C'est la première fois qu'il fait ça. Le 14 mai, Laurent Wauquiez reçoit une cinquantaine d'invités dans son appartement niché au cœur du 7e arrondissement de Paris. Il y a là Éric Ciotti et son prédécesseur à la tête des Républicains Christian Jacob, le chef du groupe LR à l'Assemblée, Olivier Marleix, une poignée de parlementaires, le patron du Medef, Patrick Martin, des banquiers, quelques journalistes... Officiellement, la petite sauterie est organisée à l'occasion du 49e anniversaire du président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a eu lieu un mois plus tôt. Mais elle n'est pas non plus dénuée d'arrière-pensées. Chacun des présents le sait. Laurent Wauquiez ambitionne d'être candidat en 2027 à l'Élysée.
Pour celui qui a tendance à cloisonner ses relations, cette soirée est une manière de montrer qu'il rassemble largement. « C'était le noyau dur de ton comité de soutien de campagne », lui fera remarquer quelques jours plus tard le futur ex-député européen Brice Hortefeux. Tout a été pensé. Aucun collaborateur n'a été invité. Les jours précédents, l'hôte s'est demandé s'il devait prononcer un petit discours. Il a jugé que cela paraîtrait un peu artificiel.
Pour Laurent Wauquiez, l'histoire s'est brutalement accélérée cette semaine. Mardi, il a annoncé sa candidature aux élections législatives dans la première circonscription de Haute-Loire. Elle marquera son retour sur la scène nationale. Même si la décision surprise d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale va provoquer celui-ci plus tôt qu'il ne l'avait envisagé, l'ex-ministre sarkozyste n'a pas hésité. Parmi ses proches, certains lui avaient déjà conseillé de songer à redevenir député. Il y a un mois, Brice Hortefeux lui avait remis une note où il lui suggérait de demander à l'élue de sa circonscription, une proche, de démissionner à l'automne, afin de provoquer une élection législative partielle. II estimait que sa présence à l'Assemblée lui donnerait une tribune, que sa décision d'y siéger (et d'abandonner par ricochet la présidence de la Région, qu'il occupe depuis 2015) montrerait sa détermination élyséenne.
Négocier une bienveillance
Néanmoins, pour Laurent Wauquiez, ce retour ne se passera pas comme prévu. Le choix d'Éric Ciotti d'appeler à une alliance de LR avec le RN l'a percuté de plein fouet. Médiatiquement, il l'a fait passer au second plan. Politiquement, il va tout changer. La décision du patron des Républicains a fait imploser son parti. Après le 7 juillet, qu'en restera-t-il ? Pour le prétendant à l'Élysée, c'est toute une stratégie à reconstruire. Dans sa conquête, le Niçois était un rouage stratégique. Ils marchaient de conserve. Laurent Wauquiez comptait sur Éric Ciotti pour modifier les statuts du parti et mettre fin à la primaire désignant le candidat à la présidentielle afin de l'imposer directement.
Fin avril, le premier était allé trouver Nicolas Sarkozy, avec qui le second était en froid, pour négocier sa bienveillance durant les européennes. Aujourd'hui, les voilà devenus ennemis. Mardi, quelques minutes avant d'annoncer sur TF1 la décision qui va dynamiter sa famille, Éric Ciotti rappelle Laurent Wauquiez, qui a cherché à le joindre à plusieurs reprises pour l'en dissuader. L'Auvergnat le prévient : « Tu fais une énorme erreur. Je te désavouerai publiquement. » Dans la révolte des barons du parti contre lui, Laurent Wauquiez jouera les premiers rôles.