Catalogne : les indépendantistes perdent leur majorité

Les partis indépendantistes, qui dirigent la Catalogne depuis une décennie, ont perdu dimanche leur majorité au parlement régional, selon les résultats partiels des élections régionales remportées par les socialistes du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, six ans et demi après la tentative de sécession de 2017.
Après le dépouillement de 73% des bulletins de vote, les trois formations indépendantistes n'ont obtenu que 59 sièges alors que la majorité absolue est fixée à 68.
Après le dépouillement de 73% des bulletins de vote, les trois formations indépendantistes n'ont obtenu que 59 sièges alors que la majorité absolue est fixée à 68. (Crédits : Reuters)

Les partis indépendantistes, qui dirigent la Catalogne depuis une décennie, ont perdu dimanche leur majorité au parlement régional, selon les résultats partiels des élections régionales remportées par les socialistes du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, six ans et demi après la tentative de sécession de 2017.

Après le dépouillement de plus de 98% des bulletins, les trois formations séparatistes dont Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) de Carles Puigdemont et ERC (Gauche républicaine de Catalogne) de l'actuel président régional Pere Aragonès, ont obtenu 59 sièges. La majorité est fixée à 68 sièges dans un parlement en comptant 135. Lors du dernier scrutin régional en février 2021, ces trois partis en avaient obtenu 74.

Les socialistes de Pedro Sánchez ont remporté pour leur part 42 sièges, neuf de plus qu'en 2021, et réussi à montrer que le sentiment séparatiste avait marqué le pas en Catalogne, plus de six ans après la tentative de sécession d'octobre 2017, l'une des pires crises vécues par l'Espagne contemporaine.

Mais leur candidat Salvador Illa, ancien ministre de la Santé durant la pandémie de Covid 19, devra trouver des partenaires pour articuler une majorité. En 2021, il avait déjà remporté les régionales mais n'avait pas pu être investi président régional, dans un parlement majoritairement indépendantiste.

Quelle alliance ?

L'hypothèse la plus citée par les analystes est une alliance avec l'extrême gauche, qui gouverne en Espagne avec Pedro Sánchez, et avec ERC, le parti le plus modéré chez les indépendantistes, qui a perdu beaucoup de terrain lors de ce scrutin.

A elles trois, ces formations disposeraient tout juste de la majorité absolue de 68 sièges.

Pedro Sánchez avait fait de cette élection un enjeu central de son mandat afin de prouver que la politique de détente qu'il a menée en Catalogne depuis son arrivée au pouvoir en 2018 a porté ses fruits et entraîné une diminution du sentiment séparatiste dans cette région de huit millions d'habitants qui est l'un des moteurs économiques et industriels du pays. Cette victoire socialiste est aussi une bouffée d'air pour le Premier ministre, dont le mandat a été fragilisé par l'ouverture d'une enquête judiciaire contre son épouse face à laquelle il a songé à démissionner il y a deux semaines.

 Déterminé à « refermer les blessures » ouvertes par la « crise politique » de 2017, le Premier ministre a gracié en 2021 les dirigeants indépendantistes condamnés à la prison et a accepté l'an dernier de faire adopter une loi d'amnistie pour tous les séparatistes poursuivis par la justice, en échange du soutien de leurs partis à sa reconduction pour un nouveau mandat de quatre ans. Cette amnistie doit être votée définitivement par les députés dans les prochaines semaines et permettre le retour en Catalogne de Carles Puigdemont, qui a fui la région en 2017 pour s'installer en Belgique afin d'échapper aux poursuites judiciaires.

Mesure très controversée, elle a fait descendre dans la rue l'opposition de droite et d'extrême droite qui accuse le Premier ministre d'être devenu l' « otage » des indépendantistes dans le simple but de se maintenir au pouvoir.

Les cinq points à savoir pour comprendre cette élection

- Tentative de sécession

La Catalogne a fait la « Une » des médias du monde entier lorsque le gouvernement régional de Carles Puigdemont a organisé le 1er octobre 2017 un référendum d'autodétermination, en dépit de son interdiction par la justice.

Près d'un mois plus tard, le parlement local déclarait unilatéralement l'indépendance de la région, entraînant immédiatement sa mise sous tutelle par le gouvernement espagnol et la révocation du gouvernement local. Les principaux dirigeants séparatistes ont alors été incarcérés ou ont fui à l'étranger, comme Carles Puigdemont.

Cette crise, l'une des plus graves vécues par l'Espagne depuis le retour de la démocratie, il y a près d'un demi-siècle, continue de peser sur la politique nationale.

Arrivé au pouvoir en 2018, le socialiste Pedro Sánchez est parvenu à se maintenir au pouvoir en novembre 2023 grâce au soutien des deux partis indépendantistes catalans. Ces derniers ont obtenu en contrepartie une loi d'amnistie pour les séparatistes impliqués dans les évènements de 2017.

Ce texte, qui devrait être adopté définitivement dans les prochaines semaines, permettra à Carles Puigdemont de revenir en Catalogne plus de six ans après son départ.

- Les indépendantistes au pouvoir

Au début des années 2010, en pleine crise financière, le président régional nationaliste de l'époque, le conservateur Artur Mas, avait fait un virage vers l'indépendantisme, sentiment montant au sein de la population.

Carles Puigdemont, indépendantiste pur et dur issu du même parti, lui succède début 2016 à la tête de la région, qu'il mène vers la tentative de sécession de 2017.

Depuis, les indépendantistes ont réussi à conserver leur majorité au parlement régional. Lors du dernier scrutin, en 2021, ils avaient obtenu un total de 74 sièges sur 135. Leurs divisions ont toutefois entraîné le départ en octobre 2022 du parti de M. Puigdemont, Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), du gouvernement régional. L'autre grand parti séparatiste, ERC, est depuis seul aux commandes de la région.

Allant jusqu'ici de l'extrême gauche au centre-droit, le mouvement indépendantiste a vu émerger ces derniers mois une nouvelle formation d'extrême droite, Alliance Catalane, créditée par les sondages de 3% des voix dimanche.

- Très larges compétences

Dans une Espagne très décentralisée, la Catalogne, peuplée d'environ huit millions d'habitants, est l'une des régions disposant du degré d'autonomie le plus élevé.

Gérant, comme les autres, la santé et l'éducation, elle dispose aussi de sa propre police, les Mossos d'Esquadra, et a obtenu le transfert récent du contrôle sur le transport ferroviaire régional.

Dans le cadre de l'accord scellé avec les partis indépendantistes pour reconduire au pouvoir Pedro Sánchez en novembre, les socialistes ont promis "des mesures permettant l'autonomie financière" de la Catalogne, face à la demande du parti de Carles Puigdemont d'une « cession » à la région "de 100% des impôts" qui y sont payés.

- Moteur économique

La Catalogne est la deuxième communauté autonome la plus riche d'Espagne et pèse pour 19% du PIB national (alors qu'elle abrite environ 16% de la population), juste derrière la région de Madrid (19,4%), qui la devance depuis la tentative de sécession de 2017.

En outre, la région, où sont basés Mango (textile), Puig (cosmétiques), Grifols (pharmacie) et Cellnex (télécoms), est, de loin, la première d'Espagne en termes d'exportations (26,1% du total national).

Poumon industriel du pays, son taux de chômage est nettement plus faible que la moyenne nationale (10,4%, contre 12,3%).

- Langue

Le catalan est la langue officielle de la région (avec l'espagnol). L'enseignement y est majoritairement dispensé dans cette langue, qui est aussi celle habituellement utilisée dans l'administration. Selon des chiffres publiés l'an dernier par le gouvernement régional, 86,8% des habitants de la région comprenaient bien le catalan, qui est la langue maternelle de 29,2% d'entre eux.

Craignant une diminution de son usage, les indépendantistes le défendent farouchement et ont obtenu l'an dernier de pouvoir s'exprimer en catalan au Parlement espagnol.

Commentaires 3
à écrit le 14/05/2024 à 9:49
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Ce que vous ne dites pas, c'est que la Catalogne ne dispose pas de son argent (comme le Pays Basques espagnol- Euskadi), dépend entièrement de Madrid de ce point de vue-là.

à écrit le 14/05/2024 à 8:07
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Pendant ce temps en Nouvelle-Calédonie le peuple kanak issu de 2000+ ans de tradition mélanésienne se soulève contre le coup d'état de l'empire colonial français présent sur le territoire depuis seulement ~200 ans en donnant le droit de vote à la ...

à écrit le 13/05/2024 à 8:08
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Les européens ont compris qu'ils n'avaient aucune alternative électorale, que s'ils mettaient des politiciens au pouvoir selon leurs aspirations ils se feraient trahir, la même politique pour toute l'UE, la même soupe oligarchique qui nous fait chaqu...

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