Mini-lanceurs : le pari (impossible ? ) de la rentabilité à long terme

Paris Air Forum 2024 - Les constructeurs européens de mini-lanceurs sont la plupart d'entre eux dans les starting-blocks pour effectuer leur premier vol. Mais pour survivre, ils devront être rentables. Ce qui est loin d'être gagné.
« Le marché n'est pas assez grand et les prix du marché sont trop bas pour générer des marges », a expliqué lors du Paris Air Forum le PDG de MaiaSpace, Yohann Leroy.
« Le marché n'est pas assez grand et les prix du marché sont trop bas pour générer des marges », a expliqué lors du Paris Air Forum le PDG de MaiaSpace, Yohann Leroy. (Crédits : La Tribune)

Dans le monde des mini-lanceurs, le sujet ne fait pas de doute : la demande pour la mise sur orbite de petites charges est là, mais la marche pour y répondre est haute. Les startup du secteur affichent le même enthousiasme pour développer leur solution, mais aucune n'est encore certaine d'avoir trouvé la formule magique entre coûts, capacités et rentabilité. « Le marché n'est pas le sujet, il est là », assure Jörn Spurmann, directeur commercial de Rocket Factory Augsburg (RFA). « La question est plutôt de savoir s'il y a une capacité à lancer » sur le segment alors qu'avec un « pipeline » de plus d'un milliard d'euros, la startup bavaroise n'est pas en concurrence avec les gros lanceurs, selon lui. Dans sa présentation, Rocket Factory Augsburg propose des services de lancement « précis, flexibles et à faible coût ». Elle s'apprête à effectuer le un premier vol de son lanceur RFA One au cours du troisième trimestre.

« La compétition n'est pas du côté de la demande, mais de l'offre », complète Raúl Verdu, cofondateur PLD Space, dont l'ambition est de développer des lanceurs réutilisables pour de petits satellites « de manière plus rapide, plus sûre et plus viable ». Selon lui, « Il y a un marché pour quelques » acteurs sur le segment des mini-lanceurs. Même son de cloche pour Yohann Leroy, PDG de MaiaSpace, qui propose « des solutions de mobilité spatiale compétitives et durables ». Mais, souligne-t-il, « la question est de savoir s'il est suffisamment grand pour transformer notre activité en une activité rentable à long terme ». L'exemple de la société américaine d'origine néo-zélandaise Rocket Lab reste révélateur de cette incertitude. Elle perd beaucoup d'argent (182,6 millions de dollars en 2023) alors qu'Electron est encore actuellement le seul mini-lanceur à être opérationnel.

Dans les starting-blocks

Toutes sont dans les starting-blocks et espèrent bientôt accéder au Graal, avec en tête l'objectif de réussir leur premier lancement et de faire la preuve de leur fiabilité. Restera ensuite à résoudre la question de la viabilité économique, alors que les mini-lanceurs sont confrontés à une difficulté supplémentaire par rapport aux grands du secteur, SpaceX ou Ariane : leur charge utile est réduite et leurs coûts de développement et de lancement sont proportionnellement plus élevés que ceux des gros lanceurs.

PLD Space a pris une longueur d'avance avec un premier lancement réussi le 7 octobre dernier, un vol de 306 secondes au cours desquelles la mini-fusée Miura 1 a atteint son apogée à une altitude de 46 kilomètres. Pour réussir son pari, la start-up espagnole table sur la réutilisation, mais l'équation est difficile à résoudre. « À petite échelle, la pénalité en termes de performances est importante », reconnaît Raúl Verdu. Le réutilisable n'est pas une fin en soi mais doit être justifiée sur un segment où les marges seront ténues, estime Jörn Spurmann. « Voulons-nous construire du réutilisable qui soit simplement réutilisable ou qui ait du sens ? », interroge-t-il. « Je ne pense pas que dire que chaque lanceur doit être réutilisable soit une déclaration valide. Cela dépend vraiment de la cadence que vous avez en tête, de l'utilisation, de votre "business case". La clé est d'être compétitif », estime-t-il en soulignant que RFA regarde comme les autres dans cette direction.

Maiaspace table aussi sur la réutilisation, mais elle vise aussi bien le marché commercial que l'institutionnel pour être rentable. « Le marché n'est pas assez grand et les prix du marché sont trop bas pour générer des marges », explique Yohann Leroy. « Pour nous, la condition nécessaire pour être là sur le long terme est de pouvoir adresser plusieurs segments de marché en même temps ». La startup table aussi sur l'intégration « autant que possible » d'éléments de base déjà existants, comme le moteur Prometheus développé par Arianegroup. Yohann Leroy décrit sa start-up comme un « animal hybride » qui cherche à « tirer parti de l'expertise des acteurs historiques et des nouvelles méthodes sur les nouveaux acteurs ». Son premier vol orbital est prévu pour la fin de 2025, avec une entrée en service commercial dès 2026.

L'ESA veut davantage de concurrence

Côté institutionnel, l'Agence spatiale européenne (ESA) regarde cette émulation avec « enthousiasme » et soutient via son programme « Boost ! » l'éclosion de cet écosystème. Il s'agit pour elle de stimuler la compétitivité du secteur spatial européen et contribuer au développement de nouvelles technologies. « Nous devons construire l'avenir sur davantage de concurrence dans le secteur des lanceurs (et) nous appuyer sur les mini et micro-lanceurs pour introduire plus de concurrence », explique Toni Tolker-Nielsen, le directeur de l'ESA en charge des lanceurs.

L'agence a lancé en novembre dernier à Séville un « European Launcher Challenge » qui vise « à sélectionner un certain nombre de start-ups ayant un potentiel de croissance et à mettre un peu de concurrence sur le segment des lanceurs lourds », souligne-t-il. Elle vise un horizon autour des années 2030. L'ESA cherche aussi à regrouper les besoins institutionnels en matière de lancement pour accompagner ces start-up, mais les mini lanceurs devront évoluer « pour avoir un meilleur prix de lancement », prévient-il.

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