Boeing : le ministère américain de la Justice propose à l'avionneur de plaider coupable

Le ministère américain de la Justice va proposer à Boeing de plaider coupable pour non-respect de l'accord conclu en 2021, après deux accidents mortels ayant résulté de manquements. Cela permettrait à l'avionneur d'échapper à un procès pénal et à une éventuelle condamnation qui mettrait sa survie en péril. Les familles de victimes sont vent debout.
Les familles de victimes des deux accidents réclament des poursuites contre Boeing depuis le tout début, et encore plus depuis la récente série de déboires que connaît le constructeur.
Les familles de victimes des deux accidents réclament des poursuites contre Boeing depuis le tout début, et encore plus depuis la récente série de déboires que connaît le constructeur. (Crédits : Peter Cziborra)

Boeing pourrait ne pas passer par la case procès. Pour rappel, une épée de Damoclès plane au-dessus du constructeur américain depuis mai. Car, en janvier 2021, à la suite de deux crashs mortels en 2018 et 2019 résultant de problèmes de conception - ayant entraîné la mort de 346 personnes au total -, il avait conclu un accord de poursuites différées (DPA) avec les autorités américaines. Celui-ci incluait une sanction de 2,5 milliards de dollars et une mise à l'épreuve de trois ans. Des obligations qu'il n'aurait pas respectées, selon le ministère de la Justice (DoJ) - ce que l'avionneur conteste - si bien qu'il risque depuis des poursuites pénales.

Mais ces poursuites pourraient donc ne pas avoir lieu. Car le DoJ va proposer à Boeing de plaider coupable pour non-respect de cet accord. Plus précisément pour « complot en vue de tromper la FAA (ndlr : l'agence américaine de régulation du transport aérien) », a indiqué à l'AFP Paul Cassell, avocat de familles de victimes dans le volet pénal. L'annonce a été faite ce dimanche après-midi aux familles et à leurs conseils, lors d'une réunion de deux heures. La nomination d'un superviseur ainsi que l'imposition d'une amende ont également été évoquées, selon un communiqué des avocats.

Rien n'est toutefois encore acté. C'est un juge fédéral du Texas, chargé de cette affaire, qui devra trancher si la suite débouchera sur cette procédure ou sur un procès. « Il devra décider s'il doit approuver une réglementation fédérale qui lui lie les mains lors de la détermination de la peine et qui l'empêche d'imposer une peine supplémentaire ou des mesures correctives », a déploré Paul Cassell.

Contacté par l'AFP, Boeing n'a pas souhaité commenter.

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Boeing joue gros

L'enjeu est en tout cas de taille pour Boeing. En cas de procès et de condamnation, cela pourrait l'exclure des contrats gouvernementaux et militaires américains. Or, ces derniers ont généré presque le tiers de son chiffre d'affaires en 2023. Selon le quotidien américain New York Times, un procès pénal entraîne en plus souvent le dépôt de bilan de l'entreprise visée. Ce qui provoquerait un vrai séisme outre-Atlantique étant donné que Boeing est un groupe crucial pour l'économie américaine et pour la sécurité nationale.

Selon Paul Cassell, un responsable du ministère « a répété à plusieurs reprises que le DoJ ne pouvait pas prouver les accusations (ndlr : de non-respect de l'accord) avec un doute raisonnable », d'où cette proposition de plaider coupable.

Les familles veulent un procès

Reste que « les familles s'opposeront vigoureusement à cet accord », a averti leur avocat. Elles ont d'ailleurs récemment adressé une lettre au DoJ, dans laquelle elle réclame une amende de 24,8 milliards de dollars contre Boeing et que ses responsables soient traduits en justice. « Puisque le crime de Boeing est le crime le plus mortel d'une entreprise dans l'histoire des États-Unis, une amende maximale de plus de 24 milliards de dollars est légalement justifiée et clairement adéquate », est-il écrit.

« Il est temps de mettre un terme à cette affaire en allant au procès et en obtenant un verdict de culpabilité contre Boeing », a par ailleurs déclaré Paul Cassell en juin.

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Les familles de victimes des deux accidents réclament des poursuites depuis le tout début, et encore plus depuis la récente série de déboires que connaît Boeing. Car, depuis 2023, le constructeur multiplie les problèmes de production et de contrôle de qualité sur trois de ses quatre avions commerciaux actuellement fabriqués - le 737, le 777 et le 787 Dreamliner - qui sont ainsi visées par des enquêtes de l'Agence américaine de régulation de l'aviation civile (FAA). Son fournisseur, Spirit Aerosystems, est également sous surveillance et en difficulté pour les mêmes raisons, si bien que Boeing va d'ailleurs racheter une partie de ses activités, comme annoncé ce lundi, tout comme son concurrent Airbus.

Le patron de Boeing a en tout cas reconnu mi-juin, devant une commission d'enquête du Sénat américain, la « gravité » de la situation concernant la qualité de la production de son groupe. « Notre culture est loin d'être parfaite, mais nous prenons des mesures et nous progressons », a-t-il affirmé, présentant ses excuses aux familles des victimes des deux crashes.

Le constructeur a remis fin mai un « plan d'action complet » pour remédier à ces problèmes, qui ne sont pas sans conséquence sur son activité. Il n'a en effet enregistré en mai que trois commandes nettes et n'a livré que 24 avions commerciaux, selon des chiffres publiés mi-juin. Et depuis le début de l'année 2024, Boeing a engrangé 103 commandes nettes et livré 131 avions. Pour comparaison, sur la même période, son concurrent européen Airbus a enregistré 237 commandes nettes et livré 256 avions à ses clients.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 02/07/2024 à 8:38
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Puissance américaine contre puissance de BOEING. Malgré le gigantisme de ce lobby je leur conseillerais d'écouter leur patrie. Mais quel gigantesque scandale, alors ils n'arrivent toujours pas à la cheville du lobby agro-industriel côté obscurantisme...

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