Gaza : malaise au Caire face à l’opération israélienne

Alors que l’Égypte poursuit sa médiation entre le Hamas et Israël, l’offensive à Rafah bouscule les relations entre les deux États.
Chars israéliens au poste-frontière de Rafah, côté palestinien, mardi.
Chars israéliens au poste-frontière de Rafah, côté palestinien, mardi. (Crédits : © LTD / Israeli Army / AFP)

Le Caire en avait fait une ligne rouge. Pas question que les forces armées israéliennes pénètrent dans le « corridor de Philadelphie ». Cette zone démilitarisée court le long de la frontière entre la bande de Gaza et l'Égypte. Selon l'accord signé entre Israël et l'Égypte en 2005, après le retrait unilatéral de l'État hébreu du territoire palestinien, seuls des gardes-frontières égyptiens sont autorisés à patrouiller sur la route qui borde le corridor.

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En janvier, l'Égypte avait ouvertement mis en garde Tel-Aviv contre toute tentative de prendre le contrôle du corridor, le directeur de l'Organisme général de l'information, Diaa Rachwan, affirmant que « toute action en ce sens risquerait de mettre sérieusement en péril les relations entre les deux pays ». Mardi, pourtant, en lançant leur offensive contre la ville de Rafah, les blindés israéliens y sont entrés et se sont emparés du côté palestinien du poste-frontière. Les autorités égyptiennes ont condamné la prise de contrôle du poste, mais elles se sont bien gardées de commenter l'entrée des forces israéliennes dans le corridor. « L'absence de commentaire traduit un certain embarras au Caire », observe le chercheur en relations internationales Nael Shama.

Afflux massif de réfugiés

« Même si les accords de paix de Camp David de 1979 ne sont plus strictement très respectés, il y a toujours un certain niveau de coordination entre les deux signataires, poursuit Nael Shama. Notamment depuis qu'Israël a laissé le Sinaï égyptien se remilitariser pour permettre aux forces armées égyptiennes de contrer une insurrection islamiste dans la péninsule après l'arrivée au pouvoir du président Sissi. » Or, selon deux sources officielles américaines au journal en ligne Axios, Tel-Aviv n'aurait pas suffisamment tenu Le Caire au courant de son opération militaire, ce qui a « énormément énervé » les Égyptiens.

Traditionnel médiateur entre les différentes factions palestiniennes et Tel-Aviv, l'Égypte craint un afflux massif de réfugiés de Gaza dans la péninsule du Sinaï. Depuis sept mois, la diplomatie égyptienne, avec l'appui du Qatar, s'accroche aux pourparlers pour obtenir un arrêt des hostilités et la libération de 128 otages israéliens.

Plus de 110 000 Gazaouis ont déjà évacué Rafah

Mais les négociations piétinent. Les représentants du Hamas et d'Israël ont d'ailleurs de nouveau quitté Le Caire les mains vides cette semaine. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a montré vendredi des signes d'agacement, appelant les deux parties à faire preuve de « flexibilité » pour parvenir à un accord « dans les plus brefs délais ». « Mais de quels leviers dispose véritablement l'Égypte pour stopper Israël ? » s'interroge Nael Shama. L'Égypte reçoit chaque année 1,37 milliard de dollars d'aide des États-Unis, dans le cadre des accords de Camp David et dépend d'Israël pour ses achats de gaz alors que ses propres ressources s'épuisent.

Pendant ce temps, l'armée israélienne poursuit son « opération antiterroriste de précision », selon les termes de Tsahal, lancée mardi dans la ville de Rafah. Un appel à évacuer de nouveaux quartiers du centre de la ville a été lancé hier, après les quartiers situés à l'est. Devant l'intensité des frappes dans les quartiers ciblés et redoutant une offensive terrestre de grande ampleur, plus de 110 000 Gazaouis ont déjà pris la fuite, selon l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).

« Toute ma famille s'est enfuie vers Khan Younès où nous avons encore un appartement », raconte Chahed Safi. En contact régulier avec ses proches à Gaza, cette jeune femme et sa sœur ont réussi à entrer en Égypte en payant le prix fort à une agence de voyages proche des services de renseignement grâce à une campagne de crowdfunding à l'étranger. En moyenne 5 000 dollars pour un adulte. L'Égypte refuse d'ouvrir grand ses portes aux Gazaouis mais elle ferme les yeux sur ce juteux business.

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