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Législatives en Bretagne : « par rapport à 2022, le RN a multiplié par deux son score »

ENTRETIEN. En Bretagne, le RN a remporté le premier tour de scrutin dans cinq circonscriptions sur 27, après être arrivé pour la première fois en tête d’une élection lors des dernières Européennes (25,5%). Plus inédit, il est cette fois-ci présent dans tous les seconds tours. Analyse d’entre-deux tours avec Thomas Frinault, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Rennes-2.
Thomas Frinault, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Rennes-2.
Thomas Frinault, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Rennes-2. (Crédits : Thomas Frinault)

Dans la foulée d'un score particulièrement élevé aux élections européennes (25,5% des voix), le Rassemblement National a confirmé au premier tour des élections législatives du 30 juin qu'il s'était bien ancré en Bretagne, terre historiquement modérée et de social-démocratie. Selon Thomas Frinault, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'université Rennes-2, une triangulaire est quasiment la condition sine qua non pour ce parti d'espérer une victoire. Mais dans les trois points les plus chauds, où le RN s'est classé en tête dimanche dernier, il sera engagé dans des duels.

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LA TRIBUNE - Quels enseignements tirez-vous du premier tour des élections législatives en Bretagne ?

Thomas Frinault : Avec un taux de 73,4%, on observe un rebond général de la participation, sachant qu'en comparaison avec d'autres autres régions, il y a traditionnellement une surcote en Bretagne, notamment en Morbihan et en Côtes d'Armor. En revanche, les sursauts ont été inégaux selon les départements, avec cette fois-ci une forte hausse en Finistère, et un peu moins en Ille-et-Vilaine. Cet élément de la participation est important du fait qu'elle a un impact sur la possibilité de triangulaires. La campagne éclair a réduit le nombre de candidatures presque de moitié par rapport à 2022. Les votes se sont globalement concentrés sur les trois grands blocs. Il en ressort une répartition des scores beaucoup plus resserrée.

Avec 29,7% des voix, la majorité présidentielle a résisté et est arrivée en tête devant le Nouveau Front Populaire à 29,6. Le RN, à 27,7%, s'est classé troisième mais continue de pousser ses pions ?

La majorité macroniste fait mieux qu'un niveau national sur la base d'une séduction de certains députés sortants et a pu bénéficier des pertes au centre droit. Le NFP n'a pas fait un mauvais score mais en deçà de ses attentes en raison de la dimension clivante de LFI et de l'effet repoussoir pour un électorat de centre-gauche. Principal bénéficiaire aux Européennes, le PS n'a pas profité de cette redistribution des cartes, ce qui est surprenant au regard du poids de la social-démocratie en Bretagne. On peut penser que les candidats n'ont pas fait le plein de voix. Quant au RN, il est certes moins fort en Bretagne qu'ailleurs mais cela ne doit pas masquer qu'il s'inscrit dans une dynamique et une percée, comparables à celles des autres régions.

La participation du parti d'extrême-droite au second tour est même inédite ?

En 2022, sur 27 circonscriptions, il n'y avait aucun candidat frontiste au second tour. Cette année, sur 26 circonscriptions après l'élection au premier tour de Mickaël Bouloux à Rennes (NFP), le RN est présent dans tous les seconds tours. Par rapport à 2022 (13,63%), il a multiplié son score par deux. En deux ans, c'est un changement considérable, d'autant qu'aucun de ses candidats ne va se désister.

Autre particularité du scrutin : après les désistements, il y aura dix triangulaires dimanche dans les quatre départements. Le duel est-il la plus mauvaise configuration pour le RN ?

La manière d'arbitrer les duels ne se joue pas de la même façon selon les électorats. En 2022, il y a eu moins de mobilisation des électeurs de la majorité présidentielle dans les duels RN-Nupes que celles des électeurs Nupes dans un duel RN-majorité présidentielle. Pour le RN, une triangulaire est quasiment la condition sine qua non pour espérer une victoire ou un bon score. Un duel lui ferme les portes à coup sûr. Dans une triangulaire où le candidat RN serait arrivé en tête, la configuration pourrait être différente. Mais le front républicain a fonctionné dans les trois points les plus chauds. À Loudéac, Noël Lude (34,3%) sera opposé à Murielle Lepvraud (NFP). À Pontivy, Antoine Oliviero (35,85%, score le plus haut de toute la Bretagne) fera face à la députée sortante Nicole Le Peih (ENS). Idem à Hennebont-Gourin, où Nathalie Guihot-Vieira (34,69%) affrontera seulement Michel Jacques (ENS).

Comment s'illustre la progression du vote RN dans une région plutôt modérée ?

Le vote RN est loin d'être uniforme. Sa répartition est moins forte à l'échelle urbaine mais plus ancrée dans les territoires périphériques et ruraux de l'intérieur, de la Bretagne (Morbihan, Sud des Côtes d'Armor). À Dinan, le député sortant et secrétaire d'État Hervé Berville (ENS, 33,61%) réalise un bon score. Si l'on regarde en profondeur, dans les petites communes adjacentes, le résultat est plus contrasté. Le RN s'établit sur des territoires élargis mais aussi à l'intérieur des territoires. Comme au niveau national, il joue sur le registre des fractures territoriales, de la désertification médicale, de l'accès difficile aux services public dans les zones moins urbaines.

Les diverses crises nourrissent aussi un vote de rejet ?

La Bretagne n'est pas une terre de désindustrialisation comme les Hauts-de-France, mais les crises liées à l'agriculture, l'agro-alimentaire ou la pêche alimentent un vote de colère. Pour les électorats qui se pensent en déclin, le RN présente désormais une devanture plus respectable jusqu'à inverser les valeurs et la charge accusatoire (laïcité, féminisme, antisémitisme). Sur les thématiques de l'immigration ou de l'insécurité, le vote RN dans des communes comme Pontivy ou Hennebont, qui ont une finalement une faible expérience directe de ces sujets, se veut d'abord défensif. On cherche à se préserver de ce qui pourrait exister ailleurs.

Le fossé se creuse-t-il entre Rennes et Brest, ainsi qu'entre Lorient et Vannes ?

À Brest, traditionnellement plus à gauche comme Rennes, on observe une percée plus forte en périphérie (27,58% à Brest-Rural). L'agglomération ne se porte pas aussi bien que celle de la capitale bretonne, où le chômage est faible, l'économie et la démographie dynamiques, le nombre de cadres plus important. La variable du diplôme est le facteur le plus discriminant. Lorient, ville plus populaire ne possède quant à elle pas la même sociologie que Vannes. Sur le littoral, le secteur de la pêche se tourne vers le RN sur des problématiques liées à la protection de son activité face à la concurrence ou au rejet des éoliennes. C'était déjà le cas dans l'agriculture. Pourtant au niveau européen, le RN a tendance à voter en faveur de l'agriculture intensive et des grosses exploitations. N'ayant jamais exercé le pouvoir, il bénéficie de façon générale d'une sorte de totem d'immunité.

Propos recueillis par Pascale Paoli-Lebailly

Commentaire 1
à écrit le 04/07/2024 à 7:28
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Si vous faisiez une propagande médiatique massive pour que les gens achètent des oeufs pourris les gens achèteraient des œufs pourris, ou des ognles coupés ou des cheveux ou de la m... pure bien entendu. L'UE est dans la lignée Goebbelsienne "Martele...

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