Traitement de choc en Egypte : face à la crise économique, les taux d'intérêt sont relevés à 27,25% (ce qui fait plonger la monnaie)

L'Egypte a relevé ce mercredi son taux directeur à un record de 27,25%, provoquant une chute de la livre de plus d'un tiers de sa valeur face au dollar. L'objectif de la manœuvre : juguler l'inflation alors que le pays se retrouve fortement endetté.
La Banque centrale du pays a annoncé ce mercredi qu'elle relevait son taux directeur de six points à un record de 27,25%.
La Banque centrale du pays a annoncé ce mercredi qu'elle relevait son taux directeur de six points à un record de 27,25%. (Crédits : MOHAMED ABD EL GHANY)

[Article publié le mercredi 06 mars 2024 à 14h03 et mis à jour à 16h00] Traitement de choc pour l'Egypte. La Banque centrale du pays a annoncé ce mercredi qu'elle relevait son taux directeur de six points à un record de 27,25%, provoquant une chute de la livre égyptienne de plus d'un tiers de sa valeur face au dollar. A titre de comparaison, le taux directeur de la Banque centrale européenne est à 4%.

« L'unification du taux de change est cruciale car elle aide à éliminer les arriérés en devises en réduisant l'écart entre le taux de change officiel et celui du marché noir », indique le communiqué publié par la Banque centrale à l'issue de la réunion de son Comité de politique monétaire.

Le pays se retrouve fortement endetté et en grave crise économique. A tel point que deux tiers des 106 millions d'Égyptiens vivent en dessous, ou juste au-dessus, du seuil de pauvreté. Le Fond monétaire international (FMI) a donc octroyé mercredi cinq milliards de dollars de prêts supplémentaires à l'Egypte prise à la gorge.

Le FMI a déjà accordé un prêt de trois milliards de dollars à l'Egypte fin 2022, mais les tranches de prêt et les examens de programme ont été maintes fois reportés jusqu'à ce que Le Caire avance sur les réformes économiques. Avec une inflation qui s'élève aujourd'hui à 35%, le pays a déjà procédé à une dévaluation de sa monnaie de 50% ces derniers mois, alors qu'elle négocie de nouveaux crédits avec le Fonds monétaire international (FMI) qui fait du flottement de la livre une condition à son aide. Ainsi, à 13h30 (12 heures à Paris), 50,6 livres égyptiennes s'échangeaient pour un dollar. Contre 31 à l'ouverture des banques.

Mercredi, la Banque centrale insiste également sur le fait qu'elle va continuer à lutter contre l'inflation, notamment « en autorisant le taux de change à être déterminé par les forces du marché ».

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Investissements étrangers

Alors que l'inflation s'élevait ces derniers mois jusqu'à près de 40%, le marché noir avait atteint un record jusqu'à 70 livres pour un dollar plus tôt cette année. Il était ensuite redescendu brusquement aux alentours du nouveau taux officiel, avec l'injection fin février par les Emirats arabes unis de 35 milliards d'investissements et de dépôts dans l'économie égyptienne.

Le gouvernement compte notamment sur ces investissements étrangers pour tenter notamment de contribuer à résoudre la crise des devises étrangères en Egypte, alors que le pays est en difficulté pour rembourser sa dette extérieure, qui s'élève à près de 165 milliards de dollars.

Dans le détail, c'est le fonds souverain d'Abou Dhabi, ADQ, qui a confirmé ces investissements, dont la majorité seront destinés au développement de Ras el-Hikma, une ville sur la côte méditerranéenne. Ils entrent ainsi dans le cadre du plan national de développement urbain « Egypte 2052 » visant notamment à développer la côte nord et à faire de cette ville une destination touristique mondiale.

Située à environ 350 kilomètres au nord-ouest du Caire, Ras el-Hikma est appelée à devenir une « destination de vacances, (...) un centre financier et une zone franche dotée d'une infrastructure de classe mondiale pour renforcer le potentiel de croissance économique et touristique de l'Egypte » a affirmé ADQ. Quelque 11 milliards de dollars seront également consacrés à des investissements dans « des projets de premier plan dans toute l'Egypte », a-t-il ajouté.

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Le développement en priorité

Des investissements qui font partie de la stratégie du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui dit vouloir faire du « développement » sa priorité. Dès le début de son premier mandat en 2014, Sissi, réélu en décembre à la tête du pays, avait promis de ramener la stabilité, y compris économique. Un ambitieux mais douloureux programme de réformes, avec dévaluations et diminution des subventions d'Etat, a ainsi été entrepris depuis 2016.

Des mesures qui ont entraîné une flambée des prix, nourri le mécontentement du peuple et vu la base populaire et même les soutiens étrangers de Sissi s'étioler au fil des années. Sa gestion économique a vu la dette multipliée par trois, et les mégaprojets souvent attribués à l'armée n'ont pas produit jusqu'ici les rendements promis.

Mais les économistes, eux, dénoncent des mégaprojets - villes nouvelles dont la nouvelle capitale, trains à grande vitesse, ponts et routes - qui n'ont fait, selon eux, que siphonner les caisses de l'Etat et tripler la dette.

Risque de défaut sur sa dette

D'autant que l'Egypte est désormais le deuxième pays le plus à risque de faire défaut sur sa dette, juste derrière l'Ukraine en guerre. Et pour les experts, les raisons de s'inquiéter s'accumulent : les rentrées en devises du tourisme sont en baisse depuis des années et les attaques des rebelles houthis du Yémen en mer Rouge et dans le golfe d'Aden ont fait baisser les revenus en dollars du canal de Suez, passage crucial pour le commerce mondial, « de 40 à 50% » depuis le début de l'année. Pire encore, les envois d'argent des travailleurs égyptiens à l'étranger -loin devant les recettes du secteur touristique et des droits de transit à Suez-ont baissé d'environ 30% au premier trimestre 2023/2024.

Début février, le FMI avait déjà déclaré que l'Egypte « reste une vraie priorité » alors que le pays « doit gérer des problèmes complexes ».

« Nous discutons actuellement pour augmenter notre programme (d'aide) compte tenu des développements de ce dernier mois », a expliqué la patronne de l'institution internationale, Kristalina Georgieva, « ils envisagent des ajustements systémiques de leur politique et nous travaillons sur ces détails ».

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 06/03/2024 à 19:37
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Bonjour, bon ils faut dire que le canal de Suez et fermer... Donc , ils y a moins d'argent qui rentre dans les caisses... Bien sûr , toute l'économie repose sur les péages maritime, encore une économique bien équilibré...

à écrit le 06/03/2024 à 18:19
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Les Égyptiens vont-ils en arriver à regretter le régime de Moubarak après sa destitution consécutive à la révolution égyptienne de 2011?🤔Maintenant que le FMI est entré dans la danse, les carottes sont cuites à long terme.

à écrit le 06/03/2024 à 16:10
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Heureusement, la natalité, effarante pour un pays utile si petit, s'améliore : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays/?codeStat=SP.DYN.TFRT.IN&codePays=EGY&codeTheme=1

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