[Article publié le lundi 29 juillet à 8h20, mis à jour à 20h48] Pas de changement au Venezuela. Le président sortant, Nicolas Maduro, a été officiellement proclamé président élu, ce lundi, par le Conseil national électoral (CNE). L'héritier de l'ancien président, Hugo Chavez (1999-2013), a obtenu 51,20% des suffrages avec 5,15 millions de voix, devant le candidat de l'opposition Edmundo Gonzalez Urrutia, avec un peu moins de 4,5 millions (44,2%), selon les chiffres officiels annoncés par le président du CNE, Elvis Amoroso, après le dépouillement de 80% des bulletins et une participation de 59%. Le résultat est « irréversible », a-t-il déclaré.
Salué par un petit feu d'artifice, Nicolas Maduro est sorti, dimanche, sur une scène au palais présidentiel de Caracas pour fêter sa victoire avec ses partisans chantant « Vamos Nico ». Il a notamment promis « paix, stabilité et justice ».
Il s'agit donc d'un troisième mandat pour ce dernier. En le désignant en 2012 comme son héritier, un an avant sa mort, Hugo Chavez avait loué « l'un des jeunes dirigeants ayant les meilleures capacités » pour prendre la tête du pays. Il a su s'imposer face à ses rivaux au sein du Parti socialiste unifié (PSUV) dont il est le président, manœuvrer face aux manifestations monstres - durement réprimées -, qui ont suivi son élection contestée de 2018 boycottée par l'opposition. Il est notamment accusé de faire emprisonner opposants et activistes en contrôlant la police et la justice.
Contestations de l'opposition...
Pour cette nouvelle élection, malgré des sondages donnant largement vainqueur le candidat Emundo Gonzalez Urrutia, Nicolas Maduro, qui s'appuie sur l'appareil militaire, s'est toujours montré sûr de sa victoire malgré une crise économique sans précédent.
« Nous avons gagné (avec) 70% des voix », « le Venezuela a un nouveau président élu et c'est Edmundo Gonzalez Urrutia », a affirmé lors d'un déclaration à la presse à Caracas la cheffe de l'opposition, Maria Corina Machado, refusant de reconnaître les résultats proclamés la par le CNE. « Il ne s'agit pas d'une fraude de plus mais d'une méconnaissance et de la violation grossière de la volonté populaire », a-t-elle ajouté. « Nous savons tous ce qui s'est passé aujourd'hui ». « Notre combat continue, nous ne nous reposerons pas tant que la volonté du peuple vénézuélien ne sera pas reflétée », a déclaré Emundo Gonzalez Urrutia, ajoutant qu'il n'y avait pas d'appel à manifester.
Peu avant minuit dimanche, Omar Barboza, un leader de l'opposition, s'est insurgé contre un éventuel « faux-pas », lui demandant de respecter le résultat « au nom de la paix ».
Et la veille, la cheffe de l'opposition vénézuélienne, Maria Corina Machado, avait appelé ses compatriotes à rester dans les centres de vote pour surveiller le dépouillement de la présidentielle, dans une déclaration publique depuis son quartier général de campagne à Caracas. « Nous voulons demander à tous les Vénézuéliens de rester dans leur bureau de vote, d'être là pour surveiller. Nous nous sommes battus toutes ces années pour ce jour, ce sont les minutes cruciales », avait-elle lancé, aux côtés du candidat Edmundo Gonzalez Urrutia.
... et des responsables politiques étrangers
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a également exprimé, ce lundi, de « sérieux doutes » quant à l'exactitude des résultats de l'élection présidentielle au Venezuela, où le président sortant Nicolas Maduro a été déclaré vainqueur.
« Nous craignons sérieusement que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien », a ajouté Antony Blinken lors d'une conférence de presse au Japon. De son côté, la vice-présidente et candidate à l'élection présidentielle américaine Kamala Harris a, elle, déclaré sur X : « La volonté du peuple vénézuélien doit être respectée ».
En Europe, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a réclamé une « transparence totale dans le processus électoral » au Venezuela après la proclamation de la victoire de Nicolas Maduro, contestée par l'opposition.
De son côté, le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani a exprimé ce lundi sa « perplexité » sur le déroulement « régulier » de l'élection présidentielle au Venezuela après la proclamation de la victoire de Nicolas Maduro, contestée par l'opposition et a demandé l'accès aux documents. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Albares, a lui aussi appelé ce lundi le Venezuela à garantir la « transparence totale » dans le décompte des voix après la réélection controversée du président Nicolas Maduro.
Les voisins du Venezuela demandent des garanties de transparence
Enfin, nombre de pays d'Amérique du Sud ont aussi critiqué le vote.
« Le régime de Maduro doit comprendre que les résultats qu'il publie sont difficiles à croire », a réagi le président du Chili, Gabriel Boric sur le réseau social X, affirmant que « le Chili ne reconnaîtra aucun résultat qui ne soit pas vérifiable ». Le Costa Rica a aussi affirmé qu'il « rejette » l'annonce de victoire « frauduleuse » de Maduro, tout comme la Colombie qui a appelé ce lundi à un décompte total des votes et à un « audit indépendant ».
Plus tôt dans la matinée, les ministres des Affaires étrangères de sept pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Equateur, Panama, Paraguay, Pérou, Uruguay) ont considéré « indispensable d'avoir des garanties que les résultats électoraux respectent pleinement la volonté populaire ». Le texte, publié par le ministère panaméen sur son compte X, précise que ces garanties sont un « décompte transparent des voix » ainsi qu'une « vérification et un contrôle » de tous les candidats par des « observateurs et des délégués ».
De son côté, l'ONU a également demandé au Venezuela une transparence totale sur l'élection présidentielle.
D'autres pays approuvent l'élection
Mais Caracas a refusé ou bloqué à la dernière minute de nombreux observateurs internationaux, dont quatre ex-présidents d'Amérique latine dont l'avion a été retenu au Panama vendredi, en plus d'avoir retiré en mai son invitation à l'Union européenne. De plus, pendant la campagne, Nicolas Maduro a évoqué un possible « bain de sang dans une guerre civile fratricide provoquée par les fascistes », s'il n'était pas réélu. « On tente d'imposer un coup d'État fasciste et contre-révolutionnaire au Venezuela », a-t-il affirmé.
A l'inverse de toutes ces contestations, le président russe Vladimir Poutine a félicité Maduro et se dit « prêt » à un « travail constructif », tout comme Pékin. « La Chine félicite le Venezuela pour le bon déroulement de son élection présidentielle et félicite le président Maduro pour sa réélection », a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Lin Jian, ce lundi. Le président au pouvoir a aussi reçu le soutien de ses alliés habituels : Cuba, le Nicaragua, le Honduras et la Bolivie, mais aussi du Mexique. Le président mexicain, Andrés Manuel Lopez Obrador, a déclaré, ce lundi, que son gouvernement reconnaîtra le résultat final proclamé par l'autorité électorale du Venezuela.
De son côté, l'ONU a également demandé au Venezuela une transparence totale sur l'élection présidentielle.
Un pays en crise
Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d'Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise économique et sociale sans précédent : effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif totalement délabrés...
Plus de 7 millions de Vénézuéliens, selon les estimations de l'ONU, ont fui la crise politique et économique du pays. Beaucoup sont passés par le Tachira pour rejoindre la Colombie et entament le difficile voyage vers le Nord traversant notamment la jungle du Darien avant de rejoindre les Etats-Unis. Et la réélection de Maduro provoquerait une nouvelle vague de départs selon de nombreux observateurs. Les Etats-Unis avaient déjà durci leurs sanctions pour tenter d'évincer Nicolas Maduro après sa réélection contestée de 2018.
(Avec AFP)