L’avion électrique « made in France » face à un vent contraire

La nouvelle génération d’aéronefs français peine à trouver les fonds pour lancer des fabrications en série.
Integral E, l'avion biplace électrique d'Aura Aero, devrait effectuer son premier vol dans les prochains jours.
Integral E, l'avion biplace électrique d'Aura Aero, devrait effectuer son premier vol dans les prochains jours. (Crédits : Rémi Benoit)

Jean Botti, P.-D.G. de Voltaero, l'assène sans détour : « Ça passe ou ça casse. Les deux prochaines années seront déterminantes pour les avions électriques. » Cet ancien directeur innovation d'Airbus fait partie de ceux qui ont imaginé l'aviation électrique dès les années 2000, avant de quitter le géant européen en 2017 pour développer au sein de VoltAero une gamme d'avions hybrides électriques. Sept ans plus tard, cette nouvelle génération d'aéronefs devient une réalité. La start-up a commencé la construction à Rochefort (Charente-Maritime) de sa première usine capable à terme d'assembler 150 avions par an. Elle servira à fabriquer le Cassio 330, un avion de cinq places pouvant voler 150 km en mode 100 % électrique et 1,200 km en mode hybride. La certification est espérée avant fin 2025. Voltaero souhaite ensuite passer à un avion de 12 places avec le Cassio 600 et veut présenter d'ici deux ans un prototype d'aéronef où la motorisation thermique sera remplacée par de l'hydrogène.

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À Toulouse, ce n'est plus qu'une question de jours avant le premier vol d'Integral E, l'avion biplace électrique d'Aura Aero. Ce dernier doit servir de rampe d'apprentissage pour ERA, futur avion de transport régional hybride de 19 places, appelé à voler à partir de 2028. Il pourra assurer 1 600 km dont un peu plus de 220 km en tout électrique. Pour Jérémy Caussade, son président, ce type d'appareils est « un outil de désenclavement ». « L'idée n'est pas de concurrencer le train mais de déployer une aviation régionale de proximité là où les modes de transports terrestres sont inexistants. L'avion n'est pas facultatif pour une femme enceinte vivant au cœur des îles Fidji », plaide l'ingénieur qui évalue un marché potentiel de 10 000 avions.

"Après le grand enthousiasme des débuts autour de ces projets, les investisseurs se montrent maintenant extrêmement prudents, même aux États-Unis."

Jean Botti, P.-D.G. de Voltareo

Preuve de l'engouement mondial, le constructeur toulousain a déjà engrangé plus de 500 précommandes, notamment aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Afrique et en Polynésie. Une usine géante de 40 000 m2 doit entrer en service dans trois ans près de Toulouse avec 1 500 emplois à la clé et, en parallèle, un deuxième site d'assemblage est recherché aux États-Unis. Plus que l'aviation régionale, Voltaero vise de son côté l'aviation d'affaires tout comme Beyond Aero. Cette start-up toulousaine a accompli au mois de février le premier vol d'un avion ultraléger doté d'une pile à combustible à hydrogène et de batteries électriques. Une étape avant le développement d'un avion de quatre à huit places avant 2030 pour relier des villes comme Paris, Londres, Genève ou Nice. Pour sa dirigeante Eloa Guillotin, « la nécessité d'alternatives décarbonées est la plus forte » dans l'aviation d'affaires, « en moyenne 10 fois plus émettrice par passager que l'aviation commerciale ».

« Vide sidéral du financement privé »

La marche est encore haute pour ces nouveaux acteurs français, notamment en matière de financement. « L'État et la région nous soutiennent mais nous avons toujours beaucoup de mal à décrocher de l'investissement privé. Après le grand enthousiasme des débuts autour de ces projets, les investisseurs sont maintenant extrêmement prudents, même aux États-Unis », observe Jean Botti alors que Voltaero compte lever 32 millions d'euros cette année. Même constat chez Aura Aero qui a rassemblé 62 millions d'euros depuis sa création et qui bataille pour un nouveau tour de table de 150 millions dans les prochains mois. Face « au vide sidéral du financement privé » en France, Jérémy Caussade pointe le risque que la société finisse par « se développer ailleurs », comprendre à l'étranger.

Ces nouveaux constructeurs doivent aussi faire face à l'offensive des acteurs historiques. Fin novembre, Airbus, Daher et Safran ont annoncé le premier vol de l'avion Ecopulse avec sa propulsion hybride-électrique. Ce démonstrateur pensé autour du TBM, la gamme d'avion phare de Daher, doit permettre à ce dernier de mettre en service dès 2027 un avion hybride-électrique. Pour les nouvelles pépites françaises de l'aviation électrique, « le défi est de passer à l'âge adulte, résume Jérémy Caussade. Les prochaines années vont nous montrer ceux qui commencent ou non à livrer des avions. »

Lire aussiAéronautique : Aura Aero s'allie avec Airbus pour certifier son futur avion régional électrique

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Commentaire 1
à écrit le 13/06/2024 à 9:29
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C'est déjà une très bonne voie pour l'aviation légère. L'amélioration des batterie donnera accès à des court courriers puis à des moyens courriers, cela ne fait aucun doute. Les longs courriers intercontinzntaux pourront aussi réaliser les vols au d...

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