Société Générale trouve un acquéreur pour sa fintech Shine

La banque est entrée en négociations exclusives pour céder la fintech Shine, ciblée sur la clientèle des indépendants, à un éditeur de logiciel comptable danois, Ageras. Cette cession s’inscrit dans une politique agressive de revue stratégique du portefeuille d’activités de la banque. Et marque sans doute la fin d’une époque où la banque souhaitait investir dans les fintechs.
Quatre ans après son rachat, Société Générale décide de revendre sa filiale Shine, une fintech spécialisée sur la clientèle des pros.
Quatre ans après son rachat, Société Générale décide de revendre sa filiale Shine, une fintech spécialisée sur la clientèle des "pros". (Crédits : Reuters/Gonzalo Fuentes)

L'aventure aura été de courte durée. Après l'avoir racheté en 2020 pour environ 100 millions d'euros - un montant jamais confirmé - Société Générale vient d'entrer en négociations exclusives pour céder la fintech Shine à un éditeur de progiciels comptables danois Ageras. « Ageras reprendrait l'ensemble des activités de Shine ainsi que l'ensemble des collaborateurs de cette entité », indique ainsi la banque dans un communiqué publié ce mercredi 19 juin. La finalisation de ce projet est prévue au premier semestre 2025.

La décision de céder Shine était connue, même si elle n'avait jamais été confirmée officiellement. Dans son communiqué, Société Générale justifie sa décision par un souci de « simplification ».

En clair, dans le cadre de la réorganisation des réseaux Société Générale et Crédit du Nord, le groupe a développé une nouvelle offre plus agressive sur la clientèle des professionnels. En outre, BoursoBank, la banque en ligne du groupe, propose également une offre pour les autoentrepreneurs. De quoi faire doublement doublon avec Shine.

Un pionnier de l'offre en ligne « pro »

Pourtant, cette fintech, lancée en 2018, est devenue une référence de la banque en ligne sur le segment des « indépendants », une clientèle longtemps délaissée par les réseaux bancaires. Le concept ? Adopter une approche centrée sur les besoins des entrepreneurs au quotidien pour leur simplifier la vie avec des services bancaires et extra-bancaires, le tout dans un parcours digital le plus fluide et transparent possible.

Crédit Agricole a vite compris l'intérêt de la démarche pour capter la clientèle en plein boom des free-lanceurs (autoentrepreneurs en français) en lançant, en 2020, sa filiale Blank (développée en interne), tout comme Hello Bank ! (BNP Paribas) qui propose une offre ciblée depuis 2021. Enfin Qonto, la fintech indépendante, parvient à s'affirmer avec une offre de plus en plus diversifiée.

La vente de Shine tourne également la page des années « Oudéa » à la Société Générale lorsque la banque avait de grandes ambitions en matière d'innovation et de fintechs. L'heure est désormais à la réduction des coûts et à la réorganisation du portefeuille des participations.

Depuis un an, la banque multiplie les cessions, notamment sur le continent africain, mais également en France, avec la vente récente de SGEF, une filiale spécialisée dans le leasing professionnel. « La banque ne voyait plus l'intérêt d'investir massivement dans sa filiale pour lui permettre d'atteindre la taille critique et la rentabilité, d'autant que le modèle d'affaires est compliqué avec peu de dépôts », commente un observateur de l'univers des fintechs.

Départ de la directrice de l'innovation

Cette décision d'arrêter les frais n'est sans doute pas étrangère au départ, au début de l'année, de Claire Calmejane, directrice de l'innovation depuis 2018. Elle fût notamment la cheville ouvrière du rachat de Shine en 2020. Claire Calmejane est une figure très connue dans l'univers de la fintech et elle avait notamment la responsabilité des investissements de la banque dans les fintechs via le fonds SG Ventures. Et comme un symbole d'une ère révolue, Claire n'a pas été remplacée et la direction de l'innovation a finalement été éclatée entre l'IT (informatique) et la stratégie.

La banque conserve néanmoins - pour le moment - d'autres fintechs, qui sont des petites pépites dans leur domaine, comme Treezor (bank as a service) ou Forge (filiale interne dans les cryptoactifs). En revanche, Reezocar, la plateforme en ligne de vente de voitures, est engagée dans un processus de cessation d'activités, et dans ce cadre, à la recherche d'un éventuel repreneur.

Enfin, la cession marque également un échec, celui du mariage en théorie idyllique entre une banque (la ressource) et une fintech (le dynamisme). Le principe de l'indépendance est vite rattrapé par le principe de réalité, celui des synergies, des offres communes, de l'innovation partagé, du rythme de croissance. Pourtant, Société Générale a su développer en son sein BoursoBank pour en faire un leader incontesté en France dans la banque en ligne. D'autres contre exemples existent comme Nickel qui a su préserver son autonomie stratégique au sein de BNP Paribas.

Les éditeurs de logiciels à l'assaut

Finalement, le succès de l'opération sera peut-être celui d'être parvenu à céder Shine dans un contexte beaucoup moins favorable pour les fintechs. Reste à savoir si la vente se fait dans de bonnes conditions pour le vendeur.

Le profil du repreneur, un éditeur de logiciels comptables, est en revanche moins surprenant. Les sociétés spécialisées dans la gestion de trésorerie ou la comptabilité des TPE/PME cherchent en effet de plus en plus à intégrer dans leur solution des services bancaires ou financiers.

C'est notamment le cas de la licorne française Pennylane, très ciblée sur les experts-comptables et qui vient de lever 40 millions d'euros, qui souhaite développer via ses prescripteurs, une offre de compte « pro » avec une carte bancaire. De même, l'application comptable Indy vient d'intégrer de nouvelles fonctionnalités pour offrir un compte avec un IBAN aux autoentrepreneurs.

De son côté, le danois Ageras (31 millions d'euros de chiffre d'affaires) a fait une première incursion en France en rachetant en 2021 la société Zervant, éditeur d'un logiciel de facturation. Cette seconde transaction fait suite à une levée de 82 millions d'euros en avril dernier et le rachat de Shine représenterait sa huitième et plus importante opération depuis sa création en 2012.

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Commentaire 1
à écrit le 19/06/2024 à 22:54
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Clairement Shine a été revendu à perte (à moins qu'Ageras se soit lourdement endetté mais c'est très improbable).

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