Thomas Cazenave : les confidences d'un ministre qui s'apprête à quitter Bercy

PORTRAIT. Au lendemain de la mort d'un douanier à Dunkerque, le futur ex-ministre des Comptes publics s'est rendu, ce 1er août, à l'hôtel des douanes d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ces dernières ont en effet déjà saisi plus d'un demi-millier de contrefaçons aux couleurs de Paris 2024. Sur le chemin du retour, Thomas Cazenave s'est confié, à La Tribune, sur son engagement politique depuis sa première candidature à Bordeaux aux élections municipales de 2020.
César Armand
Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, ici dans son bureau de Bercy. (Photo d'illustration)
Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, ici dans son bureau de Bercy. (Photo d'illustration) (Crédits : © LTD / Stéphane LAGOUTTE/Challenges/RÉA)

Il est parfois surnommé « le clone de Macron ». L'actuel ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a en effet un CV à faire pâlir le président de la République : normalien, agrégé d'économie-gestion, énarque et inspecteur des Finances. Dès 2007, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les deux hommes travaillent ensemble à la commission pour la libération de la croissance dite « commission Attali ». Le premier part ensuite chez Rothschild, le second chez Orange et Pôle Emploi, avant d'accepter la fonction de directeur de cabinet adjoint de son ami au ministère de l'Economie. Puis lorsqu'Emmanuel Macron prend le large de Bercy, Thomas Cazenave reste comme directeur de cabinet du ministre de l'Industrie, Christophe Sirugue, avant de rejoindre l'Elysée comme secrétaire général adjoint de François Hollande.

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Conseiller municipal et conseiller métropolitain depuis 2020

Et puis tout s'accélère en novembre 2017, le chef de l'Etat, élu cinq mois plus tôt, le nomme délégué interministériel à la transformation publique, et deux ans plus tard, le haut-fonctionnaire décide de s'engager en politique à l'image de son aîné. Il démissionne de son poste et se met en disponibilité de la fonction publique pour se présenter aux élections municipales à Bordeaux de mars 2020. « J'ai toujours eu envie de m'engager pour ma ville. C'est une échelle passionnante où l'on peut être en proximité, engager des projets et en voir la réalisation », confie Thomas Cazenave à La Tribune.

Et malgré sa défaite, il est resté conseiller municipal et conseiller métropolitain. « Après mon échec, beaucoup pensaient que je prendrais ma valise, mais en quatre ans, j'ai dû rater un seul conseil municipal. » D'aucuns disent qu'il songe déjà au scrutin de 2026 le matin en se rasant. Il rit et confirme qu'il en discute et qu'il s'y prépare. « Il faut un très grand rassemblement de celles et ceux qui considèrent qu'il faut donner un nouvel élan. Après la période Juppé, notre ville est l'arrêt sur la sécurité, la propreté, les logements et les mobilités », affirme Thomas Cazenave.

Une déclaration qui fait bondir Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux, contacté par La Tribune: « Thomas Cazenave a un tropisme plus parisien que bordelais. Quand il a été nommé ministre, j'ai déclaré espérer qu'il soit davantage le porte-parole de Bordeaux à Paris que le porte-parole du gouvernement à Bordeaux, mais force est de constater qu'à chaque intervention, il défend ardemment la politique gouvernementale. »

La politique nationale l'a rattrapé en 2020

Il ne croit pas si bien dire, la politique nationale a rattrapé Thomas Cazenave. Lui le co-fondateur d'En Marche en 2016 devient, en 2022, porte-parole de la campagne du président-candidat Emmanuel Macron. Une fois la victoire de son chef passée, Thomas Cazenave est élu député de la 1ère circonscription de Gironde aux élections législatives et convainc ses pairs de le porter à la présidence de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. En un an, il fait adopter par l'Assemblée nationale deux de ses propositions de loi : l'une sur le plafonnement des loyers, l'autre sur le tiers-financement de la rénovation énergétique des bâtiments publics avec le soutien du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu.

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De même que Thomas Cazenave pousse le « budget vert » dans les budgets des collectivités. Avec l'ex-député David Valence, défait lors des législatives anticipées de 2024, il a réussi à faire entrer dans la loi la nécessité, pour les collectivités, d'évaluer leur impact pour la transition écologique au moment de la présentation de leurs comptes administratifs.

« Sur ce sujet, on le sent pénétré comme trop peu de responsables politiques par la nécessité de faire autrement et d'agir fort au national comme au local », assure David Valence.

« S'il fait preuve d'intérêt pour l'écologie, il manque d'audace, de détermination et de poids politique pour mieux intégrer cet enjeu aux choix politiques et budgétaires », tance, au contraire, Jean-François Husson, rapporteur (LR) du budget au Sénat.

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Loué par ses collègues députés ex-Renaissance

A propos de budget, Thomas Cazenave a à peine le temps de faire son trou au Palais-Bourbon qu'il est nommé, en juillet 2023, ministre délégué aux Comptes publics dans le gouvernement d'Elisabeth Borne. « La veille, j'écrivais aux ministres concernés pour leur faire remonter les difficultés économiques des viticulteurs en cas de hausse des accises sur l'alcool. Le lendemain, j'étais à mon bureau à Bercy où j'ai ouvert le courrier destiné à Gabriel Attal », s'amuse Thomas Cazenave.

« Alors même qu'il avait pris la tête du mouvement, il entre au gouvernement et obtient l'arbitrage. Il a toujours veillé à trouver l'équilibre entre la réalité des chiffres et le pragmatisme, pour ne pas dire l'irrationnalité, de la vie politique », salue son ancien collègue Louis Margueritte, battu en juillet en Saône-et-Loire.

Un portrait louangeur que dresse aussi Mathieu Lefèvre, réélu (Ensemble pour la République, ex-Renaissance) dans le Val-de-Marne : « Malgré la configuration politique de l'Assemblée, ses qualités de négociateur et de recherche du compromis dans le respect de la contrainte financière ont toujours été saluées. »

Contre l'autonomie fiscale des collectivités locales

Sauf qu'à Bercy, l'interlocuteur des associations d'élus à l'Assemblée nationale devient, aux côtés de Bruno Le Maire, le porte-parole de la rigueur budgétaire... y compris en local. « Les collectivités ne sont pas responsables des finances publiques, mais nous les avons en partage. C'est pourquoi je considère que tout le monde doit faire un effort », se justifie Thomas Cazenave.

Au président (PS) du Comité des Finances locales, André Laignel, qui juge que l'exécutif « étouffe » les élus locaux, il rétorque que leurs ressources ont augmenté de 4 à 5%. « Nous avons transféré de la TVA qui est quand même la ressource la plus protectrice et la plus visible », ajoute Thomas Cazenave.

Le Girondin assure ainsi qu'il a toujours « garanti leur autonomie financière pour leur permettre de mener leurs politiques ». A l'inverse, il refuse l'autonomie fiscale, c'est-à-dire la liberté de moduler les taux des impôts locaux. Pour lui, ce n'est rien d'autre que créer les conditions d'une « concurrence territoriale ».

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A Aulnay-sous-Bois avec les douaniers, il travaillera « jusqu'au bout »

Et quand il n'est pas avec les élus locaux, il est encore sur le terrain. Ce matin, La Tribune l'a accompagné à Aulnay-sous-Bois à l'hôtel des douanes qui exposait des contrefaçons à l'image des Jeux olympiques et paralympiques. A chaque serrage de main, il a un mot pour leur collègue mort en opération, mercredi, à Dunkerque, et à chaque explication, il pose une question.

Et une fois les micros et les caméras arrivés, Thomas Cazenave synthétise tout ce qu'il vient d'entendre : 5.800 douaniers sur le terrain, 10.000 opérations depuis le 15 juillet, 500.000 produits interceptés. Mieux, mercredi à Aubervilliers, 80 douaniers ont saisi simultanément, sur dix-sept sites, 145.000 pièces. « Des produits venant essentiellement de Chine et restant une menace pour la sécurité », insiste-t-il.

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Nul doute qu'il prendra la parole sur le projet de loi de finances 2025

Même sur le chemin du retour, Paris 2024 n'est jamais bien loin, sa voiture roulant sur la voie réservée, gyrophare allumé et sirène hurlante. Lui est reparti dans ses pensées. Interrogé sur l'après, il jure la main sur le cœur qu'il restera au travail « jusqu'au bout ».

Quitte à oublier qu'il a déjà préparé la suite. Réélu en triangulaire aux élections législatives anticipées, Thomas Cazenave est assuré de retrouver sa place à la commission des Finances. Il y sera rapporteur, comme de 2022 à 2023, du budget de l'Enseignement supérieur. « C'est au cœur de notre contrat social et une politique publique clé qui se mesure sur le long terme », souligne-t-il.

En attendant de retrouver le Palais-Bourbon, nul doute qu'il prendra la parole pour alerter le microcosme médiatico-politique sur la nécessité de présenter en Conseil des ministres un projet de loi de finances 2025 avant le 1er octobre. Et pour cause : entre la Nouvelle-Calédonie et la dissolution, la facture de l'Etat s'est (un peu plus) alourdie.

César Armand
Commentaires 6
à écrit le 09/08/2024 à 17:15
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à écrit le 03/08/2024 à 7:01
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Bon allez hein, maintenant faut partir ! ^^

à écrit le 02/08/2024 à 14:20
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Il ferait un bon 1er ministre.

à écrit le 02/08/2024 à 9:55
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"le futur ex-ministre" ce qui montre que nous ne sommes plus en démocratie ! une simple phrase dit tout de la situation du pays ! Ministre des comptes publics, ben bravo monsieur, vos résultats sont a l'image de l'ensemble ! Ou peut être un nouv...

le 02/08/2024 à 20:48
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Nous n'avons pas vu les mêmes résultats des élections. Pour moi personne n'a gagné, car l n'y a aucun groupe qui la majorité. Certes le NPT a tout juste un peu plus que les autres, mais un gouvernement NPF ne tiendra pas 48 H, car aussitôt nommé, au...

à écrit le 01/08/2024 à 21:19
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Le seul fait qu' il ait dans son C.V. de Haut Fonctionnaire hyperdiplômé appartenu à la Commission Attali " aurait du suffire à ce qu' il soit, pour de simples raisons hygiéniques, " éloigné " de ... Bercy le Berceau des Miracles Economiques .....

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