Taïwan, Ukraine... Discussions intenses entre Washington et Pékin à Singapour

En marge d'un forum sur la sécurité à Singapour, le ministre américain de la Défense Lloyd Austin et son homologue chinois ont entamé des pourparlers sur la défense. Parmi les grosses mesures annoncées : la reprise des communications militaires entre les Etats-Unis et la Chine par téléphone « dans les prochains mois ». Dans le même temps, la pression autour de Taïwan continue de monter.
En marge d'un forum sur la sécurité à Singapour, le ministre américain de la Défense Lloyd Austin et son homologue chinois ont entamé des pourparlers sur la défense.
En marge d'un forum sur la sécurité à Singapour, le ministre américain de la Défense Lloyd Austin et son homologue chinois ont entamé des pourparlers sur la défense. (Crédits : Stephen Lam)

« Positives, pratiques et constructives ». C'est en ces termes que le porte-parole du ministre chinois de la Défense a qualifié l'issue des pourparlers vendredi entre le ministre américain de la Défense Lloyd Austin et son homologue chinois Dong Jun. D'autant que la rencontre entre les deux ministres est une première depuis 2022.

Ces rares discussions ont ainsi été entamées en marge d'un forum sur la sécurité, avec l'espoir d'un dialogue militaire plus approfondi afin de tempérer les différends, selon la délégation américaine. Ce forum annuel, organisé de vendredi à dimanche, qui réunit des chefs de la Défense du monde entier, dont le ministre français des Armées Sébastien Lecornu, est devenu ces dernières années un baromètre des relations américano-chinoises.

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Reprises des communications militaires

Parmi les conclusions tirées lors de ce dialogue, les Etats-Unis et la Chine ont notamment indiqué reprendre les communications militaires par téléphone « dans les prochains mois », a indiqué le ministre américain de la Défense, selon le Pentagone. Le secrétaire d'Etat à la Défense a également salué les projets de convoquer un groupe de travail sur la communication de crise avec la Chine d'ici la fin de l'année.

Pour rappel, Pékin avait suspendu les discussions militaires avec Washington fin 2022 en réponse à la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants. Mais les deux puissances ont convenu après un sommet entre le dirigeant chinois Xi Jinping et Joe Biden en novembre de l'année dernière de reprendre les pourparlers militaires.

Par ailleurs, les deux politiciens prononceront des discours ce week-end, dans lesquels ils devraient évoquer une série de points de friction concernant leurs pays. En effet, de plus en plus préoccupé par le développement rapide des capacités militaires de la Chine, Washington a renforcé ses alliances et partenariats dans la région pour contrer les affirmations territoriales croissantes de Pékin.

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Taïwan au centre des tensions

Ce rendez-vous intervient surtout une semaine après d'importantes manœuvres militaires conduites par la Chine, lors desquelles des navires de guerre et des avions de chasse chinois ont encerclé Taïwan, dont Pékin revendique la souveraineté. L'île est soutenue militairement par les Etats-Unis, qui s'opposent à toute modification par la force de son statut, sans appeler à son indépendance.

La Chine a accusé le nouveau président de Taïwan Lai Ching-te de pousser l'île vers « la guerre », le taxant d'être un « dangereux séparatiste ». Un discours loin de plaire à Washington. Pékin ne doit pas se servir de la transition politique taïwanaise comme d'un « prétexte à des mesures coercitives », a notamment déclaré Lloyd Austin à son homologue chinois.

Llyod Austin « a exprimé son inquiétude à propos des récentes activités provocatrices de (l'armée chinoise) autour du détroit de Taïwan, et a répété que (la Chine) ne devait pas utiliser la transition politique à Taïwan - une partie d'un processus démocratique normal et routinier - comme d'un prétexte à des mesures coercitives », précise le communiqué du Pentagone.

Mais signe que les tensions persistent : la Chine a annoncé vendredi la disparition prochaine de droits de douane préférentiels portant sur une centaine de produits importés depuis Taïwan, rejetant la faute sur des « interdictions discriminatoires » de biens chinois de la part de l'île. Ces droits de douane privilégiés concerneront donc plus 134 marchandises parmi lesquelles des machines-outils et des produits chimiques à destination du secteur industriel, selon un document diffusé par la Commission chinoise des droits de douane. Les nouvelles taxes entreront en vigueur le 15 juin, a indiqué Pékin.

Rivalités en mer de Chine méridionale

D'autre part, les rivalités en mer de Chine méridionale, revendiquée en grande partie par Pékin, devraient aussi figurer en toile de fond de ce forum. Pékin voit d'un très mauvais œil le renforcement des liens de défense de Washington dans la région Asie-Pacifique, en particulier avec les Philippines, et le déploiement régulier de navires de guerre et d'avions de combat en mer de Chine méridionale.

Dans une communication sur le réseau social X vendredi matin annonçant son arrivée à Singapour, Llyod Austin a indiqué qu'il rencontrerait ses homologues régionaux et poursuivrait le travail de son département avec « des partenaires indo-pacifiques partageant les mêmes idées pour promouvoir notre vision commune d'une région libre et ouverte ».

Le président philippin Ferdinand Marcos, qui a cherché à approfondir la coopération en matière de défense avec les Etats-Unis tout en s'opposant aux actions chinoises dans les eaux au large des Philippines, a aussi prononcé vendredi après-midi le discours d'ouverture du forum. Il a notamment estimé que la présence américaine était « cruciale pour la paix régionale ».

La Chine ne fournit d'armes à aucune partie dans le conflit en Ukraine

Du côté de la guerre en Ukraine, le ministre de la Défense chinois Dong Jun a assuré vendredi à son homologue américain Lloyd Austin que Pékin ne fournissait d'armes à aucune partie du conflit en Ukraine, a indiqué un porte-parole chinois.

« Nous avons respecté notre engagement de ne fournir d'armes à aucune des parties au conflit », a déclaré cette source, assurant que Pékin avait « appliqué un strict contrôle sur les exportations d'articles militaires ».

La Chine se dit officiellement neutre dans ce conflit mais n'a jamais condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 et a accueilli le président russe Vladimir Poutine sur son sol à plusieurs reprises depuis le début de la guerre. Pékin appelle régulièrement au respect de l'intégrité territoriale de tous les pays (sous-entendu Ukraine comprise) mais exhorte aussi à prendre en considération les préoccupations de sécurité de la Russie.

La Chine a ainsi estimé vendredi qu'il lui serait « difficile » de participer au Sommet pour la paix en Ukraine prévu en juin en Suisse si la Russie n'y est pas conviée. « La Chine a toujours insisté sur le fait que la Conférence internationale de paix devait être reconnue à la fois par la Russie et par l'Ukraine, permettre la participation égale de toutes les parties et une discussion juste de tous les plans de paix », a indiqué Mao Ning vendredi lors d'un briefing de presse régulier. « Sinon, la conférence pourra difficilement jouer un rôle substantiel dans le retour de la paix », a-t-elle ajouté.

(Avec AFP)

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