Le risque politique omniprésent mais sans impact majeur sur les marchés

La politique fait son entrée en force dans les scénarios de marché en France, en zone euro, et aussi aux Etats-Unis, où le premier débat télévisé entre Joe Biden et Donald Trump donne le coup d’envoi de la campagne pour l’élection présidentielle en novembre. L’impact sur les marchés de cette séquence politique troublée et dense demeure limité, à l’exception d’une plus forte volatilité sur les taux souverains et les actions.
L'indice vedette américain S&P 500 réalise gagne 15 % au premier semestre, une performance bien supérieure à la moyenne.
L'indice vedette américain S&P 500 réalise gagne 15 % au premier semestre, une performance bien supérieure à la moyenne. (Crédits : Brendan McDermid)

Toutes les élections ne se ressemblent pas. Les résultats des européennes en France, après un parti d'extrême droite largement en tête, et l'annonce d'une dissolution a certes provoqué des remous sur les marchés. L'impact aura finalement été mesuré, avec une prime de risque sur la dette souveraine qui a pris 30 points de base - ce qui est finalement peu au regard de la situation politique - et une correction boursière de 10% à 15%, très largement concentrée sur quelques secteurs, dont le secteur bancaire, toujours sensible au risque souverain.

Les prochaines élections présidentielles américaines en novembre - dont le premier débat télévisé intervient ce jeudi sur CNN entre Joe Biden et Donald Trump donne le top départ de la campagne - risque de secouer plus fortement les marchés.

Difficile à anticiper

L'effet du risque politique reste toutefois toujours difficile à mesurer ou à anticiper. « Les investisseurs n'anticipent que très rarement le risque politique et ils réagissent plutôt à posteriori lors de la matérialisation de ce risque », observe Olivier Raingeard, directeur des investissements chez Neuflize OBC. Les exemples sont en effet légion, comme par exemple, l'absence de mouvement de marché à la veille du vote britannique sur le Brexit, voire lors des menaces russes sur l'Ukraine.

En revanche, chacun s'attend à une nouvelle période de volatilité sur les marchés. « Avec le retour du risque politique en zone euro, nous devons nous attendre à des épisodes de volatilité sur les spreads souverains, dont nous avons déjà fait l'expérience dans le passé », souligne Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires chez Allianz GI.

 Volatilité en hausse

Et cette volatilité se retrouve également sur les actions, du moins sur certaines valeurs. Ce mouvement est d'ailleurs amplifié en zone euro par un assèchement des liquidités, dont l'origine reste encore assez mystérieuse. « Ce n'est pas simple la vie sur les actions », s'exclame Catherine Garrigues, directrice de la stratégie actions Europe Conviction chez Allianz GI.

« Les logiques économiques sont de plus en plus difficiles à déchiffrer. Nous avons des guerres technologiques, des guerres idéologiques, des guerres géopolitiques, qui peuvent remettre en cause des modèles d'affaires de grands groupes internationaux. Ce qui se traduit par une prime de risque plus élevée », constate la gérante.

Or, ce qui se passe aux Etats-Unis, première puissance mondiale, ne peut laisser les marchés indifférents. « Quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle américaine, le déficit budgétaire restera probablement important, mais la confiance du marché dans les bons du Trésor américain devrait rester stable », estime cependant Libby Cantrill, directrice générale de la gestion des portefeuilles de Pimco, dans une note.

Bouleversement de la géopolitique mondiale

C'est dans une dimension plus géopolitique que les marchés peuvent décaler. « Ce qui très intéressant, c'est de voir comment l'élection américaine est en train de bouleverser la géopolitique mondiale, en Europe sur son architecture sécuritaire, mais aussi et surtout, sur les pays asiatiques qui tentent de se rapprocher des uns des autres dans la perspective d'un retour de Trump », souligne Philippe Dauba-Pantanacce, stratégiste géopolitique chez Standard Chartered.

L'affrontement avec la Chine est le sujet numéro un et l'un des points communs des deux derniers cycles électoraux. « Dans cette campagne, il est très mal vu d'apparaître soft par rapport à la Chine », observe Philippe Dauba-Pantanacce. Les deux candidats rivalisent dans la surenchère, même si Donald Trump a le discours le plus radical en imposant un tarif de douane de 60% sur toute importation chinoise. Au risque de faire repartir l'inflation et de contrarier les plans de la Réserve fédérale pour assouplir sa politique monétaire.

L'interaction entre les élections et les futures guerres commerciales touche également l'Europe qui a passé plusieurs années à préparer une boîte à outils pour répondre aux agressions commerciales chinoises mais aussi... américaines.

Un S&P 500 en pleine forme

De ces bouleversements, les marchés américains n'en ont cure. Les gains de l'indice star S&P 500 au premier semestre (+15%) ont fait exploser la moyenne ! Certes, alors qu'une seule valeur, Ndivia, est à l'origine de 40 % de cette performance, l'indice se trouve peut-être à un point critique.

« Les années d'élections présidentielles aux États-Unis sont en règle générale positives pour le S&P 500, la volatilité augmentant par rapport à l'année précédente. L'année 2024 pourrait ne pas être très différente de la moyenne des années électorales », indique une note détaillée sur les marchés de la Société Générale. Seule une hausse d'au moins 50 points de base des rendements obligataires pourrait faire chuter l'indice de 15 %, selon l'étude.

Les économistes de la banque considèrent néanmoins que le programme de Trump est plus positif pour la croissance, via notamment les réductions d'impôts, que celui de Biden. Mais compte tenu des divergences politiques entre les deux candidats, les actions les plus sensibles à Trump (pétrole, acier, valeurs moyennes, aux Etats-Unis...) sont finalement très différentes de celle plus sensibles à Biden (grandes capitalisations, énergies renouvelables, éducation). Seules les valeurs qui bénéficient de la relocation aux Etats-Unis trouvent grâce dans les deux camps...

Les montagnes russes de l'action Trump

 L'action de Trump Media & Technology, dont le principal actif est le réseau social Truth Social recule à nouveau après, il est vrai, un parcours impressionnant jusqu'à ce premier débat télévisuel de la campagne présidentielle. Le titre, hautement spéculatif, a ainsi gagné 45% en cinq jours mais perdu un tiers de sa valeur sur trois mois. Depuis le début de l'année, le gain est de 118 %. Les transactions fluctuent de manière très importante, surtout depuis que la société a fusionné avec un SPAC (Special purpose acquisition company) en mars dernier, ce qui a permis aux actions d'être négociées en Bourse.

Le prix de l'action a grimpé jusqu'à 66 dollars, avant de chuter à 22 dollars, pour osciller autour de 38 dollars. La capitalisation de cette coquille s'élève quand même à près de 7 milliards de dollars ! Les mouvements du titre sont considérés comme un indicateur de soutien à Trump.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 28/06/2024 à 7:58
Signaler
Les marchés possèdent tout, capitaux et outils de production, en capitalisme néolibérale ils ne risquent rien du tout, aucune chance que le moindre libéralisme économique n'advienne, non que du bien dirigiste bien binaire, pas de risque d'évolution !...

à écrit le 27/06/2024 à 23:29
Signaler
Ce qui devrait nous rassurer, c'est que le bon sens devrait obliger nos futurs seigneurs à ajuster leur projet en fonction de la situation financière et des obligations de la gestion courante, et je compte sur les (hauts) fonctionnaires de notre admi...

à écrit le 27/06/2024 à 19:20
Signaler
Tant que les politiques et les peuples croient toujours aux mythes, aux dogmes et à leurs mantras, la finance de marché est tranquille car elle a suffisamment engrangé de profit pour se payer le luxe d'une grosse casse (le moment venu, le solde de la...

à écrit le 27/06/2024 à 18:45
Signaler
Vous voulez sans doute dire " sans impact " sur le gogo, parce que ceux qui sont dans le " secret " des dieux savent très bien qu' un nouveau krach n' est pas à exclure ... pour le moment le yoyo est en bas

le 27/06/2024 à 21:57
Signaler
Vous voulez dire qu'un "Volmageddon" n'est pas à exclure encore cette année? En effet!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.