Niger : le calvaire du président prisonnier

Depuis le coup d'État il y a un an, Mohamed Bazoum vit séquestré. Il refuse toujours de démissionner.
Mohamed Bazoum, président du Niger.
Mohamed Bazoum, président du Niger. (Crédits : © LTD / Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

Certaines lectures aident parfois à surmonter le pire. Les nouveaux livres de chevet de Mohamed Bazoum en font partie. Parmi eux, il y a La Vie devant soi, de Romain Gary, mais aussi plusieurs ouvrages de Voltaire, dont Candide, ou l'Optimisme. De quoi, peut-être, permettre au président nigérien d'entrevoir un coin de ciel bleu dans son très sombre quotidien.

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Vendredi, cela fera un an que le dirigeant sahélien de 64 ans a été déposé par un coup d'État perpétré par sa garde présidentielle. Un an qu'il vit séquestré avec son épouse, Hadiza, dans une des ailes de la résidence présidentielle à Niamey. « Leur espace se résume à une chambre et un petit salon attenant », détaille Oumar Moussa, son directeur de cabinet adjoint, aujourd'hui réfugié à l'étranger. Pour s'entretenir, le couple dispose d'un vélo d'appartement et peut, en guise de « promenade », arpenter un long couloir. Deux cuisiniers, qui ont choisi de rester à leurs côtés, leur préparent les repas.

Pour le reste, la junte du général Abdourahamane Tiani a restreint au minimum les contacts avec le monde extérieur, notamment depuis octobre et une pseudo- tentative d'évasion. Si Mohamed Bazoum peut encore regarder la télévision, son téléphone lui a été confisqué et il n'a pas accès à Internet. « Des gardes armés le surveillent en permanence », affirme un membre de son entourage qui souhaite garder l'anonymat. Seul son médecin dispose d'un droit de visite deux fois par semaine. Il en profite pour apporter nourriture et livres fournis par la famille.

Il est loin le temps où l'option d'une intervention militaire régionale pour le rétablir dans ses fonctions était sur la table. « Aujourd'hui, il est, si ce n'est lâché, au moins oublié par la communauté internationale », regrette son avocat, Moussa Coulibaly. Ce que confirme un familier du dossier : « Seuls quelques États africains, comme la Côte d'Ivoire et le Ghana, bougent encore pour lui. La France s'active aussi, mais seulement de façon indirecte, puisqu'elle est devenue non grata à Niamey. » Paris a en effet dû retirer ses 1 500 soldats stationnés dans le pays pour lutter contre la menace djihadiste. Les États-Unis ont eux aussi été priés de faire leurs valises. Aujourd'hui, ce sont les Russes, déjà alliés des régimes malien et burkinabé, qui ont la main.

Accusé de haute trahison

Abandonné à l'international, Mohamed Bazoum voit aussi ses amis politiques et ex-ministres se taire peu à peu. « Ils craignent de le mettre en danger en parlant », justifie Oumar Moussa, l'un des rares à encore oser s'exprimer. Il est vrai que la junte maintient une pression maximale sur le chef de l'État. Le mois dernier, un tribunal militaire a levé son immunité présidentielle. « Cela s'est fait en violation de tous les droits, s'indigne Me Coulibaly. Nous n'avons jamais eu accès au dossier. » Accusé notamment de « haute trahison », il encourt la peine de mort. « Pour acquérir une légitimité, le général Tiani voudrait forcer Bazoum à démissionner, souligne le membre de son entourage. Tant qu'il est là, il est un caillou dans sa chaussure. »

Pour l'instant, le chef de l'État ne craque pas. En bon politique, il mise peut-être sur un retournement de l'opinion et d'une partie des forces armées, alors que le Niger, l'un des pays les plus pauvres de la planète, s'enfonce dans une double crise économique et sécuritaire. « Bazoum, c'est un solide, un Touareg qui a appris à vivre dans le désert avec presque rien, assure un proche. Il peut tenir longtemps. » Et se répéter, en se plongeant dans ses romans, qu'il a encore la vie devant lui.

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