![Pour rappel, en septembre et pour la dixième fois consécutive depuis juillet 2022, la BCE avait relevé tous ses taux directeurs de 0,25 point, s'établissant sur une fourchette entre 4% et 4,75%.](https://static.latribune.fr/full_width/2255749/le-siege-de-la-bce.jpg)
Le moment de la pause est-il venu pour la Banque centrale européenne (BCE) ? À l'instar de la Réserve américaine (Fed) le mois dernier, il y a de fortes chances, selon les économistes, pour que les gardiens de l'euro optent pour le statu quo sur leur arme principale de lutte contre l'inflation élevée. La décision sera dévoilée jeudi prochain, à l'issue d'une réunion délocalisée à Athènes.
Pour rappel, en septembre et pour la dixième fois consécutive depuis juillet 2022, la BCE avait relevé tous ses taux directeurs de 0,25 point, s'établissant sur une fourchette entre 4% et 4,75%. Le principal taux directeur rémunérant les dépôts, référence pour le crédit en zone euro, avait ainsi été porté à son niveau historiquement haut de 4%.
La présidente de l'institution, Christine Lagarde, avait alors refusé de dire si le « pic » avait été atteint dans cette trajectoire de hausse des taux sans précédent. Mais elle avait laissé entendre que le cycle touchait à sa fin. Elle a même réitéré dans une récente interview que le niveau des taux est désormais tel que, « maintenus pendant une période suffisamment longue », ils contribueront « de manière décisive » au retour « le plus tôt » possible de l'inflation à l'objectif de 2%.
« Meilleur moment »
Les données économiques publiées ces dernières semaines plaident en effet pour laisser les taux inchangés, avec une activité faible qui pointe vers une contraction du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro au troisième trimestre. L'inflation a de son côté surpris à la baisse, passant de 5,2% en août à 4,3% en septembre, en glissement annuel, pour revenir à son niveau d'octobre 2021. Preuve que les effets des hausses de taux, qui renchérissent le coût du crédit pour les ménages et les entreprises, se répercutent progressivement sur l'activité économique.
Reste que, avec toutes les incertitudes actuellement sur la table, « il n'y a pas eu de meilleur moment au cours des seize derniers mois pour que la BCE marque une pause » jeudi, résume Carsten Brzeski, économiste chez ING. En effet, « les risques de regain d'inflation demeurent et ont augmenté » en raison de la crise au Proche-Orient qui pousse déjà les prix du pétrole et du gaz à la hausse, note Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la KfW. Et le risque d'embrasement du conflit fait craindre une flambée des prix de l'or noir. « Des spécialistes estiment que le baril pourrait atteindre 150 dollars ce qui serait la catastrophe pour l'activité économique », s'inquiétait Valentin Nicaud, analyste de marché chez le courtier Bourse Direct, interrogé par La Tribune. Inflation et baisse de l'activité, un cocktail explosif qui « peut provoquer un effet ciseaux », alertait Alexandre Hezez, directeur de la gestion financière chez la Richelieu Gestion.
Une autre raison de ne pas en rajouter sur les taux : la forte hausse des rendements obligataires qui participe au durcissement des conditions financières pour l'économie. Christine Lagarde pourrait profiter de l'occasion pour exhorter les États à adopter une politique budgétaire plus stricte, afin d'aider à la baisse des taux d'intérêt et d'alléger les tensions sur les rendements des obligations souveraines, notamment sur l'emprunt italien. Enfin, la question des hausses futures de salaires susceptibles d'alimenter l'inflation est primordiale.
Des taux qui resteront élevés
Il n'empêche que cette pause ne signifie pas que les taux vont prochainement baisser. La communication d'octobre de la BCE devrait en effet rester « axée sur la nécessité de maintenir des taux élevés pendant une longue période », résume Fabio Balboni, économiste chez HSBC. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a réaffirmé la semaine dernière que, selon lui, la BCE devrait maintenir son taux directeur à son niveau actuel aussi longtemps que nécessaire. Cela signifie que Christine Lagarde laissera « ouverte l'option de futures nouvelles hausses de taux », avance Jack Allen-Reynolds, chez Capital Economics.
L'institution pourra préciser ses intentions lors de sa réunion de décembre, en fonction des derniers chiffres d'inflation et d'un nouveau jeu de projections économiques prolongé à l'horizon 2026. Si l'inflation poursuivait lentement son recul, la « pause » pourrait alors se transformer en « plateau », selon l'expression naissante chez des économistes, avec une première baisse des taux attendue au plus tôt dans la seconde moitié de 2024.
Une enquête réalisée auprès de 85 économistes par Reuters considère d'ailleurs que le cycle de hausse des taux de la BCE est terminé, mais qu'il faudra attendre au moins juillet 2024 pour que l'institution commence à assouplir son resserrement monétaire. Selon la prévision médiane des économistes et 58% des économistes interrogés, la première baisse des taux interviendra au troisième trimestre 2024, ou plus tard dans l'année, et le taux de dépôt devrait être ramené à 3,50% à la fin du mois de septembre 2024.
(Avec agences)