Commerce mondial : le boom devrait se poursuivre en 2022, l'Europe exposée aux remous chinois

Le commerce mondial devrait bondir de 5,4% en 2022 et 4% en 2023, selon les dernières prévisions d'Euler Hermes malgré de fortes perturbations sur les chaînes de valeur. Après deux années de pandémie cataclysmiques, l'Europe reste empêtrée dans de vastes difficultés d'approvisionnement en raison de sa forte dépendance à la puissance chinoise. Le cabinet rappelle que "la Chine est un facteur de risque important pour l'Europe". Une baisse des importations européennes en provenance de Chine pourrait faire plonger l'activité dans la métallurgie (-6%) ou encore l'industrie automobile (-3%) déjà lourdement affectées. Du côté de la demande, le coup de frein de l'économie chinoise pourrait réduire les débouchés de l'industrie européenne.
Grégoire Normand
Le commerce mondial a bondi de 8,3% en 2021 après s'être effondré en 2020.
Le commerce mondial a bondi de 8,3% en 2021 après s'être effondré en 2020. (Crédits : Reuters)

Le 11 décembre 2001, la Chine adhérait à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ce jour-là, les autorités chinoises entraient dans la grande bataille commerciale planétaire en abaissant fortement leurs droits de douane. A l'époque, la place de la Chine dans l'économie mondiale était bien moins importante qu'aujourd'hui. Le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat (PPA) était de 2.900 dollars en Chine, 22.000 dollars en Europe et 36.000 dollars aux Etats-Unis selon la Banque mondiale.

Aujourd'hui, le PIB par tête en Chine a été multiplié par près de six, à 17.300 dollars, contre 44.700 dollars en Europe (le double) et 63.500 dollars au pays de l'Oncle Sam (près de fois trois). Autant dire que le fossé s'est considérablement réduit en faveur de la Chine alors que Xi Jinping s'apprête à fêter l'entrée de l'économie chinoise dans la guerre commerciale mondiale. Le PIB de l'Empire du milieu pourrait ainsi dépasser celui des Etats-Unis d'ici quelques années.

Vingt ans après, la dépendance de l'Europe en matière d'offre et de demande à l'égard de Pékin ne fait plus de doute. La pandémie a jeté une lumière crue sur cette dépendance lorsque les mesures drastiques de confinement en Chine en 2020 ont provoqué de fortes craintes sur de possibles ruptures d'approvisionnement partout dans le monde et la fermeture du marché chinois pour les débouchés des industriels européens. Cette double dépendance à la fois pourrait à nouveau plomber la reprise économique sur le Vieux Continent.

Selon les dernières perspectives du cabinet Euler Hermes dévoilées ce jeudi 9 décembre en avant-première sur La Tribune, l'économie européenne serait bien plus exposée que les Etats-Unis aux déboires du géant asiatique. "La Chine est un facteur de risque important pour l'Europe : nous estimons qu'une baisse de -10% des importations européennes en provenance de Chine entrainerait un recul de l'activité de -6% pour le secteur de la métallurgie, de plus de -3% pour l'automobile (incluant les équipements de transport) et de plus de -1% pour les ordinateurs et l'électronique", explique l'économiste Ano Kuhanathan chez Euler Hermes. Le fort ralentissement chinois anticipé par le FMI entre 2021 et 2022 avec une croissance passant de 8% à 5,6% et les violentes secousses du secteur de l'immobilier pourraient encore faire trembler l'économie européenne dans les semaines à venir.

Des tensions sur les métaux, les produits chimiques et les matériaux électriques

L'Europe est particulièrement exposée aux pénuries d'intrants en provenance de Chine rappellent les économistes du géant mondial de l'assurance-crédit. Le cas le plus emblématique concerne les métaux et l'industrie automobile. "Les secteurs qui sont les plus lourdement touchés sont ceux dépendants des métaux (métaux de base et fabrication de produits métalliques) et de l'automobile (véhicules motorisés, vendeurs, équipement de transport)" résument les experts. En Europe, les grands constructeurs ont annoncé une forte baisse de leur production en 2021 après avoir déjà annoncé des fermetures de sites et des coupes sèches dans les effectifs en 2020 au pic de la pandémie. En France, les fonderies fortement tributaires de l'industrie automobile s'enfoncent toujours plus dans un tunnel sans fin.

L'Allemagne est en forte difficulté compte tenu du poids de l'industrie automobile dans son économie et de sa dépendance à l'égard de la puissance chinoise. "L'automobile a été extrêmement affectée par les pénuries de semi-conducteurs et des difficultés d'approvisionnement. Ces pénuries se traduisent par la baisse des ventes et celle de la production. En Allemagne, la baisse est d'environ 30% par rapport à 2019. Le secteur automobile est un cas d'école. Il est très imbriqué dans les chaînes de valeur mondiale et représente une part très importante du secteur manufacturier" a affirmé l'économiste de l'OCDE, Sophie Guilloux-Nefussi lors d'un récent séminaire organisé par le CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) et la Banque de France.

L'un des grands défis de la nouvelle coalition menée par le chancelier Olaf Scholz qui vient d'arriver à la tête du gouvernement fédéral est de relancer cette industrie sous la pression du réchauffement climatique. Outre les secteurs cités précédemment, les produits chimiques (-0,8%), les équipements électriques (-0,8%) et les boissons (-0,6%) pourraient également pâtir des difficultés de Pékin à fournir le reste de la planète en biens intermédiaires.

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Hausse du commerce mondial en 2022

La pandémie a fait disjoncter les échanges de biens et services sur l'ensemble de la planète. Deux ans après le début de cette déflagration, les chaînes d'approvisionnement continuent d'être fortement perturbées. Malgré la désorganisation des chaînes logistiques, le commerce mondial devrait continuer d'accélérer à 5,4% en 2022 et 4% en 2023 mais à un rythme moindre qu'en 2021 (+8,4%). La réouverture des grandes économies à la faveur de la vaccination notamment a permis au commerce international de rebondir fortement cette année après un plongeon vertigineux en 2020.

Les économistes d'Euler Hermes tablent encore sur des perturbations jusqu'à la fin du premier semestre 2022. Ces tumultes se traduisent notamment par un allongement des délais de livraison et par la congestion dans certains grands ports. "Les délais de livraison ont fortement augmenté. Près de 80% des répondants aux enquêtes PMI estiment que ces délais sont en train de se prolonger. En parallèle, les stocks sont en train de se réduire. Ce qui signifie que les marges de manoeuvre sont minces pour les entreprises" a indiqué Sophie Guilloux-Nefussi. "Le nombre de navires en attente dans les ports de Chine s'élevait à 70 en 2019. Actuellement, on recense environ 220 navires avec des pics à 370. Cela s'accompagne d'un pic du fret maritime" a-t-elle ajouté.

Pas de relocalisations importantes à l'horizon

Le choc de la pandémie a relancé de vifs débats sur la relocalisation en Europe. La France a délocalisé à la pelle des sites de production dans des pays à bas coût depuis une quarantaine d'années comme l'a rappelé un récent rapport de France Stratégie . En dépit des soubresauts de la mondialisation, les économistes d'Euler Hermes ne remarquent pas "de tendance claire au reshoring (relocalisation) ou au nearshoring (délocalisation de proximité). La seule exception est celle du Royaume-Uni, qui a dû faire face à des perturbations relatives au Brexit." Même son de cloche du côté de l'OCDE. "Pour l'instant, on assiste à rien sur les relocalisations. Dans les données actuelles, on ne voit rien", insiste Sophie Guilloux-Nefussi.

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La France relativement épargnée par cette pagaille

L'économie française reste "relativement préservée" de toute cette pagaille rappelle Euler Ermes. L'appareil exportateur demeure "plus tourné vers les services que vers l'industrie". Les économistes semblent plus optimistes sur leurs prévisions après deux années catastrophiques pour le commerce extérieur tricolore. "Les exportations françaises devraient croître de +7,8% en 2021, avec une demande adressée aux exportateurs français de plus de 60 milliards d'euros (-130 milliards d'euros en 2020). En 2022 et 2023, dans un contexte de normalisation des échanges internationaux de biens, les exportations françaises devraient encore croître (+4,6% et +1,8% respectivement) [...] Le manque à gagner à l'export relatif à la crise Covid-19 sera ainsi comblé d'ici 2 ans" expliquent-ils.

Malgré ces signaux favorables, l'industrie aéronautique ou l'automobile restent empêtrés dans une crise sanitaire à rallonge. "Les entreprises en France ont fait l'objet de nombreuses difficultés liées à une hausse du coût des transports, l'allongement des délais de livraison, la hausse du prix des matières premières, la pénurie de composants. Le temps de transport est passé de 55 jours à près de 100 jours" a déclaré Antoine Berthoux économiste à la Banque de France lors du séminaire. Même s'il est encore tôt pour évaluer l'ensemble des conséquences du variant Omicron sur l'économie tricolore, la propagation de ce virus pourrait à nouveau repousser la sortie de crise.

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Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 09/12/2021 à 16:59
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bonne nouvelle pour la chine ! un peu moins pour la planète.

à écrit le 09/12/2021 à 7:58
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Ben oui on se doute que les actionnaires milliardaires américains eux n'ont pas du mettre tous leurs œufs dans le même panier tandis que nos actionnaires milliardaires européens eux qui ont passé leur temps à affaiblir l'UE et les peuples européens e...

le 09/12/2021 à 10:39
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analyse partagée

le 09/12/2021 à 10:41
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analyse partagée nos industriels et politiques de tous les pays europpéens se gavées du made in china pour gonfler artificiellement leurs dividendes aujourd hui on en voit l erreur strategique...merci aux barroso sarko hollande et consorts..

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