Boeing : un nouveau lanceur d'alerte avertit sur d'autres possibles problèmes sur des avions 787

Un mécanicien aéronautique ayant travaillé comme contractuel chez Spirit AeroSystems, principal sous-traitant de Boeing, a saisi le régulateur américain de l'aviation civile. Il veut l'alerter sur de possibles défauts d'assemblage et de maintenance sur des appareils 787. Le constructeur américain se défend en affirmant qu'ils ont déjà été traités.
Boeing affirme avoir mené des investigations et avoir « traité » les questions soulevées, « qui ne présentaient pas de risque de sécurité ».
Boeing affirme avoir mené des investigations et avoir « traité » les questions soulevées, « qui ne présentaient pas de risque de sécurité ». (Crédits : Randall Hill)

[Article publié le jeudi 27 juin à 8h37, mis à jour à 11h42]Boeing est de nouveau pointé du doigt par un lanceur d'alerte. Il s'appelle Richard Cuevas et a travaillé pour Spirit AeroSystems, principal sous-traitant de Boeing, à titre contractuel mais pas de salarié, selon ses avocats, Debra Katz et Lisa Banks. Il a saisi l'Agence américaine de régulation de l'aviation civile (FAA) car, dans le cadre de ses travaux de réparation d'avions Boeing, il dit avoir observé des pratiques « en-deçà des standards » de qualité concernant une cloison du fuselage du modèle long-courrier du constructeur, le 787.

Concrètement, selon lui, des ouvriers auraient percé des trous trop grands dans cette partie de l'appareil, ce qui entraînait un risque de panne électrique et de dépressurisation en vol. Il précise avoir constaté ces défauts sur trois avions et estime qu'au moins 10 à 12 modèles 787 pourraient être concernés. Il indique aussi avoir été témoin de la mauvaise application d'un revêtement d'étanchéité.

Suite à ces constats, le mécanicien a effectué un signalement auprès de Spirit AeroSystems, puis de Boeing. Mais aucune des deux entreprises « n'a corrigé ces pratiques », selon ses avocats. Pire : « Richard Cuevas a été renvoyé (en mars 2024) après que son responsable l'a soupçonné d'avoir été à l'origine du signalement », affirment-ils.

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Boeing et son sous-traitant se défendent

Boeing s'est défendu, indiquant à l'AFP avoir mené des investigations après un signalement par un « travailleur contractuel d'un sous-traitant ». Il dit avoir « traité » les questions soulevées par ce rapport, « qui ne présentaient pas de risque de sécurité ».

« Nous étudions les documents transmis aujourd'hui et enquêterons sur tout nouveau signalement », a ajouté l'avionneur.

De son côté, un porte-parole de Spirit AeroSystems a déclaré que « [ses] responsables sont informés de ces allégations et les examinent ». Et d'ajouter : « Nous encourageons tous les employés de Spirit à faire part d'éventuelles inquiétudes, en sachant qu'ils seront protégés ».

Ce n'est pas la première fois que des lanceurs d'alerte prennent la parole contre l'avionneur américain. Mi-avril, quatre autres, dont un ingénieur et des anciens employés de Boeing, ont témoigné devant une commission d'enquête du Sénat américain pour prévenir de « graves problèmes » de production sur des avions Boeing 737 MAX, 787 Dreamliner et 777.

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Ainsi, Sam Salehpour, ingénieur qualité au sein du constructeur depuis une dizaine d'années, avait averti la FAA que Boeing a, « de manière répétée, ignoré des inquiétudes graves concernant la sécurité et le contrôle qualité dans la construction des 787 et des 777 », selon un courrier du 17 janvier. Il y expliquait avoir constaté des « raccourcis » dans le processus d'assemblage du Dreamliner ayant notamment provoqué une « déformation des matériaux composites (...), pouvant altérer les performances d'usure sur le long terme ».

Concernant le 777, il affirmait que de « nouvelles procédures d'assemblage » mises en œuvre sans procéder « à la nécessaire reconception des pièces concernées ont entraîné un mauvais alignement des pièces ». Et, d'après lui, « les ingénieurs de Boeing ont subi des pressions pour fermer les yeux » alors que cela « constitue également un grave risque sécuritaire ».

Boeing en pleines turbulences

Boeing traverse ces dernières années l'une des périodes les plus tourmentées de son histoire. Il y a notamment eu les deux accidents mortels avec ses 737 MAX 8, en 2018 et en 2019, faisant 346 victimes au total - des familles de victimes réclament d'ailleurs un procès pénal contre le groupe et ses dirigeants ainsi qu'une amende de près de 25 milliards de dollars. Puis, tout au long de l'année 2023, Boeing a cumulé des problèmes de production sur plusieurs de ces modèles. L'incident du 5 janvier dernier - la porte d'un 737 MAX 9 de la compagnie Alaska Airlines s'est détachée en plein vol - a été celui de trop et a mis le feu aux poudres.

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Dans la foulée, des enquêtes ont été ouvertes par les régulateurs, la justice et des commissions parlementaires. Plusieurs audits et investigations ont ainsi identifié de nombreux problèmes de « non-conformité » et de défauts, en particulier dans le contrôle qualité.

Le groupe a remis le 30 mai « un plan d'action complet », exigé par la FAA, pour remédier à ces problèmes. Selon Stephanie Pope, à la tête de la branche aviation commerciale de Boeing depuis fin mars, il s'articule autour de quatre catégories : « des investissements importants » dans la formation du personnel, une « simplification du processus industriel », le « renforcement de la culture de sécurité et de qualité » ainsi que des « mesures spécifiques » de contrôle et de gestion de l'état du système de production. En attendant, le régulateur a gelé la cadence de fabrication du 737 MAX, son avion vedette.

Tout ce contexte pèse sans surprise sur l'activité du groupe. Il n'a engrangé en mai que trois commandes nettes et n'a livré que 24 avions commerciaux, selon des chiffres publiés mi-juin. Depuis le début de l'année 2024, Boeing a engrangé 142 commandes brutes (103 nettes) et livré 131 avions. Et son carnet de commandes portait sur 6.188 avions à fin mai. Pour comparaison, sur la même période, son concurrent européen Airbus a enregistré 237 commandes nettes et livré 256 avions à ses clients. Son carnet de commandes comptait, lui, 8.579 appareils à fin mai également.

Boeing assure qu'il va retrouver une cadence normale de production de 737 « d'ici quelques mois »

Malgré ses déboires, l'avionneur américain reste optimiste. La cadence de production du 737, avion vedette de Boeing, devrait retrouver un rythme normal prochainement, selon la directrice de l'usine du constructeur située près de Seattle.

« La production sur les trois lignes d'assemblage a ralenti » pour mettre en oeuvre les mesures destinées à améliorer la qualité de la production, a expliqué Katie Ringgold, vice-présidente et directrice générale du programme du 737 ainsi que directrice de l'usine de Renton (nord-ouest), où cette famille d'appareils est produite. Mais La production « augmente graduellement pour retourner à 38 », a-t-elle indiqué, précisant que cet objectif serait atteint « d'ici quelques mois ».

« Je ne pense pas que cela se produise dans les prochains mois », avait cependant fait savoir Mike Whitaker, patron de la FAA, le 30 mai, précisant que le régulateur certifiait désormais chaque 737 MAX avant toute mise en service.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 28/06/2024 à 10:24
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Le lanceur STARLINER n'est toujours pas fiable. Par contre, ils ont des lanceurs d'alerte.

à écrit le 27/06/2024 à 8:47
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Un réflexe des pouvoirs anéantis par l'héritage et la corruption, quand le messager délivre un message qui annonce une mauvaise nouvelle on tue le messager alors que le message lui est toujours là et bien là. Nos dirigeants politiques et économiques ...

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