La Deutsche Bank a bénéficié d'une "exception" bienveillante lors des stress tests bancaires

Par Romaric Godin  |   |  828  mots
La BCE s'est montrée très bienveillante avec la Deutsche Bank dans les stress tests.
Lors des tests de résistance publiés cet été, la BCE a intégré une opération de cession non finalisée, contrairement à ses propres règles. Une exception qui pose la question de la sincérité de l'exercice.

La Deutsche Bank a bénéficié d'un « traitement spécial » pendant les derniers tests de résistance (« stress tests ») bancaires réalisés par la BCE et l'Autorité bancaire européenne (EBA). C'est le Financial Times qui, ce lundi 10 octobre, a souligné ce cas passé, cet été, inaperçu. Les autorités ont en effet intégré dans le capital de la banque francfortoise utilisé pour les calculs le montant de la vente de 19,99 % de la banque chinoise Hua Xia Bank estimé à 3,43 milliards d'euros.

Cette opération a fait l'objet d'un accord le 20 décembre 2015, mais n'a pas été finalisée. Elle ne l'est, d'ailleurs, toujours pas et n'a pas obtenu le feu vert des autorités de la concurrence, même si Deutsche Bank prétend avoir « bon espoir » de la finaliser avant la fin de l'année... 2016. Or, selon les règles des stress tests fixées par la BCE, « aucune vente ou autres mesures capitalistiques et transactions qui n'ont pas été complétés avant le 31 décembre 2015, même si elles ont fait l'objet d'un accord » ne doivent être comptabilisées.

Dans le document récapitulatif du test de résistance, l'exception accordée à Deutsche Bank est précisée par une discrète note de bas de page (la note 18 page 33). Dans cette note, on ne précise pas qu'un « traitement spécial » a été accordé à la banque allemande. On se contente d'indiquer que « l'opération sera finalisée en 2016 », ce que ni la BCE, ni l'EBA ne sont alors en mesure d'affirmer, n'étant pas les autorités de la concurrence chinoises. En réalité, l'exception accordée discrètement à Deutsche Bank ne saurait se justifier par aucune règle.

Une exception exceptionnelle ?

L'EBA a indiqué au Financial Times qu'une vingtaine « d'éléments exceptionnels » ont été intégrés dans les tests « pour éviter des anomalies évidentes dans des tests qui concernent l'avenir lorsque des événements ont eu lieu en 2015 ». Mais le quotidien londonien des affaires a examiné ces exceptions en détail et n'y a trouvé que des éléments administratifs ou de décompte des dépenses courantes, bien éloignés de la vente d'un portefeuille évalué à 3,4 milliards d'euros. Mieux même, la banque espagnole CaixaBank qui a finalisé en mars 2016 la vente de ses actifs étrangers à sa maison mère Criteria Holding pour 2,65 milliards d'euros, n'a pas été autorisée à intégrer dans les calculs des stress tests le produit de cette opération. C'est assez dire si le géant bancaire allemand a fait l'objet d'une procédure très « particulière ».

Eviter de placer Deutsche Bank en difficulté

Pourquoi ? On ne peut ici avancer que des conjectures. Mais il est certain que la Deutsche Bank, qui était déjà sous la pression des marchés depuis des mois, apparaît comme le maillon faible du système financier européen. On aura donc tenté d'embellir le tableau pour ne pas trop inquiéter. Dans le résultat officiel, en cas de « scénario difficile », la Deutsche Bank voyait son ratio de solvabilité de « première classe » (« core Tier-1 »), autrement dit, grosso modo, la part de son capital immédiatement disponible, pondéré des risques, sur le total de son actif, passer de 11,1 % en 2015 à 7,8 % en 2018. Sans l'opération Hua Xia, ce ratio tomberait à 7,4 %. Certes, on serait au-dessus encore du niveau de 5,5 % qui avait été fixé en 2014 comme limite de « réussite » pour les stress tests, mais ceci aurait encore rendu le résultat plus inquiétant pour la banque allemande.

En effet, avec un recul « officiel » de 3,32 points, la Deutsche Bank subissait une baisse inférieure à la moyenne européenne (3,8 points). En excluant l'opération chinoise, la banque revenait dans cette moyenne avec un écart de 3,72 points. De plus, avec un ratio « core Tier-1 » de 7,4 %, elle devenait la plus fragile des banques allemandes, passant sous le ratio de Commerzbank (7,42 %). Bref, elle tombait plus évidemment sous le regard des observateurs, ce qu'il fallait sans doute absolument éviter.

Crédibilité des tests en question

Ces exceptions méthodologiques placent de véritables dangers sur la crédibilité des stress tests européens dont la fiabilité a déjà été souvent mis en doute (en 2011, Dexia avait été jugée saine avant de sombrer quelques mois plus tard). L'union bancaire européenne repose pourtant sur ces exercices qui doivent permettre à la BCE, en tant que superviseur européen unique, d'évaluer les risques et de les prévenir. Mais il est vrai que la position de la BCE, par ailleurs chargée de la politique monétaire dont les banques sont les premiers relais de transmissions, ne peut se permettre d'affaiblir un des principaux maillons du système. Il n'empêche, cette note de bas de page risque de faire longtemps porter des doutes sur la sincérité des tests de résistance alors que beaucoup s'interrogent effectivement sur la véritable santé du secteur bancaire européen.