« Un rempart contre la banalisation des crimes du régime syrien » (Clémence Bectarte, avocate)

ENTRETIEN - L'avocate d’Obeida et de Hanane Dabbagh, est aussi la coordinatrice du groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).
Clémence Bectarte, avocate
Clémence Bectarte, avocate (Crédits : © LTD / Corentin Fohlen pour La Tribune DImanche)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Comment préparez-vous la plaidoirie que vous tiendrez devant la cour d'assises de Paris dans ce procès inédit ?

CLÉMENCE BECTARTE - La particularité de ce procès dit « par défaut » ou par contumace, c'est qu'il se tient sans défense. Il n'y aura personne en face de moi. Et aucun juré. Seulement trois magistrats professionnels. Néanmoins, je prépare minutieusement ce que je vais plaider. Mon objectif est que ce procès raconte l'histoire d'Obeida et de Hanane Dabbagh, les parties civiles, mais aussi celle de tous les Syriens et les Syriennes qui n'ont aucune possibilité d'obtenir justice. Tous espèrent qu'un jour les trois accusés seront emprisonnés. C'est le premier procès de ce type en France. Il sera filmé et intégralement traduit en arabe pour que le public, sans doute composé de nombreux Syriens, puisse suivre. Les jugés encourent la perpétuité, le verdict sera prononcé vendredi après-midi.

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Peut-on le comparer à d'autres procès historiques ?

Bien sûr. Avec la FIDH, j'ai participé en 2010 à un procès de treize généraux de la junte de Pinochet, jugés par défaut. Il y avait parmi les disparus des Franco-Chiliens, ce qui rend, comme ici, la justice française compétente. Certains d'entre eux ont ensuite été jugés au Chili. En Syrie, ce sera possible si un jour le régime de Bachar El-Assad tombe. Rappelons que, par exemple, le procès de hauts responsables khmers rouges s'est ouvert au Cambodge trente ans après la fin du régime. Le temps de la justice est long, certes, mais ce sont des crimes imprescriptibles.

En l'absence des accusés et sans espoir de les interpeller prochainement, quel est l'objectif d'organiser de telles instances ?

Ces procès sont importants car ils permettent de sauvegarder des preuves, au-delà de l'impact immédiat qui sera de rendre justice à la famille Dabbagh. Aujourd'hui, il y a une tentation de normalisation du régime syrien. À Bruxelles, cinq États de l'Union européenne se sont récemment déclarés en faveur de la levée des sanctions prononcées contre le gouvernement d'Assad. L'Autriche, l'Italie, la Roumanie, la Grèce et Chypre. La France continue de s'y opposer mais les digues sont fragiles. L'audience de cette semaine et son retentissement sont un rempart contre cette banalisation. Nous espérons qu'auront lieu en France, dans les prochaines années, d'autres procès sur les crimes du régime syrien. Je pense notamment à l'instruction en cours sur la mort de Rémi Ochlik, photojournaliste français tué à Homs lors d'un bombardement en février 2012, celles sur les attaques chimiques commises en août 2013 en Syrie, mais également à une affaire de crimes de guerre commis à l'encontre d'un Franco-Syrien dans la ville de Deraa en juin 2017. Ce seront autant d'étapes importantes dans la lutte contre l'impunité dont continue de bénéficier le régime de Bachar El-Assad.

Commentaire 1
à écrit le 19/05/2024 à 12:16
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Oui mais au dessus de tout ces monstres indéboulonnables, 25% de la finance internationale liée au crime organisée, il est là le véritable ennemi. Décapitons Al Assad et demain nous en aurons deux ici ou ailleurs. Les bénéfices du narcotrafic sont af...

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