Déficit public excessif  : la Commission européenne compte ouvrir une procédure disciplinaire contre la France

Par latribune.fr  |   |  914  mots
Près d'une dizaine de pays de l'Union européenne ont dépassé l'an dernier la limite de 3% du PIB pour les déficits publics fixée par le Pacte de stabilité. (Crédits : YVES HERMAN)
La Commission européenne devrait ouvrir mercredi la voie à des procédures disciplinaires pour déficits publics excessifs contre une dizaine de pays de l'UE, dont la France.

Bruxelles s'apprête à adresser à la France un carton jaune en raison de son déficit public excessif. Maigre consolation, le pays est loin d'être le seul à être épinglé par l'exécutif européen qui va publier mercredi des rapports sur la situation économique et budgétaire de chacun des 27 pays de l'Union européenne. La Commission constatera que près d'une dizaine d'entre eux ont dépassé l'an dernier la limite de 3% du PIB pour les déficits publics fixée par le Pacte de stabilité. Adopté en 1997, en vue de l'arrivée de la monnaie unique au 1er janvier 1999, il fixe l'objectif de comptes à l'équilibre.

L'exécutif européen a prévenu depuis plusieurs mois qu'il lancerait cette année des procédures contre les pays violant les règles réformées et réactivées cette année. Elles avaient été mises en sommeil après 2020 à cause de la crise économique liée au Covid puis à la guerre en Ukraine.

L'Italie en tête des pays les plus endettés

Les déficits les plus élevés de l'UE ont été enregistrés l'an dernier en Italie (7,4% du PIB), en Hongrie (6,7%), en Roumanie (6,6%), en France (5,5%) et en Pologne (5,1%). Outre ces cinq pays, les procédures pour déficits excessifs devraient concerner aussi la Slovaquie, Malte (4,9%) et la Belgique (4,4%), constate Andreas Eisl, expert de l'Institut Jacques Delors. Trois autres sont dans une zone grise, explique-t-il.

L'Espagne et la République tchèque ont dépassé les 3% en 2023 mais prévoient de revenir dans les clous dès cette année. L'Estonie a également franchi les 3% mais sa dette publique à environ 20% du PIB est faible et très en dessous de la limite de 60% du PIB fixée par le Pacte de stabilité, contrairement aux autres pays cités.

La Commission se prononcera sur la base des chiffres de 2023 mais prendra aussi en compte les évolutions attendues pour 2024 et les années suivantes, souligne Andreas Eisl. Ces procédures laissent présager de nouveaux bras de fer politiques entre Rome et Paris, d'un côté, et la Commission et les pays les plus sourcilleux en matière de respect des règles budgétaires, dont l'Allemagne, de l'autre.

La crise politique en France inquiète

Le cas de la France inquiète particulièrement : le pays, dans le viseur des agences de notation, est en crise politique depuis la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron après sa défaite aux élections européennes le 9 juin. Les taux d'emprunt de la deuxième économie européenne ont subitement augmenté et la place financière de Paris a chuté sous l'effet de l'instabilité.

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Les oppositions d'extrême droite et de gauche, en tête dans les sondages, prévoient d'ouvrir grand le robinet des dépenses mais aussi de revenir sur les réformes emblématiques des retraites et du marché du travail préconisées par Bruxelles. De quoi compromettre la promesse de Paris, déjà jugée peu crédible, de revenir sous le seuil des 3% pour le déficit en 2027. Le déficit public a en effet atteint 5,5% du PIB en 2023, soit 15,8 milliards d'euros de plus que ce qu'avait prévu le gouvernement (4,9%). Ce qui l'a conduit à annuler 10 milliards d'euros de crédits pour 2024.

« Aucune crise comparable ne justifie le déficit public de l'année 2023, s'est alarmé le rapporteur général du Budget Jean-François Husson (LR) lors d'une conférence de presse tenue au Sénat, mi-juin, pointant « une confusion entre la solidité, la rigueur des chiffres et le pari politique » de l'exécutif. Le socialiste Claude Raynal a lui épinglé « l'opacité de la communication budgétaire », estimant qu'il n'était « pas prudent de s'accrocher toute l'année à un objectif de déficit de 4,9 % devenu inaccessible ».

Les punitions n'ont jamais été appliquées

Les deux parlementaires avaient alors présenté un rapport sénatorial transpartisan, qui dénonçait « l'imprudence » du gouvernement sur le dérapage budgétaire des derniers mois, formulant des recommandations pour assurer une meilleure transparence des finances publiques. Auditionné par le Sénat, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait réfuté toute dissimulation.

« Toutes les informations ont été données en temps utile au Parlement et aux Français, et toutes les décisions nécessaires ont été prises en temps utile pour corriger les conséquences de recettes fiscales moins élevées que prévu », avait-il soutenu.

Le nouveau Pacte de stabilité prévoit en principe des sanctions financières à hauteur de 0,1% du PIB par an pour les pays qui ne mettront pas en œuvre les corrections imposées. Elles s'élèveraient par exemple à près de 2,5 milliards d'euros pour la France. En réalité, ces punitions, politiquement explosives, n'ont jamais été appliquées pour ne pas enfoncer des pays déjà en difficulté. Depuis la création de l'euro, la France a été la plupart du temps en procédure de déficit excessif. Elle en était toutefois sortie depuis 2017.

Corriger les dérapages sera néanmoins difficile dans un contexte de faible croissance et de tensions géopolitiques. Les finances publiques sont fortement mises à contribution pour soutenir l'Ukraine face à la Russie, mais aussi engager les investissements dans la transition verte pour faire face au réchauffement climatique.

(Avec AFP)