Les Etats-Unis sont-ils entrés en récession ?

ANALYSE. La crainte d’un ralentissement de l’activité économique sur au moins deux trimestres consécutifs a effrayé les investisseurs en ce début de mois d’août. L’augmentation du chiffre du chômage a, en effet, remis sur le devant de la scène la règle de Sahm qui établit un lien entre le chômage et la récession. Pour autant, nombre d’économistes contestent cette théorie.
Maxime Heuze
La Réserve fédérale américaine - qui a augmenté ses taux entre 5,25% et 5,75% - devrait baisser progressivement 1 à 2 fois ses taux cette année pour JP Morgan et 3 fois pour Candriam et Pictet, afin de redonner de l'élan à l'économie et éviter une récession.
La Réserve fédérale américaine - qui a augmenté ses taux entre 5,25% et 5,75% - devrait baisser progressivement 1 à 2 fois ses taux cette année pour JP Morgan et 3 fois pour Candriam et Pictet, afin de redonner de l'élan à l'économie et éviter une récession. (Crédits : Kevin Lamarque)

Et si les Etats-Unis rentraient finalement en récession au moment où nous l'attendons le moins? Alors que l'inflation a presque atteint son objectif de 2% Outre-Atlantique et que le soleil semble plus que jamais briller sur l'économie américaine qui a affiché une croissance de 2,8% au deuxième trimestre, le chiffre du taux de chômage de juillet a coupé le souffle des investisseurs. Celui-ci s'est, en effet, affiché à 4,3% contre 4,1% anticipé quand le nombre de créations d'emplois a, lui aussi, baissé avec seulement 114.000 nouveaux postes contre 179.000 en juin.

Deux simples chiffres, publiés début août, qui ont plombé les cours des indices américains, S&P 500 et Nasdaq, de 3% sur la seule journée du 2 août. Une débâcle boursière qui a même traversé les océans puisque l'indice parisien CAC 40 a également dévissé de 3,26% entre jeudi 1er et mardi 6 août, quand le Nikkei japonais a connu un krach de 12% lundi 5 août. Si les cours mondiaux se sont stabilisés depuis, les craintes de l'entrée en récession des Etats-Unis demeurent à cause d'une théorie : la règle de Sahm.

L'économiste américaine et ancienne membre de la Réserve fédérale américaine explique, en effet, que « lorsque la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage national est de 0,5 point de pourcentage, ou plus, au-dessus de son niveau le plus bas des douze mois précédents, nous sommes dans les premiers mois de la récession. »

Or, cet indicateur affichait justement 0,53 point de pourcentage en juillet 2024 de plus que son niveau le plus bas de ces douze derniers mois.

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Craintes sur l'activité des entreprises

Une crainte forte pour les marchés puisqu'une baisse de l'activité économique « pèserait théoriquement sur le chiffre d'affaires et la production de bénéfice des entreprises ce qui pourrait engendrer une correction boursière et une augmentation du chômage », explique à La Tribune le responsable de la recherche économique de JP Morgan Vincent Juvyns.

D'autant que début juillet, le spécialiste des marchés actions chez la banque Mirabaud, John Plassard pointait dans une note selon laquelle « les consommateurs commencent à réduire leurs dépenses, ce qui pourrait peser sur l'économie après une longue période de forte consommation qui a soutenu la croissance économique au cours des dernières années ». En outre, d'après une récente enquête de McKinsey, le moral des consommateurs américains s'est dégradé à cause de l'augmentation du coût de la vie et l'atonie de l'activité d'embauche.

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Les nuages du ralentissement sont donc de plus en plus visibles, mais ils ne signifient pas pour autant que l'Amérique va connaître une crise digne de celle de 2008. « Parfois, une récession ne se ressent tellement pas, qu'on l'annonce après », veut rassurer l'économiste de JP Morgan.

Fausse alerte sur la règle de Sahm?

Surtout, l'entrée en récession des Etats-Unis ne fait toujours pas l'unanimité, loin de là. Claudia Sahm a d'ailleurs elle-même contesté l'utilisation de son indice sur les chiffres du chômage du mois dernier.

« Les États-Unis ne sont pas en récession, même si l'indicateur de la règle de Sahm qui porte mon nom le laisse entendre. Cela dit, le risque de récession est élevé, ce qui renforce l'argument en faveur d'une baisse des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine », a-t-elle écrit sur X, le 7 août.

« La règle de Sahm s'applique quand l'économie ralentit et que les entreprises détruisent des emplois. Or, en juillet, le taux de chômage a augmenté, car il y a eu beaucoup d'immigration ces dernières années. Mais il faut noter qu'il y a toujours beaucoup de créations d'emplois ; 170.000 créations chaque mois en moyenne sur les 3 derniers mois. Les raisons de l'augmentation du taux de chômage ne sont donc pas les mêmes que celles étudiées par Claudia Sahm », analyse auprès de La Tribune, Florence Pisani, responsable des études économiques chez Candriam.

« La règle de Sahm et, plus globalement, les règles économétriques ont été bouleversées depuis le Covid, car nous n'avons pas connu une inflation et des taux directeurs aussi forts depuis longtemps », ajoute Alexandre Hezez, stratégiste chez la banque Richelieu.

Dans ce contexte de ralentissement sans récession, la Réserve fédérale américaine - dont les taux se situent actuellement entre 5,25% et 5,75% - devrait les baisser progressivement 1 à 2 fois cette année pour JP Morgan et 3 fois pour Candriam et Pictet, afin de redonner de l'élan à l'économie et éviter une récession. « Et cette baisse pourrait être beaucoup plus rapide si nous constatons une nouvelle augmentation du taux de chômage en août », conclut Vincent Juvyns.

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Maxime Heuze
Commentaires 7
à écrit le 14/08/2024 à 4:32
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[ L'augmentation du chiffre du chômage a, en effet, remis sur le devant de la scène la règle de Sahm qui établit un lien entre le chômage et la récession. Pour autant, nombre d'économistes contestent cette théorie. ] La règle de Sahm n'est qu'un...

à écrit le 13/08/2024 à 15:54
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Et alors ? les récessions ce n'est pas le fou rire, mais ça arrive et il n'y a la plupart du temps pas de quoi nous ressortir Zola, l'Assommoir et Germinal comme nos grands intellectuels ne manquent pas de le faire à chaque fois. Et, en ce qui concer...

à écrit le 13/08/2024 à 11:22
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Rant donné le coefficient d'erreur des prédictions, je pense qu'il faut mieux attendre, et cesser de baratiner, pour faire l'intéressant dans les médias...

à écrit le 13/08/2024 à 10:25
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Il suffira que la FED baisse ses taux !

à écrit le 13/08/2024 à 10:18
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Si "ON" veut faire élire Trump, c'est un argument.

à écrit le 13/08/2024 à 8:46
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Les dégâts occasionnés sur la planète et son humanité par les parasites de la finance vont être ainsi decuplés. Nietzsche nous avait prévenu seuls ceux qui avaient de l'esprit auraient du posséder.

à écrit le 12/08/2024 à 19:40
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Le plus sage est ... " d' attendre et voir " ! de toute façon il faudra bien qu' un jour la croissance ... décroisse !

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