Le procureur de la Cour pénale internationale réclame des mandats d'arrêt contre Netanyahou et des dirigeants du Hamas

Par latribune.fr  |   |  1326  mots
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé ce lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. (Crédits : GIL COHEN-MAGEN)
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza.

[Article publié le lundi 20 mai 2024 à 15h30 et mis à jour à 17h38] Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé ce lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et trois dirigeants du Hamas pour des crimes contre l'humanité présumés, au huitième mois de la guerre dévastatrice dans la bande de Gaza.

Plus précisément, le procureur Karim Khan a déclaré dans un communiqué avoir demandé des mandats d'arrêt contre Netanyahu et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour des crimes tels que « le fait d'affamer délibérément des civils », « homicide intentionnel » et « extermination et/ou meurtre ».

« Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne (...) », a affirmé Karim Khan en référence à Netanyahu et Gallant.

De leurs côtés, les accusations portées contre des dirigeants du Hamas, notamment Yahya Sinouar, le chef du mouvement islamiste palestinien à Gaza, incluent « l'extermination », « le viol et d'autres formes de violence sexuelle » et « la prise d'otages en tant que crime de guerre ».

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« Décision scandaleuse »

Israël n'a pas tardé à réagir à cette décision. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, a ainsi dénoncé la « décision scandaleuse » du procureur de la Cour pénale internationale, « un déshonneur historique » pour la cour basée à La Haye.

Réclamer des mandats contre « le Premier ministre et le ministre de la Défense de l'Etat d'Israël aux côtés des abominables monstres nazis du Hamas », des « assassins et violeurs du Hamas » qui « sont en train de commettre des crimes contre l'humanité contre nos frères et sœurs » est une « attaque frontale » et « une honte historique qui restera à jamais gravée dans les mémoires », estime le ministre dans un communiqué.

De son côté, le Hamas palestinien a déclaré « condamner fermement » cette demande. Le Hamas dénonce « les tentatives du procureur de la Cour pénale internationale d'assimiler la victime au bourreau en émettant des mandats d'arrêt contre un certain nombre de dirigeants de la résistance palestinienne », précise le communiqué du groupe islamiste palestinien.

Une catastrophe humanitaire

Pour rappel, la guerre a été déclenchée par une attaque de commandos du mouvement islamiste Hamas infiltrés de la bande de Gaza dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Sur les 252 personnes alors emmenées comme otages, 125 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 mortes selon l'armée. Israël a ensuite juré de détruire le Hamas qui avait pris le pouvoir à Gaza en 2007 et qu'il considère comme terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.

Son armée a alors lancé des bombardements intenses par air, terre et mer contre Gaza qu'elle a assiégée, suivis d'une offensive terrestre, entraînant la mort d'au moins 35.562 personnes, pour la plupart des civils dont 106 ces dernières 24 heures, selon des données de lundi du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas. Les opérations militaires ont aussi provoqué une catastrophe humanitaire avec la majorité des quelque 2,4 millions d'habitants menacés de famine et plus de la moitié déplacés, d'après l'ONU.

Enquête en 2021

De son côté, la CPI a ouvert une enquête en 2021 sur Israël, mais aussi le Hamas et d'autre groupes armés palestiniens, pour de possibles crimes de guerre dans les Territoires palestiniens. Elle l'a ensuite étendue « à l'escalade des hostilités et de la violence depuis les attaques du 7 octobre 2023 » perpétrées par le Hamas sur le sol israélien.

En effet, à la mi-novembre, cinq pays ont demandé une enquête de la CPI sur la guerre entre Israël et le Hamas, Khan affirmant que son équipe avait rassemblé un « volume important » de preuves sur des « incidents pertinents ».

Mais les équipes de la CPI n'ont pas pu entrer à Gaza ni enquêter en Israël, qui n'est pas membre de la CPI. Néanmoins, Khan s'est rendu en Israël en novembre « à la demande » des survivants de l'attaque du Hamas du 7 octobre. Il s'est ensuite rendu à Ramallah, en Cisjordanie occupée, pour rencontrer de hauts responsables palestiniens.

Par ailleurs, Karim Khan a également appelé à plusieurs reprises à la libération de tous les otages de Gaza et a mis en garde contre une opération militaire israélienne à Rafah. « Toutes les guerres ont des règles et les lois applicables aux conflits armés ne peuvent pas être interprétées de façon à les rendre creuses ou vides de sens », a-t-il déclaré en février.

Nouvelles frappes

Lundi, des avions de combat et des hélicoptères de l'armée israélienne ont mené de nouvelles frappes sur la bande de Gaza, où des combats au sol ont également lieu entre soldats et groupes armés palestiniens. Dans le nord de la bande de Gaza, l'armée de l'air a bombardé la ville éponyme ainsi que le camp de réfugiés de Jabalia, où les combats se poursuivent après des appels d'évacuation aux civils.

Dans le sud du petit territoire palestinien surpeuplé, une frappe a touché une maison dans le quartier Tal al-Sultan, dans l'ouest de Rafah, faisant trois morts et huit blessés, selon des sources hospitalières. Rafah a été également visée par des tirs de la marine israélienne, ont indiqué des témoins.

L'armée a intensifié ses opérations au sol, principalement dans l'est de Rafah, adossée à la frontière fermée avec l'Egypte, disant vouloir y réduire les derniers bataillons du Hamas. Selon l'armée, les soldats mènent des « raids ciblés contre les infrastructures terroristes, éliminent l'ennemi et localisent des ouvertures de tunnels ».

En recevant à Tel-Aviv le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a insisté sur « le devoir d'Israël d'étendre l'opération terrestre à Rafah, de démanteler le Hamas et de faire revenir les otages », malgré l'opposition de nombreuses capitales et organisations à une opération majeure terrestre à Rafah.

Depuis l'ordre d'évacuation israélien de quartiers de Rafah le 6 mai, « environ la moitié de la population de Gaza » forte de 2,4 millions d'habitants, a été « forcée de fuir » à nouveau, a affirmé dimanche Philippe Lazzarini, le patron de l'Unrwa, agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens. « Il n'y a absolument aucun endroit sûr dans la bande de Gaza », a-t-il dit.

Avenir de Gaza

Alors qu'aucune perspective d'une fin des hostilités n'est en vue, Benyamin Netanyahou est sous pression pour préparer une stratégie pour l'avenir de Gaza. Dimanche à Jérusalem, Jake Sullivan l'a appelé à accompagner les opérations militaires d'une « stratégie politique » pour l'avenir du territoire palestinien.

Benny Gantz, membre du cabinet de guerre, a lui menacé de démissionner si un « plan d'action » pour l'après-guerre à Gaza n'était pas adopté rapidement. Yoav Gallant a sommé Netanyahu de « préparer immédiatement » une « alternative gouvernementale au Hamas ».

Depuis que les soldats ont pris le 7 mai le contrôle côté palestinien du poste-frontière de Rafah avec l'Egypte, l'acheminement de l'aide humanitaire est quasiment à l'arrêt. Ce passage est crucial pour les aides dont le carburant, indispensable aux hôpitaux et à la logistique humanitaire.

Par ailleurs, dans ce contexte de guerre, le Hamas a perdu un grand allié à la cause palestinienne, le président iranien Ebrahim Raïssi, tué dans un accident d'hélicoptère dimanche en Iran.

(Avec AFP)