![Le groupe bancaire BNP Paribas investit chaque année environ 15% de son chiffre d'affaires dans la technologie et l'informatique.](https://static.latribune.fr/full_width/2374108/le-logo-de-bnp-paribas-a-l-exterieur-d-un-immeuble-a-paris.jpg)
Depuis l'ouverture au public de ChatGPT, les banques ne pouvaient pas échapper à l'engouement mondial autour de l'IA générative. Le champ des cas d'usage est vaste, les expérimentations se multiplient, même si certains experts, comme le cabinet Forrester, redoutent plus de problèmes que de solutions dans l'utilisation de cette technologie dans le secteur. Les banques ne sous-estiment pas les risques, elles avancent prudemment et évitent le partage des données avec des plateformes mises à disposition dans le cloud, comme ChatGPT.
BNP Paribas passe à la vitesse supérieure. Le groupe bancaire vient d'annoncer un contrat pluriannuel avec la nouvelle star de la French Tech, Mistral AI, qui vient de boucler une levée de fonds de 500 millions d'euros. La banque avait d'ailleurs participé au cycle de financement en série A et B de Mistral AI. Cet accord lui permettra d'utiliser les modèles d'IA générative de la startup dans tous les métiers de la banque, des activités de marché à la banque de détail.
Groupe de travail
La banque travaille depuis de nombreuses années sur l'IA et son déploiement est un des leviers du plan stratégique du groupe 2025. Tous usages confondus de l'IA, BNP Paribas table ainsi sur 500 millions de valeur créée d'ici 2025 par augmentation de revenus ou baisse de coûts.
Le groupe met les moyens : environ 700 data scientists et business analysts travaillent déjà avec de l'IA et plus de 3.000 collaborateurs (sur 47.000 personnes travaillant dans l'IT, pour un budget annuel de 7 milliards d'euros) sont des experts de la donnée.
Les différents groupes de travail transversaux ont d'ores et déjà identifiés plus de 750 cas d'usage, selon la banque, avec pour ambition d'en déployer un millier d'ici 2025, dont une centaine en matière d'IA générative.
Les modèles de Mistral AI sont par exemple en capacité de lire les contenus générés par la banque et d'extraire la bonne information. En quelques secondes, le conseiller a ainsi un argumentaire pertinent pour répondre au client.
« L'IA générative représente un potentiel significatif pour enrichir l'offre client notamment dans la vente, le trading ou encore la recherche », fait valoir Olivier Osty, responsable de BNP Paribas Global Markets, cité dans un communiqué de la banque.
Assistants virtuels
Dans la banque de détail, « l'IA générative nous permettra par exemple de proposer des assistants virtuels toujours plus performants pour répondre aux questions de nos clients 24/7 et simplifier les processus de bout en bout, améliorant ainsi la façon dont nos équipes accompagnent nos clients », complète Sophie Heller, en charge de l'innovation au sein du pôle Commercial, Personal Banking & Services de BNP Paribas.
« Nous voyons l'IA comme un support pour le client et le conseiller. Les assistants virtuels seront notamment plus performants et permettront au client de dialoguer plus facilement depuis son mobile, rendant finalement le digital encore plus accessible », nous confiait, il y un an, Sophie Heller. La banque
La banque s'intéresse particulièrement aux assistants virtuels, dont les dernières générations permettront de répondre aux questions des clients 24h sur 24, à la fois sur des informations générales tels que l'ouverture d'un compte ou encore l'épargne actuelle mais aussi de livrer des tableaux de bord complet d'une trajectoire d'investissement. Pour les conseillers, les modèles d'IA permettent d'optimiser les prises et la préparation des rendez-vous, de préparer automatiquement un résumé des précédentes interactions ou d'avoir une vision globale du patrimoine.
Boîte noire
Mistral est l'un d'eux, comme d'autres prestataires. La startup française avait déjà signé un partenariat avec l'assureur AXA, qui développe sa propre plateforme d'IA générative. L'assureur s'est intéressé très tôt à cette technologie, mais le groupe s'est vite heurté au problème de la qualité de la donnée assurantielle pour pouvoir utiliser les algorithmes sans trop de biais. Le travail de « toilettage » de ces données dure depuis des années.
Pour l'heure, la quasi-totalité des projets intégrant de l'IA s'adresse aux collaborateurs des banques, pour un usage interne, comme outils d'aide à la décision. C'est notamment le cas chez BNL en Italie (BNP Paribas), où l'IA traite les documents transmis dans le cadre d'un dossier de crédit. Ce qui ne manque pas parfois de poser des questions de fond.
« Nous avons voulu savoir si nous pouvions substituer nos modèles de scoring traditionnels par des modèles basés sur le machine learning et l'IA », raconte Jean-Marc Vilon, directeur général de Crédit Logement.
« Au bout de trois années de tests, nous arrivons à la conclusion que l'IA est effectivement un peu plus performante que notre scoring. Du moins statistiquement. Car, dossier par dossier, l'IA est incapable de nous expliquer pourquoi tel dossier devrait être refusé. Or, quand je refuse un dossier de caution à une banque, il faut bien que j'en explique les raisons ».
Et de prévenir : « Mettre de l'IA dans les processus de décision, c'est bien, mais il faut aussi que ces décisions soient explicables pour être socialement acceptables ».
Les clients tenus à l'écart
Les clients sont tenus pour l'instant globalement à l'écart dans l'utilisation de ces technologies. Quelques expérimentations orientées « client » commencent à voir je jour. BNP Paribas Cardif, par exemple, a mis en place une solution qui permet d'automatiser l'acceptation d'un sinistre sur un mobile. La néo-banque des « pros » a mis en place d'une plateforme GenAI. Celle-ci doit fluidifier l'expérience utilisateur dans tous les aspects de la vie du freelance. Des outils d'aide à la décision d'investissement commencent également à émerger dans l'univers de la banque privée.
Chez BPCE, qui compte consacrer un milliard d'euros d'investissement d'ici 2026 dans le digital, l'IA et les nouvelles technologies, la direction de l'innovation a priorisé ses grands projets IA autour de cinq domaines : outils d'aide à la décision pour les conseillers, intégration dans l'application mobile bancaire pour répondre aux questions les plus simples, support pour les centres d'appels, notamment pour gérer les gros trafics (assurance, paiement...), la lutte contre la fraude, et enfin, mettre l'IA au service des développeurs informatiques en interne. Ce dernier cas d'usage est d'ailleurs l'un des plus fréquents de l'IA.
« C'est la qualité des usages qui fait que la technologie peut se transformer en valeur », a rappelé Yves Tyrode, directeur général en charge des paiements et du digital chez BPCE, lors de la présentation du plan stratégique du groupe.
30% de retour sur investissement
Du côté du Crédit Mutuel Alliance Fédérale (CMAF), un groupe bancaire qui a toujours fait de la technologie et des systèmes d'information sa priorité stratégique, un tiers des ventes comporterait au moins un élément d'IA. Le groupe a même évalué à 30% le retour sur investissement lié à l'IA.
« Nous estimons que les différentes initiatives technologiques ont libéré 1.700 emplois sur un réseau de 25.000 personnes », avait reconnu en début d'année l'ancien président de CMAF, Nicolas Théry.
Reste que la banque est un secteur à part, très réglementé pour protéger le consommateur et inspirer confiance. C'est sans doute la principale limite de l'IA, car il n'est pas question de laisser des données sortir, d'une façon ou d'une autre, de la banque. « La banque repose sur la confiance. Et nous avons confiance dans l'IA tant que cela reste en interne, avec nos propres données. Mais dès que l'on sort de nos datas, cela pose problème », résume un grand banquier de la place. D'où la prudence toujours affichée par le secteur bancaire dans ses annonces sur l'IA.
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