LA TRIBUNE DIMANCHE - Quel bilan faites-vous des Jeux olympiques en matière de tourisme et de consommation ?
OLIVIA GRÉGOIRE - C'est un succès économique et touristique. C'est lié au fait que, malgré les doutes qui avaient été émis ces derniers mois, cela a été un formidable succès organisationnel. En amont, des pays étrangers avaient pu exprimer deux sujets de préoccupation majeurs : la sécurité et les transports. Sur ces deux points, ils ont été rassurés dès le début des Jeux. Je voudrais d'ailleurs dire bravo et merci aux forces de l'ordre : elles ont été nos meilleurs atouts pour la promotion de la destination France durant ces JO ! Au terme de ces deux semaines, nous avons ainsi une augmentation de 16 % des nuitées sur l'ensemble des villes hôtes, dont 20 % en Île-de-France. La fréquentation des musées et des restaurants ainsi que la consommation dans les bars ont été de plus de 25 % en moyenne à Paris et ont triplé à Saint-Étienne et doublé à Lille. Mais les retombées économiques ne s'arrêteront pas là puisqu'il a été démontré par le passé qu'il existait un effet positif des JO longtemps après l'événement. Au final, on estime donc qu'elles seront au total de 9 milliards sur quinze ans, avec, je le rappelle, près de 9 fournisseurs sur 10 qui sont des entreprises françaises, dont 80 % des TPE/PME. N'en déplaise aux esprits chagrins, ces Jeux, qui ont coûté 8,8 milliards d'euros constitués en grande partie d'investissements privés, rentreront largement dans leurs frais .
Il n'y a donc pas de déception, comme le prétendent certains ?
Certains ont pu avoir ce sentiment en raison d'un démarrage difficile dû aux conditions d'organisation de la cérémonie d'ouverture, qui pour la première fois se tenait hors d'un stade, et des restrictions importantes qui en découlaient. Mais les commerçants ont par la suite vite pu constater que dès le lendemain de la cérémonie ces conditions de sécurité avaient été, pour la plupart, levées.
Cette quinzaine a suscité un engouement et une fierté nationale considérables. Comment faire pour que cela ne soit pas qu'une parenthèse ?
Cela a quand même été formidable de voir la capacité du peuple français à passer d'une appréhension négative, pessimiste, à une liesse totale et bon enfant. Au fond, ces JO nous ont ressemblé. La liberté, cela a été l'audace, la créativité de la cérémonie d'ouverture. L'égalité, cela a été le partage permanent de cet événement avec le grand public. La fraternité, cela a été la communion entre les champions, le public, les bénévoles, symbolisée notamment par le Club France. La beauté du sport a fait vibrer ensemble les Français. On a vu lors de ces JO qu'il existait un ressort de bonne humeur, de fraternité, d'union nationale. Cela nous oblige désormais. C'est à nous, les politiques, de rebondir sur ce ressort et de montrer que l'on sait se rassembler dans l'intérêt du pays. Il y a cependant des conditions...
Lesquelles ?
Les Français sont capables de se rassembler à partir du moment où ils en comprennent la raison, le pourquoi. Lors de ces JO, il n'y avait ainsi qu'un seul objectif partagé : gagner des médailles. À nous, responsables politiques, mais aussi économiques, d'être capables de mieux mettre en perspective le pourquoi de nos actions. Ces dernières années, on a parfois pu manquer de clarté en parlant plus du « comment » des réformes que du « pourquoi ». Je pense par exemple à la réforme des retraites, ou il y avait presque autant de « pourquoi cette réforme » que de responsables politiques.
Plus d'un mois après le second tour des législatives, où en est la formation du nouveau gouvernement ?
Dernièrement, on constate une forte poussée de l'extrême gauche et de l'extrême droite, qui ont un fonds de commerce commun : la recherche du bouc émissaire - les riches pour la première, les étrangers pour la seconde. L'urgence pour les autres courants politiques est donc de trouver dans les semaines qui viennent un chemin « pour » et non pas uniquement un chemin « contre ». Fort de l'expérience des JO, il nous revient de nous mobiliser en faveur de priorités qui concernent tous les Français. Une meilleure prise en compte des personnes âgées, la parentalité avec notamment la question de la garde d'enfants, l'écologie du quotidien, le pouvoir d'achat... sont des sujets qui rassemblent une large majorité de Français. Sur le terrain, très concrètement, des réponses ont d'ailleurs déjà pu y être trouvées car on a une France très débrouillarde. Je rappelle que 25 % des Français font partie d'une association. Le politique a tendance à s'occuper de sujets qui le préoccupent plutôt que de sujets qui préoccupent les gens. Il faudra plutôt désormais s'appuyer sur cette participation citoyenne et sur plus de décentralisation.
Comment le nouveau gouvernement devra-t-il alors se décliner, concrètement ?
Je vois assez peu de solutions excepté celle de la coalition qui irait des sociaux-démocrates à LR, de François Ruffin à Philippe Juvin. L'enjeu n'est pas de se mettre ensemble pour élaborer une doctrine politique qui nous rassemblerait tous, car, soyons lucides, nous n'y arriverons pas ; mais c'est de trouver un chemin qui permette de répondre aux attentes des Français et ne soit pas bloqué par les autres forces politiques pour éviter qu'il se transforme en quelques semaines en impasse. Pour tracer ce chemin, il faut quelqu'un qui soit davantage dans la réparation que dans le clivage, alors que ces derniers mois les extrêmes, à droite comme à gauche, ont beaucoup clivé.
Comment la nouvelle composition de l'Assemblée ne rendra-t-elle pas mathématiquement la durée de vie du nouveau gouvernement limitée ?
La personnalité du nouveau Premier ministre jouera. Il faut que celui-ci soit dans le côte à côte, comme lors des Jeux, plutôt que dans le face-à-face, qu'il soit capable de bâtir des ponts plutôt que des citadelles. Quelqu'un comme Bernard Cazeneuve par exemple semble être convaincu de cela. Reste à voir en revanche l'élan parlementaire qu'il pourrait susciter.
Vous connaissez également bien Xavier Bertrand avec qui vous avez travaillé. A-t-il à vos yeux le bon profil pour être Premier ministre ?
Oui. Il a de nombreux talents mais aussi une grande expérience politique qui serait utile au pays. Sa vraie force est d'avoir les pieds sur terre. C'est très précieux. Des questions demeurent néanmoins : saura-t-il rassembler l'ex-majorité présidentielle qu'il a par le passé critiquée ? Parviendra-t-il à attirer des sociaux-démocrates ?
Quel enseignement avez-vous tiré de la défaite de votre camp aux élections législatives ?
Nous avons subi un phénomène auquel il est impossible d'échapper : l'usure du pouvoir. C'est terrible car celle-ci vous fait devenir le système ; elle vous fait passer de moderne à conservateur. Pour ma part, je ne pense pas que le macronisme soit mort. Parce que le macronisme est avant tout un progressisme, il a évidemment un avenir. Demain, ce sera un impératif pour nous de nous remettre en cause et de retrouver le chemin de la modernité, du progrès et d'un mot qui a étonnamment disparu du champ lexical politique : l'espoir.
