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L'ultimatum tient toujours. D'ici au 29 mai, les députés du Rassemblement national déposeront une motion de censure spontanée contre le gouvernement. Il y a près de trois semaines, au pic des querelles autour du creusement des déficits, le parti de Marine Le Pen enjoignait à Gabriel Attal de soumettre une loi de finances rectificative au Parlement. Faute de quoi ses troupes déclencheraient l'article 49.2 de notre Constitution. La manœuvre n'a aucune chance d'aboutir. La direction du RN sait qu'elle ne réunira pas 289 voix, seuil de la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Son texte ne sera jamais soutenu par la gauche, sauf circonstances exceptionnelles. Du côté droit, le gros des 61 députés
Les Républicains ne prendra pas le risque, à quelques jours des élections européennes, de faire chuter le Premier ministre et d'épaissir le brouillard politique. Ça tombe bien : dès le départ, l'idée de Marine Le Pen et de son entourage était de déstabiliser LR. « Il faut s'attaquer à leur crédibilité et s'adresser aux électeurs sensibles à leur discours habituel sur la maîtrise des finances publiques », résume Jean- Philippe Tanguy, député de la Somme et numéro deux frontiste au Palais-Bourbon. Le mouvement conduit par Jordan Bardella, tête de liste donnée à plus de 30 % au scrutin du 9 juin, espère piquer encore quelques voix à François-Xavier Bellamy, crédité de 7,5 % dans notre dernier sondage Elabe.
« On va contraindre les uns et les autres à montrer s'ils sont ou non dans l'opposition, savoure Renaud Labaye, secrétaire général du groupe RN. Ça peut pénaliser la liste LR dans la dernière ligne droite. » Qu'importe l'épaisseur de la ficelle. Toutes les occasions sont bonnes pour accentuer la banalisation du Rassemblement national, dont la patronne s'échine à montrer récemment par une tribune dans Les Échos - son attachement à la saine gestion de nos comptes publics. Il se trouve que la droite a elle-même entrouvert une brèche. D'abord très virulente vis-à-vis de la Macronie sur le sujet, elle a brandi dès février sa propre menace de dépôt d'une motion de censure.
Il y a les habituels durs...
Le parti d'Éric Ciotti a depuis rectifié le tir, affirmant vouloir se concentrer sur le marathon budgétaire de l'automne. Ce vendredi dans L'Opinion, le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, a tenté un entre-deux. D'un côté, il invite l'exécutif à ouvrir scénario improbable - des discussions autour d'un budget rectificatif ; de l'autre, il dénonce la « démarche politicienne » de ses adversaires lepénistes. Cette posture ne convainc pas la totalité de son groupe, difficile à gérer. Une poignée de membres risquent de franchir le pas. Il y a les habituels durs, comme Pierre Cordier, Maxime Minot et Fabien Di Filippo, mais aussi Pierre-Henri Dumont, Raphaël Schellenberger... et d'autres ? « On n'espère pas que la motion soit adoptée mais plutôt que quelques-uns en aient ras le bol, glisse un proche de Marine Le Pen.
Du genre, un ou deux LR de circonscriptions rurales où le RN est à 40 % et qui la votent pour se mettre à l'abri chez eux. » Le texte de la motion sera rédigé sous l'œil de Renaud Labaye et de son collaborateur à la commission des finances, Matthias Renault, avec l'appui de Jean-Philippe Tanguy. Il visera à être consensuel, se focalisant sur l'équilibre des comptes et la « purge » comprendre, une hausse des impôts qui guetterait les Français après le 9 juin. Un pilier du groupe Les Républicains la joue zen : « Chacun parle à son électorat. Le nôtre ne nous demande rien tant que le gouvernement n'a pas mis en œuvre de mesure fiscale. » Autant voir le verre à moitié plein.