Venezuela : Nicolás Maduro, le fossoyeur des illusions

En réprimant l’opposition qui conteste sa réélection, le président, pourrait encore gagner la partie. Récit d’une semaine où les rêves de changement se sont envolés.
Nicolas Maduro lors d’une conférence de presse à Caracas, le 31 juillet 2024.
Nicolas Maduro lors d’une conférence de presse à Caracas, le 31 juillet 2024. (Crédits : © LTD / Leonardo Fernandez Viloria/REUTERS)

L'annonce a eu l'effet d'un coup de massue. Il est minuit passé de dix minutes ce lundi 29 juillet et, au quartier général de l'opposition, sur les hauteurs bourgeoises de Caracas, le rêve de changement vient de virer au cauchemar. Les chiffres officiels l'affirment : Nicolás Maduro remporte le scrutin présidentiel qui vient de se dérouler, avec 51,2% des voix. « C'est une fraude qui dure depuis vingt-cinq ans ! éructe María Ángeles Mijales, éducatrice de 66 ans. Ça fait des semaines que l'on sait qu'Edmundo va gagner, mais on savait aussi que le pouvoir n'allait pas le reconnaître. »

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Edmundo, c'est Edmundo González Urrutia, le candidat de l'opposition. Le seul nom qui, quelques heures plus tôt, était soufflé par les électeurs qui patientaient devant les bureaux de vote. Partout, des quartiers chics de Chacao aux collines excentrées de La Vega, c'était « Todo el mundo con Edmundo ! » comme le scandait Ana, une retraitée du quartier 23 de Enero, qui fut autrefois un fief du chavisme.

Mais voilà. Le Conseil national électoral, à la botte du régime, indique l'inverse. Évidemment, l'opposition crie à la fraude.

La nuit passe, pleine de questions. Comment réagir ? Descendre dans la rue ? Refaire ce qui n'a pas marché en 2017 ni en 2019 ? Lundi, à Caracas, ce sont d'abord de simples concerts de casseroles qui brisent le silence du petit matin. Nicolás Maduro les ignore. Le chef de l'État socialiste exécute son plan. Il est d'abord proclamé président pour un troisième mandat consécutif. Puis, à la télévision, il affirme qu'un coup d'État menace le Venezuela. Il prépare les esprits à la répression.

Cela n'empêche pas des cohortes de motos de descendre spontanément des barrios. Impossible de laisser Maduro s'en tirer comme ça. Sur la place Altamira de Chacao, au centre de la capitale, un homme, en équilibre précaire sur son engin, hurle au milieu des pétarades : « Nous savons qu'Edmundo a gagné ! Nous savons que c'est une fraude ! » La police les attend. Premiers tirs de grenades lacrymogènes. Premiers affrontements. Premier mort, dans une ville de province.

Le lendemain, Maria Corina Machado, l'autre leader de l'opposition, convoque une manifestation. Son camp, dit-elle, a amassé 80% des procès-verbaux électoraux et les a mis en ligne. Edmundo González Urrutia l'emporte avec 67% des suffrages. Des milliers de ses partisans prennent le chemin du centre-ville. Le cortège est vite arrêté par les forces de l'ordre, qui ont sorti les blindés. Nouveaux heurts. Le régime ne tombera pas ce mardi.

Personne n'ose sortir

Le doute commence à s'installer chez les opposants. « En 2014 et 2017, des manifestants sont morts et cela n'a rien changé, soupire Beatriz, une étudiante de 22 ans. Ce gouvernement s'en fiche de tuer. » Elle ne croit pas en une radicalisation de la protestation. D'ailleurs, les deux jours qui suivent lui donnent raison. Personne n'ose sortir. Mais tout le monde s'attend au pire. Dans le centre de Caracas, beaucoup de rideaux de fer restent baissés. Nicolás Maduro, lui, truste la télévision. Armé de la Constitution ou de la Bible, il dénonce, à nouveau et dans des discours sans fin, une tentative de « coup d'État fasciste ». Il promet des sanctions exemplaires contre des manifestants « armés et drogués » et les dirigeants de l'opposition.

La peur gagne les quartiers populaires. À Petare, le plus grand bidonville de la capitale, les leaders communautaires préviennent que les colectivos, les milices armées prorégime, sont là. Elles bloquent certains accès, confisquent les clés des véhicules. « Ici, personne ne sort, confie un responsable du quartier. Ils font des rondes et imposent un couvre-feu. » Dans une tribune parue dans le Wall Street Journal, Maria Corina Machado affirme être contrainte de « se cacher » et « craindre pour [sa] vie ». Vendredi, le siège de l'opposition est saccagé. Le bilan de ce qui n'est pas encore une révolte est déjà lourd : au moins 11 victimes et des centaines d'arrestations, assurent les ONG.

Nous savons qu'Edmundo a gagné ! Nous savons que c'est une fraude !

Un manifestant

Vendredi soir, l'héritier de Hugo Chávez revient à la télévision. Le même discours, jusqu'à la nausée. Le coup d'État « préparé par les Américains », l'opposition qui fomenterait « des attentats ». Il sait que les prochaines heures vont être décisives. La pression de la communauté internationale se fait plus forte : une demi-douzaine de pays latino-américains ont reconnu González Urrutia comme le seul président élu. L'opposition prépare pour ce samedi des grandes manifestations.

Elles ont eu lieu. Et, comme attendu, elles ont été réprimées, durement. Suffisamment pour que Tomas, 21 ans, ne croie plus à un renoncement de Maduro. Alors, il envisage un départ vers l'Espagne, où il a de la famille. José Luiz lui aussi pense à l'exil. « J'avais pourtant tellement envie d'un changement », regrette le livreur de 35 ans. Depuis dix ans, 7,5 millions de Vénézuéliens ont déjà quitté le pays pour fuir la misère. Juste avant l'élection, un sondage expliquait qu'un quart de la population se disait prête à partir en cas de victoire de Maduro.

Commentaires 5
à écrit le 06/08/2024 à 8:27
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Ridicule.

à écrit le 04/08/2024 à 14:11
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"Juste avant l'election, un sondage expliquait qu'un quart de la population se disait prete a partir en cas de victoire de Maduro." Ce qui laisse les 3/4 pour régler le compte de Maduro...

à écrit le 04/08/2024 à 9:11
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C est un grand democrate, donc de gauche, respzctueux des regles et du vivre ensemble, comme ses amis Melenchon Kim Jun Un, et Ceaucescu le tolerant... il ny a plus dinegalites au Venezuela, juste des pauvres a moins de 2 euros par jour, et pas de u...

le 05/08/2024 à 12:51
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C'est bien d'avoir des phantasmes sans arrêt. Il parait que c'est bon pour la santé. Néanmoins, ce type de raisonnement (si on peut appeler cela un raisonnement) montre beaucoup plus la médiocrité intellectuelle d'une certaine partie de la populatio...

à écrit le 04/08/2024 à 9:00
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Meme si Maduro n'est pas legitime, il n'est pas certain que l'election d'Edmundo soit meilleure pour le pays

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