Airbus inaugure une nouvelle usine d’A320 à Toulouse pour accélérer la production de son best-seller face à Boeing

Ministres, dirigeants, journalistes et public... tout ce beau monde est réuni à Toulouse pour célébrer le nouveau joyau de la couronne industrielle d'Airbus : la nouvelle ligne d'assemblage de la famille A320 NEO. Celle qui doit permettre à l'avionneur européen de livrer plus de 6.000 appareils d'ici à 2030, dont quasiment les deux tiers du best-seller, l'A321 NEO, et d'asseoir encore un peu plus sa domination face à son éternel rival Boeing.
Airbus inaugure ce lundi sa nouvelle ligne d'assemblage de la famille A320 à Toulouse.
Airbus inaugure ce lundi sa nouvelle ligne d'assemblage de la famille A320 à Toulouse. (Crédits : Frédéric Scheiber)

Airbus n'avait pas connu d'événement d'une telle ampleur à Toulouse depuis la crise sanitaire. L'avionneur européen inaugure ce lundi 10 juillet en grande pompe la nouvelle ligne d'assemblage final (FAL) de la famille A320 NEO. Un millier de personnes sont attendues et pas moins de quatre ministres : Bruno Le Maire (Économie), Roland Lescure (Industrie), Clément Beaune (Transports) et la Toulousaine Dominique Faure (Collectivités Territoriales). Il faut dire que les enjeux industriels sont de taille.

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L'ouverture d'une nouvelle ligne d'assemblage n'est pas un moment anodin dans la vie d'un avionneur, même pour des géants de la taille d'Airbus et de Boeing. Pour l'avionneur européen, la dernière remonte à 2018 avec l'entrée en service de sa quatrième FAL A320 à Hambourg en Allemagne. Ces lignes constituent ainsi le principal marqueur du dimensionnement de leur outil industriel. Construite au sein de l'imposante usine Lagardère, bâtie initialement pour l'A380, la nouvelle FAL toulousaine est appelée à devenir très rapidement l'un des maillons essentiels de l'immense domino industriel nécessaire à la production de la famille A320. Elle sera stratégique pour deux raisons.

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Tout d'abord, c'est une nouvelle étape majeure dans la transposition industrielle de son ambition commerciale pour la famille A320 NEO. Celle-ci a encore renforcé son statut de best-seller avec plus de 800 commandes obtenues au cours du seul mois de juin - avec en premier lieu les commandes d'IndiGo et d'Air India au salon du Bourget. L'avionneur dispose ainsi d'un carnet de commandes pharaonique avec plus de 6.700 exemplaires encore à livrer.

La nouvelle FAL toulousaine doit ainsi venir s'insérer dans un ensemble qui comportera dix chaînes d'assemblage à l'horizon 2026 : quatre à Hambourg, qui sont déjà opérationnelles, deux à Mobile aux Etats-Unis, dont la deuxième entrera en service en 2025, deux à Tianjin en Chine, dont la deuxième est prévue pour fin 2025, et enfin deux à Toulouse. Cela doit permettre à Airbus d'atteindre son objectif d'une cadence de 75 appareils de la famille A320 NEO sortis de chaîne chaque mois, soit 900 appareils par an. Un niveau de production absolument inédit dans l'histoire de l'aviation commerciale.

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Ne pas marquer le pas face à Boeing

Dans son affrontement avec Boeing, Airbus a intérêt à accélérer la cadence sous peine d'être victime de son succès. Le carnet de commandes de l'avionneur est plein jusqu'à l'horizon 2026-2027 et commence déjà à se remplir au-delà de 2030 à la faveur des contrats titanesques comme celui d'Indigo, avec 500 avions à livrer entre 2030 et 3035. A lui seul, ce contrat va mobiliser plus de 10 % de la capacité de production annuelle d'Airbus pour la famille A320 NEO. Face à cette demande sans précédent, l'avionneur a certes de la visibilité pour dimensionner son appareil productif, mais il sait aussi qu'il ne peut pas trop étaler sa production dans le temps sous peine de perdre en attractivité. Un A320 NEO n'a pas le même intérêt pour une compagnie aérienne s'il n'est pas livrable avant six ou sept ans.

De fait, la disponibilité plus rapide du Boeing 737 MAX joue ainsi déjà dans le choix de certaines compagnies, désireuses de renforcer rapidement leurs capacités ou de renouveler leurs flottes avec des avions plus économes et moins polluants. Ce sera le cas pour Riyadh Air pour sa future commande de moyen-courriers à venir cette année. Son directeur général, Tony Douglas, confiait à La Tribune en juin dernier que, ne disposant pas encore d'avions, il se devait d'être sûr d'avoir des créneaux de livraison en adéquation avec son plan de développement et que le calendrier aurait donc de l'importance dans son choix entre Airbus et Boeing. Ce qui ne dispense pas l'avionneur américain de devoir lui aussi monter en cadence, lui qui est en passe d'arriver à 38 appareils de la famille 737 MAX assemblés par mois et qui vise un retour à une cinquantaine par mois d'ici 2026, voire avant. Boeing a ainsi plus de 4.200 exemplaires du 737 MAX à livrer.

Dans ses projections, Airbus doit aussi tenir compte des futures générations de moyen-courriers, qui devront consommer entre 20 et 30% de moins que les A320 NEO et 737 MAX actuels et être capables d'utiliser 100% de SAF. Il prévoit ainsi lancer une nouvelle gamme d'appareils d'ici 2027-2028, pour une entrée en service entre 2035 et 2040. Si Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, assure qu'il ne s'agira pas stricto sensu d'un remplacement de la famille A320 NEO, il y aura tout de même une transition à assurer entre les deux générations.

2 + 2 = 2

Dans ce grand ensemble international, le cas toulousain est un peu particulier. Airbus dispose déjà de deux chaînes historiques à Saint-Martin-du Touch. Elles seront progressivement remplacées par deux lignes de nouvelle génération. La première est celle qui est inaugurée ce lundi. Elle doit sortir son premier avion début 2024 et atteindre sa pleine capacité fin 2025. La seconde est attendue ultérieurement, toujours au sein de l'usine Lagardère. La migration devrait se faire progressivement pour laisser le temps aux deux nouvelles FAL de monter en puissance.

Ces nouvelles lignes toulousaines représentent donc une modernisation des outils de production. Mais plus qu'une amélioration ou qu'une éventuelle augmentation de la production sur place, elles seront capables d'assembler des A321 NEO. Jusque-là, seuls des A320 NEO étaient produits dans la Ville rose. Elle pourra désormais offrir les deux modèles, comme c'est déjà le cas à Hambourg, à Mobile et depuis peu à Tianjin. Dans un premier temps, la nouvelle FAL sera même dédiée uniquement à la production d'A321 NEO.

Cette évolution va permettre à Airbus de gagner en flexibilité dans son outil industriel et d'augmenter ses capacités de production d'A321 NEO. Ce dernier point est essentiel tant cet appareil s'est imposé en tête des ventes mondiales. Sur le carnet de commandes de la famille A320, l'A321 NEO représente plus de 60 % des appareils encore à livrer, soit plus de 4.000 exemplaires.

Un ancrage local modernisé

Quelles répercussions en attendre sur le territoire toulousain ? Avec cette nouvelle ligne, la Ville rose dispose d'un outil de production modernisé qui va voir émerger une nouvelle génération d'avions dans l'usine même où est né l'A380. « Nous sommes en train d'imaginer à quoi ressemblera le futur de la production de la famille A320 à Toulouse », confie Marion Smeyers, directrice de la nouvelle A320 Family final assembly line (FAL) dans un portrait que lui consacre ce lundi La Tribune.

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Toulouse devient donc le quatrième site à produire l'A321, mais aussi la première FAL d'Airbus au monde à déployer un système de logistique automatisée. Toutes les pièces et les équipements sont livrés par des robots au poste de travail des opérateurs. « C'est un système unique à Toulouse. On ne le retrouve dans aucune autre ligne d'assemblage final d'Airbus, que ce soit en Allemagne, aux États-Unis, en Chine, en France ou même en Espagne pour la partie militaire », faisait remarquer fin juin Clément de Rancourt, responsable des FAL de la famille A320 à Toulouse.

L'usine toulousaine, dotée d'une politique « zéro papier », est également la première chaîne à tester un robot chargé de percer l'avion avant le rivetage pour faire la jonction entre la section avant et arrière du fuselage de l'aéronef. Autant de technologies de pointe qui offrent des atouts à Toulouse en termes de pérennisation et de compétitivité.

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1.400 personnes à terme

La chaîne d'assemblage emploie 500 collaborateurs avec pour le moment quasiment autant de cols bleus que de cols blancs. L'objectif est d'atteindre 700 personnes fin 2025, lorsque le site entrera à pleine capacité. Difficile de connaître pour l'instant le volume de création nette d'emplois. Les effectifs composant la nouvelle ligne sont principalement issus de la mobilité interne au sein des sites d'Airbus, mais certains compagnons sont également arrivés dans le cadre du plan global de recrutement de l'avionneur européen. Celui-ci projette 13.000 embauches dans le monde cette année, dont un peu plus de 2.000 à Toulouse.

L'arrivée de la deuxième ligne d'assemblage au sein de l'usine Jean-Luc Lagardère permettra d'employer à terme environ 1.400 personnes sur site, concomitamment avec la fermeture progressive des FAL historiques de Saint-Martin-du Touch qui n'étaient pas dimensionnées pour produire l'A321NEO.

Phénomène d'entraînement

Ce renouveau industriel offre un bol d'air à Airbus à Toulouse mais également pourrait dynamiser l'ensemble de la supply chain. « Grâce à la nouvelle chaîne d'assemblage de l'usine Lagardère et au fait qu'il y a une recentralisation sur Toulouse de la fabrication de l'A321, nous allons doubler notre volume de production d'ici 2026 », se réjouissait récemment Patrick Galopin, directeur général de Collins Aerospace Aerostructures.

Le groupe américain produit depuis 50 ans à Toulouse des nacelles de moteurs et forme aujourd'hui un duopole avec Safran sur la fourniture de nacelles sur l'A320 NEO. Une croissance bienvenue après la crise sanitaire qui a lourdement impacté les finances des sous-traitants d'Airbus.

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Commentaires 3
à écrit le 10/07/2023 à 11:02
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Prem's ! "Airbus n'avait pas connu d'événement d'une telle ampleur à Toulouse depuis la crise sanitaire." Oulah !!! Ça fait au moins 50 ans...

le 10/07/2023 à 14:08
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Quand le mauvais esprit le conjugue à l'ignorance , au titre des grands évènements nous pouvons compter le lancement de l'A350 (2013)ou l'inauguration de l'usine Jean Luc Lagardère (2004) très loin de 50 ans !!! .

le 10/07/2023 à 16:47
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Quand l'esprit grincheux le conjugue au manque d'humour...

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