Après avoir rejeté l'offre de BHP, le groupe minier britannique Anglo American se sépare de sa filiale de platine

Peu de temps après avoir rejeté une nouvelle offre de l'Australien BHP, le groupe minier britannique a finalement décidé de simplifier son portefeuille d'activités en se séparant du charbon et de ses filiales sud-africaines de platine et de diamants. Un coup dur pour l'Afrique du Sud, où l'entreprise a vu le jour en 1917.
Le groupe minier britannique Anglo American a annoncé ce mardi qu'il comptait simplifier sa structure avec notamment des scissions (photo d'illustration).
Le groupe minier britannique Anglo American a annoncé ce mardi qu'il comptait simplifier sa structure avec notamment des scissions (photo d'illustration). (Crédits : Anglo American)

[Article publié le mardi 14 mai 2024 à 12h45 et mis à jour à 14h00] Le groupe minier britannique Anglo American a annoncé ce mardi qu'il comptait simplifier sa structure avec notamment des scissions, dont celle de sa filiale de platine « Anglo American Platinum », après avoir rejeté l'offre améliorée du géant australien BHP.

« Ces mesures représentent les changements les plus radicaux pour Anglo American depuis des décennies », souligne le directeur général Duncan Wanblad, cité dans le communiqué.

Dans le détail, Anglo American dit vouloir « mettre en place certains changements structurels » comprenant notamment une « simplification de son portefeuille » d'activités qui sera désormais centré sur le cuivre, le minerai de fer haut de gamme, et les nutriments. Il prévoit ainsi de se séparer de ses activités de charbon pour la métallurgie et de ses filiales sud-africaines de platine, et diamants - avec la célèbre société De Beers.

L'action reculait en début de séance à la bourse de Londres, après avoir flambé ces dernières semaines après les approches de BHP et les spéculations sur l'entrée en jeu de possibles autre prétendants miniers.

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Une offre à 34 milliards de livres

Lundi, BHP avait dit mettre sur la table 34 milliards de livres (près de 40 milliards d'euros) soit trois milliards de livres de plus que son offre initiale pour racheter Anglo American. Mais la nouvelle offre « continue de sous-évaluer considérablement Anglo American et ses perspectives d'avenir », a aussitôt répliqué l'entreprise ciblée, son conseil d'administration l'ayant rejetée à l'unanimité.

Comme dans sa première offre, présentée le 16 avril, BHP ne prévoyait pas de reprendre deux filiales sud-africaines d'Anglo American, l'activité de platine et celle de minerai de fer, qui feraient l'objet d'une scission avant la finalisation de l'opération. Ce qui n'a pas plut au groupe britannique. Des termes « très peu attrayants pour les actionnaires d'Anglo American, compte tenu de l'incertitude et de la complexité qu'ils comportent avec des risques d'exécution importants », a ainsi complété l'entreprise.

Autrement dit : la somme proposée par BHP était jugée trop faible face à la difficulté de scinder le groupe avant la finalisation du rachat. Une tâche que Anglo American se propose désormais de mener seul avec l'accélération de sa stratégie de simplification.

« BHP est déçu que le conseil d'administration d'Anglo American ait choisi de ne pas engager de discussions avec BHP », d'après le communiqué du groupe australien, qui estimait que cette offre révisée est une « option gagnante-gagnante ».

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Devenir le principal producteur au monde de cuivre

D'autant que les enjeux sont gros pour BHP. Ce rachat donnerait naissance au principal producteur au monde de cuivre, métal clé pour la transition énergétique, permettant de nombreuses utilisations industrielles comme la composition de batteries de véhicules électriques.

Pour Joshua Mahony, analyste de Scope Markets interrogé par l'AFP, ce second rejet signale que « toute transaction ne se fera pas au rabais », surtout si « un autre prétendant s'en mêle ».

Par ailleurs, « BHP n'a pas caché qu'il cible particulièrement les actifs de cuivre d'Anglo American et le fait que nous ayons eu un sommet en deux ans vendredi montre qu'il va falloir faire vite avant de voir » le prix de ces actifs monter encore, ajoute-t-il. En effet, le cours du cuivre est en forte hausse depuis un an (+22%) et Anglo American, tout comme les experts du marché, s'attendent à ce que le métal rouge continue sur cette lancée.

Qui plus est, le géant australien, l'une des plus grandes entreprises minières au monde, a récemment connu une chute de son bénéfice à la suite de la baisse des cours mondiaux du nickel et à des compensations versées après une catastrophe minière survenue en 2015 au Brésil.

Symbole du déclin du secteur minier d'Afrique du Sud

Outre la déception de BHP, la décision d'Anglo American de se séparer de ses filiales sud-africaines de platine, et de diamants, est un coup dur pour l'Afrique du Sud. La proposition de BHP, qui impliquait déjà une scission, avait déjà provoqué l'émoi dans le pays, à l'approche d'élections générales qui s'annoncent comme les plus serrées depuis des décennies.

Le souhait de BHP de se délester d'actifs sud-africains s'il parvient à racheter Anglo était donc vu par certains analystes et politiciens de l'opposition comme un symbole du déclin du secteur minier d'Afrique du Sud, mais aussi de l'image du pays auprès des investisseurs étrangers. D'autant que l'Afrique du Sud est le premier producteur mondial de platine. Ces critiques blâment l'ANC, le tout-puissant parti au pouvoir depuis la fin de l'apartheid.

« En mettant en place ces changements nous-mêmes, nous serons en mesure de le faire d'une manière respectueuse pour nos employés et pour les communautés et pays où nous exerçons, y compris l'Afrique du sud où Anglo American continue à jouer son rôle d'entreprise de premier plan responsable pour soutenir les priorités nationales », rassure néanmoins le groupe dans son communiqué.

Le principal syndicat sud-african, Cosatu, a salué l'engagement « professé » d'Anglo American envers son pays d'origine. Il espère qu'Anglo entend y augmenter les investissements, notamment dans des « communautés touchées par les mines et leur pollution », et faire preuve de « loyauté envers ses employés ».

Pour rappel, Anglo American a été fondé en 1917 en Afrique du Sud par l'industriel d'origine allemande Ernest Oppenheimer, arrivé 15 ans plus tôt après avoir commencé sa carrière à Londres. C'est aujourd'hui l'une des plus grandes sociétés minières au monde, cotée à la fois à Londres, où est son siège, et à Johannesbourg.

« Dès le début, Anglo American a joué un rôle clé dans l'industrialisation de l'Afrique du Sud », fait valoir le groupe auprès de l'AFP. Et dans les années 1980, c'était « de loin la plus grande entreprise du pays ».

D'abord mineur d'or, le groupe s'est développé à l'international à partir des années 1960, avant d'installer son siège à Londres à la fin des années 1990. Au fil des années, le groupe a investi en Afrique du Sud dans d'autres secteurs comme l'industrie manufacturière ou la métallurgie. Entre 2018 et 2023, il a engagé plus de 154 milliards de rands (la monnaie officielle d'Afrique du Sud, soit près de 8 milliards d'euros) dans ses opérations dispersées dans le pays.

« L'Afrique du Sud représente toujours environ un quart des revenus »

« L'Afrique du Sud représente toujours environ un quart des revenus publiés par Anglo American. (...) Il s'agit donc toujours d'une partie très importante de son portefeuille », rappelle à l'AFP Christopher Vandome, chercheur au sein du groupe de réflexion Chatham House.

Anglo-American n'est plus le « joyau de l'économie sud-africaine » comme il l'était par le passé, notamment parce que l'économie du pays peut dorénavant compter sur un secteur des services, notamment financier. Il reste néanmoins pour le pays « un employeur majeur, un contribuable et un moteur important pour d'autres activités économiques », résume Christopher Vandome.

Mais signe des temps difficiles, Anglo American Platinum avait déjà annoncé en février des milliers de suppressions d'emplois dans le pays, invoquant la faiblesse des prix des métaux. Dan Costworth, analyste de AJ Bell, constate que « offre d'achat ou pas, on va avoir un démantèlement d'Anglo American » avec des « conséquences majeures ». Il remarque que le risque pour Anglo American de devenir moins gros, est d'attiser encore plus l'appétit des groupes miniers qui veulent l'avaler. Outre BHP, les marchés bruissent de rumeurs de contre-offres en gestation par Glencore ou Rio Tinto.

Commentaire 1
à écrit le 14/05/2024 à 19:18
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"Après avoir rejeté l'offre de BHP, le groupe minier britannique Anglo American se sépare de sa filiale de platine" A l'évidence les actionnaires Anglo Americain ont préféré réaliser eux-mêmes une restructuration douloureuse plutôt que sous le d...

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