiness ». Les députés communistes ne devraient toutefois pas les suivre. « Cette loi passe à côté de la colère épaisse des agriculteurs, notamment sur les rémunérations (mais) il y a urgence à débattre », explique Sébastien Jumel.

Au RN, on penchait plutôt lundi pour laisser le débat se faire, quand bien même le texte est « très en dessous des attentes » pour Grégoire de Fournas. Une source au groupe LR estime également difficile d'aller « plus loin que les syndicats agricoles qui jouent l'apaisement », tout en déplorant l'absence de mesures sur la fiscalité.

Autant de questions renvoyées par l'exécutif à l'automne : une mission parlementaire de députés Renaissance aura alors rendu ses travaux sur les revenus des agriculteurs et l'exécutif aura avancé sur un deuxième texte concernant les produits phytosanitaires.

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Attirer de nouveaux agriculteurs

Dans le détail de l'actuel projet de loi toutefois, ce dernier entend donner un cadre d'action au monde agricole pour relever deux défis majeurs : attirer des bras - il rappelle qu'un tiers des quelque 500.000 agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d'ici dix ans - et adapter les systèmes de production au changement climatique, notamment via les progrès techniques (numérique, génétique, robotique).

A ce stade, il fixe comme objectif « 400.000 exploitations agricoles » d'ici 2035, mais des oppositions préféreraient graver dans la loi un nombre minimum de paysans en France. Le texte crée aussi un nouveau diplôme de niveau bac+3 et instaure un réseau « France services agriculture » : un guichet unique pour les prétendants à l'installation ou à la transmission d'exploitations.

Il entend également créer des « groupements fonciers agricoles d'investissement » pour lever de l'argent auprès d'investisseurs publics ou privés afin d'acheter des terres pour les louer à de nouveaux agriculteurs qui n'ont pas la possibilité d'acheter. Mais une coalition d'oppositions a supprimé la mesure en commission, s'inquiétant d'une mainmise de sphères financières sur l'agriculture. Le camp présidentiel tentera de la rétablir dans l'hémicycle en ajoutant des garde-fous.

Les intérêts agricoles prioritaires

A noter, l'article premier, ainsi que l'exigeait le premier syndicat FNSEA, consacre « la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche » au rang d'« intérêt général majeur (en tant qu'elles) garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation ». L'un des objectifs affichés est de nourrir la réflexion du juge administratif et faciliter le parcours des projets de structures de retenues d'eau ou de bâtiments d'élevage hors-sol, lorsqu'ils sont mis en balance avec un objectif de préservation de l'environnement. Des élus et des juristes doutent de sa portée, la protection de l'environnement ayant une valeur constitutionnelle alors que cet intérêt général majeur est inscrit dans une loi simple.

Il prévoit aussi que les politiques publiques doivent concourir « à la protection de la souveraineté alimentaire de la France » et pourrait inscrire dans la loi certains objectifs non contraignants, comme le fait de rédiger « d'ici au 1er juillet 2025, puis tous les dix ans une programmation pluriannuelle de l'agriculture ».

Réduire les règles et les sanctions des agriculteurs

Toujours dans cette idée de simplification administrative, le gouvernement compte modifier les règles autour des haies. La FNSEA estimait que le principal obstacle à la plantation de haies était le millefeuille administratif, avec « 14 réglementations différentes ». Ce « corpus » va être unifié dans une « réglementation unique ». Le texte réaffirme l'interdiction de la destruction d'une haie tout en prévoyant des conditions de dérogation (replantation par exemple).

Concernant les sanctions en cas d'infraction à ces règles, le texte accorde une présomption d'urgence en cas de contentieux autour de la construction d'une réserve d'eau pour l'irrigation. Objectif : réduire les délais de procédures et « purger le contentieux en moins de dix mois ». Cette présomption d'urgence concernera aussi des projets de bâtiments d'élevage, dont les permis de construire sont régulièrement l'objet de recours d'associations de défense de la nature.

Le gouvernement veut adapter l'échelle des peines et remplacer des sanctions pénales par des sanctions administratives dans certains cas d'atteinte à l'environnement. « On ne va pas envoyer un agriculteur en prison parce qu'il a taillé sa haie au mauvais moment », a résumé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau. L'exécutif prévoyait initialement de solliciter le pouvoir de modifier l'échelle des peines par ordonnances, mais il a finalement déposé un amendement pour inscrire ces modifications directement dans la loi.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 14/05/2024 à 10:13
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Il faut interdire la FNSEA, la FDSEA et la Coordination rurale dont les adhérents polluent les sols, épuisent les nappes phréatiques, maltraitent les animaux et nous empoisonnent avec leurs produits pourris ! Ces individus votent majoritairement extr...

à écrit le 14/05/2024 à 9:25
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📷 À quelle date la photo de l'hémicycle quasiment vide (🤬) illustrant l'article a-t-elle été prise ? 🧐 Reuters a pour pratique de décrire, de situer et de dater précisément chaque photo illustrant un article. Cette pratique me paraît être un minimum...

à écrit le 14/05/2024 à 9:23
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A la sortie, le sort des agriculteurs ne sera pas meilleur et le consommateur va continuer à ingurgiter des produits chimiques. En route pour le "Grand Cancer Généralisé" et la fortune des Big Pharma.

à écrit le 14/05/2024 à 9:19
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Attention à tous les gens, de plus en plus nombreux, qui vont chercher leur eau à boire dans les résurgences (pour les prudents), le fait qu'il pleuve beaucoup draine les pesticides et autres cochonneries pulvérisés dans les champs et le niveau très ...

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