« Risée de l'Europe » : le président argentin Milei tacle de nouveau le Premier ministre espagnol

Par latribune.fr  |   |  894  mots
« Aujourd'hui, c'est la risée de l'Europe en matière diplomatique », a déclaré jeudi le président ultralibéral argentin, sur la chaîne de télévision locale LN+. (Crédits : Reuters)
Ces propos acerbes surviennent quatre jours après le déclenchement d'une crise diplomatique inédite entre l'Argentine et l'Espagne. D'autres déclarations du président argentin ont en effet conduit le pays ibérique à annoncer mardi le retrait définitif de son ambassadrice de Buenos Aires. Du jamais vu.

Connu pour ses déclarations publiques tonitruantes, le président argentin Javier Milei en a fait de nouveau la démonstration cette semaine. Ce jeudi, le dirigeant a en effet affirmé que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez était la « risée de l'Europe » en matière diplomatique.

« Il m'a attaqué de toutes sortes de façons, et quand j'ai répondu de manière abstraite avec un exemple, il s'est senti visé et il a utilisé tout l'appareil de l'Etat pour répondre au détriment d'une belle relation entre les peuples d'Espagne et d'Argentine », a déclaré Javier Milei à la chaîne de télévision locale LN+.

Et d'ajouter : « Aujourd'hui, c'est la risée de l'Europe en matière diplomatique », a ajouté le président ultralibéral argentin.

Grave crise diplomatique

Ces propos acerbes surviennent quatre jours après avoir déclenché une crise diplomatique inédite avec l'Espagne. Dimanche dernier, Javier Milei a en effet qualifié sans la nommer Begoña Gómez, l'épouse de Pedro Sánchez, de « corrompue », au cours d'une convention du parti d'extrême droite espagnol Vox à Madrid.

Ces déclarations ont conduit l'Espagne à annoncer mardi le retrait définitif de son ambassadrice de Buenos Aires. L'annonce de cet acte diplomatique inédit a été faite par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares.

« C'est un fait sans précédent de voir un chef d'État venir dans la capitale d'un autre pays pour insulter ses institutions et pour commettre une ingérence claire dans ses affaires internes », a fustigé le haut diplomate espagnol, dénonçant un fait « unique dans l'histoire des relations internationales ».

Lire aussiCrise diplomatique entre l'Espagne et l'Argentine après les déclarations polémiques de Milei

La réaction du président argentin ne s'est pas fait attendre. Sur la chaîne argentine LN+, il a qualifié cette semaine l'annonce du gouvernement de Pedro Sánchez de décision « absurde d'un socialiste arrogant »« Une erreur » qui « ternit l'image internationale de l'Espagne », a-t-il insisté, en assurant qu'il ne retirerait pas en réponse l'ambassadeur argentin en Espagne.

« On maintient tout comme jusqu'à présent », a-t-il précisé. Refusant une nouvelle fois de présenter les excuses demandées par Madrid, le dirigeant argentin était même allé mardi jusqu'à conseiller au Premier ministre espagnol de recourir à « un psychologue » et à « un bon avocat pour sa femme ».

Par ailleurs, l'annonce du retrait de l'ambassadrice espagnole à Buenos Aires a suscité des critiques de l'opposition de droite espagnole. Celle-ci a accusé le Premier ministre espagnol de « surjouer » et de se victimiser à des fins électoralistes, à l'approche d'élections européennes pour lesquelles l'extrême droite a le vent en poupe dans les sondages. « Les intérêts électoraux de Sánchez ne sont pas plus importants que ceux de l'Espagne et de l'Argentine », a ainsi dénoncé, sur le réseau social X, le chef du Parti Populaire (PP), Alberto Núñez Feijóo.

Une enquête toujours en cours

Pour rappel, un juge madrilène a ouvert mi-avril une enquête pour « corruption » et « trafic d'influence » à l'encontre de Begoña Gómez. A l'annonce de l'ouverture de cette instruction, le chef du gouvernement espagnol avait suspendu toutes ses activités pendant cinq jours pour réfléchir à une éventuelle démission.

Lire aussiEspagne : le suspense est levé, Pedro Sanchez ne démissionnera pas

Selon le média espagnol d'investigation El Confidencial, cette enquête porte notamment sur les liens professionnels noués par Begoña Gómez avec le groupe Globalia, au moment où Air Europa, une compagnie aérienne appartenant à Globalia, négociait l'obtention d'aides publiques face à la crise du Covid-19. Mais mardi de cette semaine, des médias espagnols ont révélé qu'un rapport de la Garde civile avait conclu à l'absence de délits de la part de l'épouse du Premier ministre espagnol.

Mercredi, Pedro Sánchez a défendu à nouveau l'« honnêteté » de son épouse face aux attaques de Javier Milei, mais également de l'opposition de droite et d'extrême droite qui les multiplie depuis des semaines sur la base de cette enquête. « Je suis sûr que la justice classera bientôt » les deux plaintes à l'origine de l'enquête car « il ne s'agit que d'une accumulation de canulars et de diffamations », a-t-il dit à la tribune de la Chambre des députés espagnols.

L'Argentine s'enfonce dans la récession

L'économie argentine a poursuivi son ralentissement au mois de mars, sur fond de sévère politique d'austérité, avec une contraction cumulant -5,3% au premier trimestre. Publié mercredi de cette semaine, l'indice mensuel d'activité économique (Imae) de l'Institut argentin national de la statistique (Indec), s'est ainsi établi à -1,4% en mars par rapport à février. Soit le cinquième mois consécutif de contraction, et à -8,4% en interannuel.

L'industrie manufacturière, le bâtiment, le commerce, ont connu les plus forts reculs, tandis que l'agriculture émerge en positif, prévisible avec l'impact des récoltes récentes ou en cours pour les grandes productions (soja, blé) agro-exportatrices de l'Argentine.

Pour rappel, le gouvernement de Javier Milei, au pouvoir depuis décembre dernier, a appliqué d'emblée un drastique programme d'austérité budgétaire, dans un objectif de « déficit budgétaire zéro » à fin 2024, et ainsi dompter l'inflation chronique (211% en 2023).

(Avec AFP)