Chine, Japon et Corée du Sud se rencontrent dans un climat géopolitique tendu

Alors que les tensions sont loin d'être apaisées autour de Taïwan ou de la Corée du Nord, Pékin, Tokyo et Séoul tiennent leur premier sommet trilatéral de haut niveau depuis cinq ans. Les trois grandes puissances de la région vont cependant se concentrer davantage sur les points de convergence économique plutôt que sur les dissensions géopolitiques.
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le président sud-coréen Yoon Suk Yeol ont entrepris de normaliser leurs relations lors d'une rencontre bilatérale l'an dernier. Ils tenteront de faire de même avec la Chine.
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le président sud-coréen Yoon Suk Yeol ont entrepris de normaliser leurs relations lors d'une rencontre bilatérale l'an dernier. Ils tenteront de faire de même avec la Chine. (Crédits : Reuters)

Entre poids de l'histoire et poids de l'actualité, le sommet trilatéral entre le président sud-coréen et les Premiers ministres chinois et japonais est loin d'être anecdotique. Ces deux derniers sont arrivés ce dimanche à Séoul, la capitale de la Corée du Sud. Le président sud-coréen doit avoir une rencontre bilatérale avec le Premier ministre chinois Li Qiang - qui effectue sa première visite en Corée du Sud depuis son entrée en fonction en mars 2023 - avant de se réunir avec le chef du gouvernement japonais Fumio Kishida, dans l'après-midi. Après ces entretiens séparés, les trois dirigeants dîneront ensemble dimanche soir.

Cette rencontre devrait se focaliser sur des questions économiques plutôt que sur des questions géopolitiques épineuses, prédisent les experts. Une mesure de prudence au vu des tensions qui persistent dans la région. « Une déclaration commune est actuellement en discussion », a ajouté ce responsable, précisant que Séoul tenterait « dans une certaine mesure » d'y inclure les problèmes sécuritaires de la région. Et ce en dépit des essais militaires de plus en plus avancés menés par la Corée du Nord et des manœuvres militaires d'ampleur de Pékin autour de Taïwan jeudi et vendredi.

Un éditorial du quotidien sud-coréen Hankook Ilbo souligne « l'importance de la coopération entre les trois pays, qui représentent 20% de la population et du commerce mondiaux, soit 25% du PIB total ». « Il est crucial que les trois nations aient la volonté de surmonter leurs divergences de vues », ajoute le journal.

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Une première depuis cinq ans

Depuis le dernier sommet trilatéral, « nos paysages régionaux et mondiaux ont considérablement changé », a déclaré le Premier ministre japonais Fumio Kishida avant son départ pour Séoul, ajoutant que cette nouvelle réunion était « hautement significative ».

C'est en effet la première rencontre à ce niveau depuis cinq ans, alors que les relations ont été brouillées par la pandémie de Covid-19, mais aussi par de nombreuses tensions diplomatiques. Celles-ci sont historiquement fortes entre la Corée du Sud et l'ancien colonisateur, le Japon. Les deux pays ont toujours des disputes juridiques à régler à propos de l'occupation japonaise de 1910 à 1945 sur la péninsule coréenne. Yoon Suk Yeol, président depuis 2022, cherche néanmoins à enterrer la hache de guerre avec le Japon face aux menaces grandissantes de la Corée du Nord, dotée de l'arme nucléaire.

Les questions liées à Pyongyang « sont difficiles à résoudre rapidement », a relevé un responsable du cabinet du président sud-coréen. La Chine est en effet le premier partenaire commercial de la Corée du Nord ainsi qu'un allié diplomatique de poids. Elle préfère critiquer les exercices militaires conjoints entre les Etats-Unis et la Corée du Sud plutôt que de condamner les tests d'armement de Pyongyang.

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Les ambitions chinoises brouillent le dialogue

En parallèle, les velléités chinoises en mer de Chine sont sources de tensions continues, que ce soit bien sûr sur la question centrale de Taïwan - que Pékin considère comme faisant partie intégrante de son territoire - ou sur des territoires plus modestes mais également stratégiques. C'est le cas des îles Senkaku, à la limite des zones économiques exclusives (ZEE) de la République populaire de Chine, de Taïwan et du Japon, et dotées de réserves gazières et pétrolières. En 2022, Tokyo protestait officiellement contre Pékin l'accusant d'avoir construit de façon illégale 17 plateformes de forage dans la zone.

En août dernier, Séoul, Tokyo et Washington ont annoncé un « nouveau chapitre » de leurs relations en matière de sécurité à l'issue d'un sommet historique à Camp David, aux États-Unis. Toujours l'an dernier, Yoon Suk Yeol a déclaré que les tensions concernant Taïwan étaient dues à des « tentatives de modifier le statu quo par la force ». Et le Japon se montre de plus en plus prompt à réagir sur la question de Taïwan, conscient de l'impact d'un conflit à quelques centaines de kilomètres de ses côtes.

Face à ce resserrement des relations transpacifiques, et une déclaration lors de ce sommet dans laquelle les trois alliés critiquaient le « comportement agressif » de la Chine en mer de Chine, Pékin avait émis des protestations. De même, la Chine a récemment condamné la présence d'un député sud-coréen et du représentant de Séoul à Taipei à la cérémonie d'investiture du président taïwanais Lai Ching-te.

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Nouvelles frictions militaires autour de Taïwan

Ce dernier épisode a d'ailleurs été la source d'une nouvelle vague de tensions entre Pékin et Taipei. La Chine s'est ainsi offusquée du discours tenu par le nouveau président taïwanais, jugé séparatiste. Lai Ching-te avait notamment indiqué que « la République de Chine (Taïwan, ndlr) et la République populaire de Chine (la Chine continentale dirigée par le Parti communiste, ndlr) ne sont pas subordonnées l'une à l'autre ».

Suffisant pour Pékin pour déclencher des manœuvres militaires autour de Taïwan pendant 48 heures jeudi et vendredi, afin d'envoyer un signal de désapprobation aux autorités du territoire insulaire. Dimanche, le ministère taïwanais de la Défense a indiqué avoir détecté sept avions chinois, 14 navires de combat et quatre navires des garde-côtes chinois « autour » de Taïwan au cours des dernières 24 heures.

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Depuis son investiture, Lai Ching-te a pris sur lui d'apaiser le climat. Ce dimanche, il s'est dit prêt à travailler avec la Chine pour œuvrer à une « compréhension mutuelle » et à la « réconciliation ». Il a rappelé qu'il avait « également appelé la Chine à assumer conjointement avec Taïwan l'importante responsabilité de la stabilité régionale », dans son discours d'investiture, avant d'ajouter que « tout pays faisant des vagues dans le détroit de Taïwan et nuisant à la stabilité régionale ne sera pas accepté par la communauté internationale ».

Une main tendue donc à la coopération, mais clairement pas à l'annexion - seul but recherché et revendiqué par Pékin.

Avec AFP

Commentaires 5
à écrit le 27/05/2024 à 1:26
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@Azerty. Commentaire pertinent, loin des betises suggerees plus haut. Seule chose d'importance adapter les synergies. Le but, le commerce. Pauvre europe qui restera en fin de peloton.

le 27/05/2024 à 8:45
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Oui ça fait dix ans que tu nous dis ça et en effet ça paraitrait logique, mais voilà rien n'arrive alors que je souhaite profondément que les convoitises et autres cupidités maladives se concentrent enfin dans cette région plutôt que systématiquement...

à écrit le 26/05/2024 à 17:22
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"Chine, Japon et Corée du Sud se rencontrent dans un climat géopolitique tendu" Manifestement l'empire des Hans en faillite a besoin d'argent pour financer sa guerre contre les séparatistes chinois du Kuomintang réfugiés à Taïwan. A noter qu...

le 26/05/2024 à 20:55
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On a toujours besoin de phantasmes dans la vie.

à écrit le 26/05/2024 à 14:32
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Le point d'équilibre du commerce international bouge, il serait avisé de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Pour la vieille Europe cela sent le sapin, parmi les États qui la compose, seuls ceux qui ont continué à avoir une stratégie aut...

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