![Deuxième confrontation entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le 20 avril 2022.](https://static.latribune.fr/full_width/2371045/macron-le-pen.jpg)
Pour l'instant, rien n'est tranché, mais c'est une tentation qui existe chez Emmanuel Macron. Dans le cadre de la campagne des européennes du 9 juin, le chef de l'État se pose la question de débattre avec Marine Le Pen.
« Cela mettra la pression sur Marine Le Pen »
Cela fait maintenant plusieurs semaines que l'idée trotte dans la tête du président. À la fin de cet hiver, discutant avec quelques proches de la stratégie de la majorité en vue de ce scrutin, il l'évoque comme une possibilité. Le 30 avril, à l'occasion du dîner organisé en petit comité à l'Élysée à l'issue de la remise de la Légion d'honneur à Pierre Charon, ancien sénateur LR parisien qu'il apprécie beaucoup (voir La Tribune Dimanche du 5 mai), le sujet s'invite spontanément dans la discussion. Le président interroge Franck Louvrier, qui fut pendant quinze ans l'indispensable conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, sur les initiatives qu'il devrait prendre selon lui après le 9 juin. Celui qui est aujourd'hui maire LR de La Baule lui répond que ce qui compte en premier lieu, c'est ce qui se passera avant. Il recommande donc à Emmanuel Macron de s'investir à fond dans la campagne, comme Nicolas Sarkozy l'avait fait en 2009, avec le succès que l'on sait (la liste de son camp avait fini largement en tête avec 27,9 %).
Dans cet objectif, Franck Louvrier lui recommande même de faire un débat contre Marine Le Pen. « J'y pense », lui répond justement Emmanuel Macron. « Annoncez-le tôt ! plaide l'ancien bras droit sarkozyste. Toute la campagne se focalisera sur cet événement. Cela mettra la pression sur Marine Le Pen. » Et pour tenter de le convaincre, il lui rappelle un précédent : le débat entre François Mitterrand et Philippe Séguin, le 3 septembre 1992, à la Sorbonne, à la veille du référendum sur le traité de Maastricht. « Rappelez-vous, cela s'était terminé à quelques points... », argue-t-il.
Un quart de siècle plus tard, le chef de l'État pourrait-il débattre sur le sujet européen avec la leader du premier parti d'opposition ? « Ça flotte dans l'air, affirme un de ses interlocuteurs réguliers, mais ça n'a jamais fait l'objet d'une discussion structurée. Face à cette hypothèse, Emmanuel Macron n'a pas dit "jamais de la vie". Il laisse tout ouvert. » Aujourd'hui, l'engagement du chef de l'État dans la campagne est acté. « Je m'impliquerai, déclarait-il à La Tribune Dimanche la semaine passée. Je ne peux pas vous dire que ces élections sont essentielles et ne pas m'impliquer pour soutenir la liste qui défend l'Europe. » En revanche, la forme n'a pas été arrêtée. Le président participera-t-il au dernier meeting de Valérie Hayer, la tête de liste qu'il a choisie ? Adressera-t-il une « lettre aux Français » ? Proposera-t-il à Marine Le Pen de débattre ?
À chaque fois, il l'avait dominée
Cette dernière option serait la plus spectaculaire. Pour lui, elle représente le risque maximal. Mais l'enjeu ne le justifie-t-il pas ? « Puisque le chef de l'État a dit que l'Europe était mortelle, ça peut avoir du sens », avance un membre de l'équipe de campagne. Stratégiquement, cela n'en vaut-il pas également la peine ? Ces élections détermineront le fond du décor sur lequel Emmanuel Macron jouera la fin de son quinquennat. Un mauvais score de la liste de la majorité présidentielle rognerait ses marges de manœuvre et accélérerait l'impression de fin de règne.
Un triomphe du RN l'affaiblirait sur la scène européenne. Alors que Raphaël Glucksmann se veut une offre alternative pour les proeuropéens, un duel avec Marine Le Pen ne recentrerait-il pas le match ? Et puis, le locataire de l'Élysée a déjà affronté celle-ci lors des débats d'entre-deux-tours de 2017 et 2022. À chaque fois, il l'avait dominée. « Si une telle invitation lui était lancée, Marine Le Pen devrait l'accepter pour une raison simple : elle doit obligatoirement s'impliquer pour démontrer que le succès attendu du RN ne sera pas à mettre au seul crédit de Jordan Bardella. Sinon c'est le début de la fin», anticipe un stratège macroniste.
Ces dernières semaines, à chacune de ses prises de parole, le chef de l'État a déjà concentré ses attaques sur le Rassemblement national. Hier, dans une vidéo diffusée sur X, il a de nouveau dénoncé « une forme d'hypocrisie et de projet caché » des partis d'extrême droite qui « avancent masqués ». En coulisses, il a beaucoup incité Gabriel Attal à débattre avec Jordan Bardella (leur confrontation aura lieu le 23 mai sur le plateau de France 2). Deux des principaux conseillers de son cabinet ont aussi coaché Valérie Hayer en amont de son face-à-face avec la tête de liste du Rassemblement national, le 2 mai, sur BFMTV : Jonathan Guémas, qui gère la communication et la stratégie, et Bruno Roger-Petit, chargé de la mémoire. Avant le 9 juin, Emmanuel Macron se pliera-t-il lui-même à pareil exercice ?