Venezuela : à Caracas, blessures et espoirs des familles séparées

Le retour des Vénézuéliens exilés est l’un des enjeux de l’élection présidentielle qui se déroule aujourd’hui.
Rassemblement de soutien à l’opposante María Corina Machado, à Caracas, le 21 juillet.
Rassemblement de soutien à l’opposante María Corina Machado, à Caracas, le 21 juillet. (Crédits : © LTD / Henry Chirinos/EFE via MaxPPP)

Tamara Almeida ne parvient pas à retenir ses larmes. Assise dans l'air frais de la petite salle communautaire du barrio San Blas de Petare, cette ancienne chaviste convaincue souhaite une chose plus que tout autre : « J'aimerais que mes proches reviennent vivre à mes côtés, pouvoir les embrasser. Mais pour ça, il faut que la situation économique s'améliore ici. »

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Comme la plupart des foyers de Petare, labyrinthique quartier populaire niché sur les collines qui bordent l'est de Caracas, la quinquagénaire compte plusieurs membres de sa famille vivant à l'étranger. « Mon frère vit au Chili depuis sept ans, ma nièce et ma petite-fille de 12 ans ont traversé la jungle du Darién [entre la Colombie et le Panama] pour rejoindre les États-Unis », raconte l'éducatrice, les yeux voilés par la tristesse.

Perte de 80 % du PIB en une décennie

Alors que les électeurs vénézuéliens votent aujourd'hui pour élire leur président, l'opposition à Nicolás Maduro, rangée derrière l'ancien diplomate Edmundo González Urrutia, a fait de la réunification familiale l'axe fort de sa campagne, au même titre que le redressement économique du pays. En dix ans, environ 7,7 millions de Vénézuéliens, soit près d'un quart de la population, ont choisi le chemin de l'exil selon la plateforme de coordination pour les réfugiés vénézuéliens (R4V). Comme la majorité d'entre eux, les proches de Tamara Almeida ne sont pas partis par choix mais « par obligation » : « Mon frère ne trouvait pas de travail ici. S'il avait pu, il serait resté. »

Le Venezuela a perdu près de 80 % de son PIB en une décennie, et dans l'inextricable enchevêtrement de baraques de briques et de tôles de Petare, localité déjà largement oubliée des pouvoirs publics, l'effondrement économique s'est fait particulièrement ressentir. Les coupures d'électricité sont quotidiennes ; l'eau ne coule du robinet que deux ou trois jours par semaine. Les revenus sont dérisoires comparés aux prix des produits de base. « Le gouvernement nous donne 130 bolivars de retraite par mois, c'est-à-dire environ 3 dollars, s'indigne Yelitza Rodríguez, tee-shirt de l'opposition sur le dos. Que voulez-vous que je fasse avec ça ?

Comment puis-je payer les médicaments alors que je peux à peine acheter un poulet avec cet argent ? » À quelques jours des élections, la grand-mère est venue assister à une réunion politique sur la petite place bétonnée du secteur Campito.

Aide financière pour les revenants

Yelitza Rodríguez vit de l'argent que lui envoient son gendre, parti aux États-Unis, et sa fille, installée au Mexique. Sans solution face à cette interminable crise économique, les émigrants laissent derrière eux des familles déchirées. D'incurables blessures dont le gouvernement est rendu responsable par les habitants de Petare. « Les coupables, ce sont ceux qui nous gouvernent, car ce sont eux qui sont à l'origine de la crise économique », tonne l'ancienne chaviste, Tamara Almeida.

Sur la place du Campito, la réunion politique prend fin. La trentaine de participants débranchent les enceintes et rangent les chaises en plastique chauffées par le soleil de la mi-journée. Yelitza Rodríguez sort galvanisée des débats. Son vote ira pour le discret Edmundo González Urrutia qui remplace la très populaire María Corina Machado, empêchée par la justice de se présenter à la présidentielle. « Dans les prochains mois, nous vivrons dans le Venezuela des retrouvailles », veut croire la militante.

À l'occasion d'une prière collective organisée le 21 juillet dans un parc du centre de Caracas, María Corina Machado a abordé le sujet face à ses sympathisants qui brandissaient des cierges : « Notre mouvement est rempli d'énergies positives. Il ne s'agit ni de vengeance ni de rancœur. Notre objectif, c'est de faire revenir nos enfants. »

Les coupables sont ceux qui nous gouvernent, car ils sont à l'origine de la crise économique

Tamara Almeida, ancienne chaviste

En face, le camp présidentiel ne souhaite pas lui laisser le champ libre. Mi-juin, le président Maduro, candidat à un troisième mandat, lançait la « grande mission "Retour à la patrie" ». Le programme prévoit un vol gratuit, une aide financière et une assistance à ceux qui souhaitent revenir vivre au pays. Ainsi, 261 revenants en provenance du Mexique ont été accueillis en personne par le ministre des Affaires étrangères, Yván Gil, le 16 juillet, en pleine campagne électorale.

À Petare, la question inverse se pose : « Si j'avais voulu partir, je l'aurais fait il y a longtemps, confie José García, jeune ouvrier en bâtiment. Mais ici, beaucoup attendent les résultats des élections pour prendre leur décision. » L'exode n'est pas encore terminé.

Commentaire 1
à écrit le 28/07/2024 à 21:01
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[ "J'aimerais que mes proches reviennent vivre à mes côtés, pouvoir les embrasser. Mais pour ça, il faut que la situation économique s'améliore ici." ] Non, il faut que Trump les renvoie tous chez eux pour organiser des actions de résistance à ...

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