François Hollande, maintenant ou jamais

L’ancien président sillonne la France en instillant l’idée d’un retour. Avec l’espoir que le résultat des européennes lui offre une revanche.
Au Festival du livre de Paris, en avril, à l’occasion de la sortie de son ouvrage « Leur Europe ».
Au Festival du livre de Paris, en avril, à l’occasion de la sortie de son ouvrage « Leur Europe ». (Crédits : © LTD / Bruno LEVY/Divergence)

Chaque fois, c'est le même rituel. Lorsque François Hollande quitte à l'aube son domicile du 20e arrondissement de Paris, sa voiture traverse la porte de Bagnolet pour s'engouffrer sur les autoroutes de France. L'ancien président sillonne depuis des semaines les collèges, lycées et universités pour y présenter son livre Leur Europe - Expliquée aux jeunes et aux moins jeunes. Ces visages juvéniles se souviennent à peine de lui à l'Élysée, il était le président de leur enfance.

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Ce jeudi 23 mai, il se rend dans le village de Fauquembergues, dans le Pas-de-Calais. Sous la pluie, toujours. Dans la cour du collège, François Hollande s'offre un bain de foule, enchaîne les selfies avec chacun des élèves, qui repartent en criant avant de poster illico la photo sur TikTok. Une collégienne n'en revient pas : « Il est trop gentil ! » En remontant trempé dans sa voiture, François Hollande glisse : « Quand je parle aux enfants, je m'adresse aussi à leurs parents. » Combien découvriront le soir même, dans le téléphone de leur progéniture, un selfie avec l'ancien président ? Bien sûr, cela ne traduit aucune forme d'adhésion politique, mais toutes ces photos distillées, toutes ces heures passées dans les classes de France, toutes ces mains serrées permettent à l'ancien chef de l'État de continuer à exister et de ne rien exclure pour la suite.

Une place à prendre en 2027

Cet après commencera le 9 juin. François Hollande ne prendra pas la parole le soir même des européennes, mais certainement les jours suivants. Si les résultats confirment les sondages, Raphaël Glucksmann pourrait arriver loin devant les Insoumis et les écologistes, ce qui façonnerait un nouveau rapport de force à gauche. Ce serait alors la revanche de tous ceux qui dénonçaient l'accord de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), de tous ceux qui attendaient patiemment la résurgence de la gauche social-démocrate, de tous ceux qui pensent que Jean-Luc Mélenchon est le problème de la gauche et non sa solution. François Hollande est de ceux-là.

Sept ans après avoir quitté le pouvoir, c'est un peu maintenant ou jamais pour l'ancien président socialiste. Entre les camps macroniste et mélenchoniste, il y aura une place à prendre en 2027, déserte à ce stade. « Pour la première fois, sa candidature est possible et souhaitable. Il est aujourd'hui au-dessus du lot, le plus expérimenté, le plus compétent, le plus talentueux. Il faut qu'il contribue à redresser le pays en commençant par la gauche », plaide son ancien conseiller en communication à l'Élysée Gaspard Gantzer. « Les électeurs de la gauche social-démocrate ne se sont pas évaporés. Et François Hollande, par ses réussites et parfois même par ses empêchements, amène de la profondeur dans ce que doit être un projet politique », considère le maire PS de Boulognesur-Mer, Frédéric Cuvillier. « Finalement, l'idée qu'avec François Hollande ça n'était pas si mal progresse lentement à gauche », estime aussi son ami Laurent Joffrin.

Au fil de ses déplacements, François Hollande entretient l'idée d'un retour sous couvert de blagues. À ces Français qui lui disent que « c'était quand même bien avec [lui] », il répond : « Je ne suis pas parti, c'est vous qui décidez. » À un collégien qui lui demande ce qu'il ferait s'il était président aujourd'hui : « Ne me demandez pas d'aller trop loin sinon je vais changer de rôle. » À des lycéens de Boulogne-sur-Mer : « Il n'est pas sûr que vous me revoyiez un jour. J'en serais vraiment fâché. Mais si vous le souhaitez, il existe des solutions. » Une stratégie du sous-entendu qu'un historique du PS résume ainsi : « Il reste une valeur refuge et cherche le "pourquoi pas". »

« Viens voir, il y a une belle vue. J'ai bien fait de changer finalement, non ? » a-t-il lancé à l'un de ses amis après avoir quitté l'Élysée. C'était en 2017, lorsque François Hollande s'était installé dans de vastes bureaux haussmanniens rue de Rivoli. C'est toujours ici, face au jardin des Tuileries, qu'il consulte le Tout-Paris. Y défilent des communicants comme Robert Zarader et Gaspard Gantzer, plusieurs de ses anciens ministres comme Audrey Azoulay, Stéphane Le Foll, Najat Vallaud-Belkacem, Matthias Fekl, ou encore l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve. « Il ne décourage personne pour que personne ne le décourage. Il a une intense activité de séduction sans créer d'opposition », résume un socialiste. Certains députés PS viennent aussi lui demander conseil, comme Arthur Delaporte, qui voulait avoir son éclairage sur la crise en Nouvelle-Calédonie. Mais le jeune trentenaire du Calvados est sceptique : « Il n'y a pas de désir de François Hollande sur les marchés. Les gens ne veulent pas un retour dans le passé. »

Je ne suis pas parti, c'est vous qui décidez

François Hollande

« En forme » et « épanoui »

Parmi les visiteurs réguliers de la rue de Rivoli, il y a aussi ceux qui décryptent l'opinion, comme le directeur général délégué d'Ipsos, Brice Teinturier. Le sondeur peut tout dire à l'ancien président sans que ce dernier n'y mette de la vanité. Oui, sa cote de popularité monte incontestablement jusqu'à faire de lui, cet hiver, la deuxième personnalité politique préférée des Français et la première à gauche. Mais cela ne traduit pas forcément une adhésion des Français.

François Hollande

En visite fin mai au collège Monsigny de Fauquembergues (Pas-de-Calais).© LTD / Bruno LEVY/Divergence

De l'avis de tous ses interlocuteurs, François Hollande est « en forme » et « épanoui », il fait ce qu'il veut quand il veut, sans protocole à l'exception d'un garde du corps, et en totale liberté. Il n'est plus affilié à personne d'autre que lui-même. Celui qui a été dix ans à la tête du PS a passé l'âge de structurer toute forme d'organisation. Son dessin à lui est plus impressionniste. Il voit trois étapes nécessaires pour préparer 2027 : une clarification de la ligne du PS à l'automne à travers un nouveau congrès, un appel au rassemblement de toutes les forces de gauche et des partis satellites, comme les radicaux de gauche ou les proches de Bernard Cazeneuve, puis un rassemblement bien plus large des Français autour de cette sensibilité social-démocrate.

Un scénario qui imposerait donc d'éjecter de son siège le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, l'un des principaux artisans de la Nupes. Les Insoumis, c'est le nœud du problème entre les deux hommes, qui n'ont plus échangé depuis l'été dernier. Le patron du parti veut favoriser une candidature qui rassemblerait socialistes, écologistes et Insoumis quand l'ancien président y voit une limite infranchissable. « Les Français de gauche ne veulent pas d'une candidature unique mais d'une candidature gagnante », répète-t-il. D'ailleurs, lui-même n'a-t-il pas accédé à l'Élysée alors que Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly étaient candidats ?

Il reste une valeur refuge et cherche le « pourquoi pas »

Un historique du PS

Un ancien président « normal » sur TikTok

« Demain, tu vas au 20 Heures et tu dis que tu es candidat. » Il y a deux ans, un trou de souris s'était dessiné à quelques jours de la présidentielle. Face au marasme annoncé d'Anne Hidalgo, ils avaient été plusieurs à le pousser à se présenter au débotté : Julien Dray était le plus convaincu d'entre eux. Mais les membres les plus rationnels de son équipe avaient temporisé, on ne se présente pas à l'élection présidentielle à l'improviste. L'ancien « Monsieur 3 % » du PS le sait mieux que personne.

Pour l'instant, il est trop tôt pour agir. À 69 ans, l'ancien président n'ira pas s'abîmer dans la folie présidentielle si ses chances de succès ne sont pas sérieuses. « C'est quelqu'un d'extrêmement lucide et rationnel. Il connaît très bien les limites d'une situation, résume l'un de ses interlocuteurs. Mais c'est aussi un homme qui croit aux circonstances. » À un vieux compagnon de route socialiste, l'intéressé a glissé, il y a quelques semaines : « Soit la situation m'impose, soit il faut imposer une situation pour un candidat. »

Dans cette équation, les inconnues sont encore tellement nombreuses. Si Raphaël Glucksmann réalise une très bonne performance, développera-t-il des ambitions pour 2027 ? Que fera le si mystérieux Bernard Cazeneuve ? Édouard Philippe représentera-t-il le camp macroniste ? La gauche radicale choisira-t-elle Jean-Luc Mélenchon ou François Ruffin ? Et surtout, jusqu'où ira l'inexorable ascension de Marine Le Pen ? « Le seul élément qui, à gauche, devrait nous mobiliser, et moi le premier, prévient-il, c'est d'imaginer ce que l'on dirait de nous dans trois ans si Marine Le Pen arrivait au pouvoir. »

S'il s'est lancé sur TikTok, c'est pour ne pas laisser le champ libre aux extrêmes, là où Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon sont les deux personnalités politiques françaises les plus suivies derrière Emmanuel Macron. Il a dû se faire un peu violence pour s'approprier les codes des réseaux sociaux, qui récompensent toujours mieux ceux qui y dévoilent une part de leur intimité. Sa vidéo « Un jour avec moi » le montrant chez lui en train de se faire un café a récolté 3 millions de vues. Celle où il se balade au Printemps de Bourges avec Julie Gayet et sa chienne Philae, 5,9 millions de vues. La vie d'un « ancien président normal », comme il le dit lui-même, cette même normalité qui l'avait tant desservi durant l'exercice de son mandat.

Mais pour une partie de la gauche, l'ancien président est un repoussoir, celui qui a porté la déchéance de nationalité et la loi El Khomri. Les Insoumis ont même fait de lui l'un des principaux angles d'attaque contre Raphaël Glucksmann, qui a pris ses distances avec l'ancien président. S'il s'affiche avec les éléphants socialistes comme Lionel Jospin ou Martine Aubry, le candidat n'a pas choisi François Hollande dans son casting. Chez les écologistes aussi, il est radioactif. Le seul fait qu'il ait petit-déjeuné avec la patronne du parti, Marine Tondelier, a obligé cette dernière à se justifier après un appel de militants Verts lui reprochant sa rencontre avec celui qui « a mené une politique sociale libérale à l'opposé des attentes du peuple de gauche ».

Un livre pour septembre

Contrairement à son ennemi historique Nicolas Sarkozy, l'ancien chef de l'État n'a pas raréfié sa parole. Des tribunes dans la presse, des interviews télé ou radio, des formules assassines lâchées çà et là contre Emmanuel Macron ou Jean-Luc Mélenchon, des livres publiés chaque année... Son prochain ouvrage, qui paraîtra en septembre chez Perrin, sera consacré à l'histoire de la gauche française jusqu'à la fin de son mandat à l'Élysée. Il l'écrit seul et... à la main.

En novembre 2021, François Hollande admettait n'avoir jamais vraiment réussi à se débarrasser de la tentation élyséenne : « Cette envie-là a pu exister, elle existera toujours. » Depuis, il se montre plus prudent quand on lui pose cette même question : « J'ai fait ce que j'avais à faire, j'ai exercé une fonction exceptionnelle au nom des Français, je ne serai jamais frustré de rien. » Les tentatives de retour des anciens présidents n'ont jamais réussi. Lui a, toutefois, cette particularité de ne pas être parti sur un échec, mais sur un renoncement. C'était d'ailleurs devenu son plus grand regret que d'avoir choisi trop tôt de ne pas se représenter, en décembre 2016, lorsqu'il était écrit que François Fillon serait le prochain président de la République. Aujourd'hui, il voit les choses différemment : « Ce qu'on croit sur le moment être une décision difficile peut se révéler, plusieurs années après, être un choix qui retrouve un sens et même une portée. » Après tout, puisque les Français n'ont jamais eu l'occasion de lui dire qu'ils ne voulaient plus de lui, le doute est permis. Et l'espoir aussi.

Commentaires 10
à écrit le 08/06/2024 à 9:39
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Il avait pour lui d’être honnête. Quand des gens comme les frondeurs ou LFI sont butés au point de faire passer pour une trahison la prise en compte du basculement à droite de la population et la nécessité d’être réaliste au niveau du budget, le r...

à écrit le 04/06/2024 à 22:36
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Hollande est l'homme du passé et du passif. L'homme de toutes les trahisons : trahison des Français, trahison de ses électeurs, trahison de ceux qui l'ont porté. De son quinquennat, il ne restera rien, si ce n'est des regrets, de la honte et de la co...

le 05/06/2024 à 18:51
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Comme Chirac,Sarkozy et le pire de tous Macron réélu par l'abstinence de ceux qui manifestaient contre lui aux 2 quinquennats et durant Macron ministre de Hollande... Drôle de français...

à écrit le 04/06/2024 à 12:11
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Le problème pour Hollande, c’est qu’il n’a pas grand chose à proposer sinon tenter de prendre une revanche personnelle sur le destin capté en 2016-2017 par le jeune Macron qui l’a empêché de se représenter……..

à écrit le 02/06/2024 à 16:43
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Ah non pas lui , on a vu ce que çà donnait, rien de bon !

le 02/06/2024 à 18:09
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Il est vrai qu'avoir réussi à baisser le déficit dans une période de faible croissance et de faible inflation est un échec, par rapport aux brillants résultats de M. MACRON. Il y a eu aussi une baisse du déficit commercial et de du chômage, malgré l...

à écrit le 02/06/2024 à 12:52
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Il n'a même pas été en mesure de se présenter à l'élection pour un second mandat et il espère encore revenir ? Après nous avoir laissé en héritage son conseiller économique qu'il a promu ministre et qui l'a finalement trahi ? Il a sans doute besoin d...

le 02/06/2024 à 13:15
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lui devrait etre juge car toute ces promesses de campagne sa théorie est bien de gauche mais une fois au pouvoir non seulement c(est tout le contraire qu'il realise mais en plus avec une caste de promotion aucun esprit de démocratie tout est hyper...

à écrit le 02/06/2024 à 8:56
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C est une année de pluie ! Qui fait son retour . Donc comme le chiendent il espère revenir à la faveur d un orage . Mais le soleil va vite le griller … Un sans dents

à écrit le 02/06/2024 à 8:40
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Bonjour, monsieur mobylette espère un retour en politique... Bien ils faut dire que les français sont tellement désespéré... Bon , ils faut dire que nous sommes tellement déçu du président en place , de sont gouvernement... Honte a tous ces gens ....

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