Législatives en Inde : le parti du Premier ministre Narendra Modi en tête mais avec une majorité réduite

Alors que la quasi-totalité des voix ont été dépouillées, le parti du Premier ministre est en tête selon la commission électorale, sans pour autant obtenir la majorité qualifiée des deux tiers à la chambre basse, qu'il escomptait. Narendra Modi convoite un troisième mandat à la tête du pays au terme d'un marathon électoral marqué par l'affaiblissement de l'opposition et la montée des inquiétudes concernant les droits des minorités.
Le Premier ministre nationaliste Narendra Modi, 73 ans, va être reconduit à son poste à la suite d'une campagne législative XXL.
Le Premier ministre nationaliste Narendra Modi, 73 ans, va être reconduit à son poste à la suite d'une campagne législative XXL. (Crédits : ADNAN ABIDI)

[Article publié le mardi 4 juin 2024 à 07H31 et mis à jour à 17H04] À la suite d'élections législatives XXL, la plus grande démocratie du monde, comme l'Inde aime à se qualifier, devrait reconduire ce mardi le Premier ministre nationaliste Narendra Modi, 73 ans. Quelque 642 millions d'électeurs - un record mondial - ont voté durant les six semaines de ce scrutin marathon, qui s'est achevé samedi. Et alors que 99% des voix ont été dépouillées, le parti du chef du gouvernement est en tête, selon la commission électorale.

Le Premier ministre indien Narendra Modi a d'ailleurs revendiqué mardi sa troisième victoire aux élections législatives. « Le peuple a placé sa confiance dans la NDA (Alliance démocratique nationale) pour la troisième fois consécutive », a-t-il déclaré sur le réseau social X, en parlant de sa coalition. « C'est un fait historique dans l'histoire de l'Inde ».

Les analystes et les sondages à la sortie des urnes prévoyaient la victoire écrasante du Premier ministre. Mais pour la première fois en une décennie, son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), pourrait ne pas emporter seul la majorité, sans s'appuyer sur les alliés de sa coalition, selon les chiffres de la commission électorale.

Ainsi, après le dépouillement de 99% des bulletins, le BJP et les membres de sa coalition ne mènent qu'avec 239 sièges. Ils obtiendraient au moins 291 sièges, soit plus que les 272 nécessaires à l'obtention d'une majorité parlementaire à la chambre basse de 543 sièges, mais bien en dessous des 303 sièges remportés en 2019. Les célébrations ont néanmoins déjà commencé dans l'après-midi au siège du BJP.

Narendra Modi a par ailleurs été réélu comme député de la circonscription de Varanasi, selon les chiffres de la commission électorale, soit sa troisième victoire dans l'ancienne Bénarès, ville sainte de l'hindouisme. Avec 612.970 voix, il a une avance de 152.000 voix sur le plus proche de ses rivaux. Elle était toutefois de presque de 500.000 voix cinq ans plus tôt, signe encore de la perte de vitesse de son parti.

L'opposition aussi en liesse

Le siège du Congrès, principal parti d'opposition, est également en liesse. Car il remporterait 99 sièges selon la commission électorale, contre 52 cinq ans plus tôt. Un revirement remarquable réussi grâce à des accords visant à présenter des candidats uniques contre le rouleau compresseur du BJP. « Le BJP a échoué à obtenir une large majorité à lui seul. C'est une défaite morale pour eux », a déclaré à la presse Rajeev Shukla, député du Congrès. « Les électeurs ont puni le BJP », s'est félicité de son côté devant la presse le chef du Congrès Rahul Gandhi, par ailleurs réélu député dans la circonscription méridionale de Wayanad avec une avance de plus de 364.000 voix.

Selon les précédentes élections générales, les principales tendances sont généralement claires en milieu d'après-midi, les perdants concédant leur défaite, même si les résultats complets et définitifs pourraient n'arriver que dans la nuit de mardi.

Les résultats ont en tout cas fait réagir la Bourse de Bombay tout au long de la journée. Face à un score apparemment meilleur que prévu de l'opposition et une majorité réduite pour le BJP, l'indice de référence Sensex a chuté de plus de 7,22%, pour atteindre 70.945,80 points, avant de se reprendre et de clôturer en baisse de 5,7%. La veille il avait connu une hausse de 3% quand un sondage sorti des urnes augurait d'une nouvelle victoire du dirigeant nationaliste hindou.

Immense complexité logistique

Le scrutin, organisé en sept phases, a été d'une immense complexité logistique, les électeurs votant dans des mégalopoles comme New Delhi et Bombay, mais aussi dans des régions reculées et peu peuplées. L'Inde a recours à des machines électroniques permettant le dépouillement rapide des bulletins de vote. Le commissaire électoral en chef, Rajiv Kumar, a vanté lundi « l'incroyable puissance de la démocratie indienne » et assuré qu'un « processus de dépouillement solide était en place ».

Pour assurer sa réélection, Narendra Modi a mis en avant son bilan économique : l'inflation a ralenti dans le pays, pour atteindre moins de 5% en avril. Par ailleurs, la Bourse indienne a de quoi faire pâlir les autres économies émergentes. Début janvier, elle est même devenue la quatrième place boursière mondiale, avec une capitalisation atteignant les 4.300 milliards de dollars, dépassant Hong Kong.

Sa croissance annuelle atteint 8,2% sur son exercice budgétaire 2023-2024, contre 7% l'année d'avant. Le pays contribue pour 16% à la croissance mondiale en 2023, selon le FMI, et pour 2024, l'institution parie même sur une croissance de 6,8%, soit l'une des plus élevées dans le monde. Des résultats dus notamment au secteur de la construction tiré par les investissements du gouvernement dans les infrastructures. Des routes ont notamment été réalisées pour construire et développer le réseau routier à travers le pays ainsi que des ports.

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Des opposants qui ont eu du mal à peser

Néanmoins, le PIB par habitant est de 2.410,9 dollars en 2022, d'après les chiffres de la Banque Mondiale, soit le plus faible des pays du G20. Concernant son indice de développement humain, l'Inde se classait au 134e rang mondial en 2022.

Un bilan en demi-teinte que les opposants au Premier ministre, parfois paralysés par des luttes intestines, n'ont pas pu retourner en leur faveur tant ils ont eu du mal à peser face au BJP, une machine à gagner.

Par ailleurs, le scrutin a été marqué par une campagne sans précédent de désinformation. Un véritable déluge de vidéos altérées et d'images accompagnées de légendes trompeuses s'est ainsi abattu sur les réseaux sociaux tout au long du marathon législatif dans ce pays aux centaines de millions d'électeurs. Au cours des sept phases de vote étalées sur six semaines, la cellule d'investigation numérique de l'AFP a procédé à 40 vérifications d'informations trompeuses en lien avec le scrutin. Des vidéos altérées ont ainsi montré l'opposant Rahul Gandhi appelant les électeurs à voter pour l'actuel Premier ministre ou l'associant à tort aux pays rivaux de l'Inde: le Pakistan et la Chine.

La minorité musulmane inquiète du sentiment pro-hindou

Dimanche, une des figures les plus éminentes de l'opposition, Arvind Kejriwal, ministre en chef de Delhi qui avait appelé à « voter contre la dictature », est retourné en prison. Accusé d'avoir reçu des pots-de-vin pour accorder des licences d'alcool à des entreprises privées, il avait été libéré sous caution le mois dernier, le temps de faire campagne.

L'orientation nationaliste hindoue du gouvernement Modi suscite par ailleurs une anxiété croissante chez les quelque 200 millions de musulmans de cette démocratie, constitutionnellement laïque. Ses commentaires concernant la communauté musulmane, qu'il décrit volontiers comme « des infiltrés », ont également suscité les critiques des responsables de l'opposition.

Modi, un acteur incontournable sur la scène internationale

Longtemps ostracisé par certains pays occidentaux pour son nationalisme hindou décomplexé, le Premier ministre indien Narendra Modi, est devenu un acteur incontournable sur la scène internationale. Le président russe Vladimir Poutine vante le « partenariat privilégié » entre les deux pays, son homologue américain Joe Biden évoque des « valeurs communes » et l'a convié à s'exprimer devant le Congrès à Washington, et Emmanuel Macron n'est pas en reste. Le chef d'Etat français l'a ainsi convié comme invité d'honneur du défilé militaire du 14-Juillet à Paris l'an dernier, lui remettant la plus haute distinction nationale pour « l'excellente relation d'amitié et de confiance qui unit la France et l'Inde ».

Un parcours aux allures de revanche pour ce fils d'un simple vendeur de thé, qui avait été déclaré persona non grata aux Etats-Unis et au Royaume-Uni après des émeutes interreligieuses sanglantes en 2002 au Gujarat, État dont il était alors gouverneur.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 04/06/2024 à 10:37
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Nouvelle place du dumping social mondial, basculante de la Chine, il est indispensable d'y avoir de la stabilité politique.

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