![Le profil de pur chasseur des Mirage 2000-5 doit aider l’Ukraine à sécuriser son espace aérien.](https://static.latribune.fr/full_width/2387353/le-profil-de-pur-chasseur-des-mirage-2000-5-doit-aider-l-ukraine-a-securiser-son-espace-aerien.jpg)
Après son coup médiatique jeudi soir sur la cession de Mirage 2000-5 à l'Ukraine, Emmanuel Macron s'est montré ensuite très peu disert sur le nombre d'avions de combat cédés et sur le nom des pays qui pourraient fournir un complément d'appareils. « Je ne vous donnerai ni le nom des partenaires, ni un chiffre définitif [...] C'est plus efficace et ça donne moins de visibilité à l'adversaire », a-t-il encore expliqué vendredi soir. Actuellement, trois pays - Qatar, Grèce et Émirats arabes unis (EAU) - disposent d'une flotte de Mirage 2000-5, ou de 2000-9 pour les EAU, une version dérivée plus performante.
Entrés en service en avril 1998 dans l'armée de l'air française, les Mirage 2000-5 sont essentiellement employés par la France pour les missions de police du ciel et de défense aérienne. Ils ont été déployés à plusieurs reprises dans les pays baltes pour le dispositif « Enhanced Air Policing » de l'Otan, des missions visant à dissuader les appareils russes de pénétrer les espaces aériens occidentaux. Ils ont également participé à des opérations de type Hamilton en Syrie avec la destruction de stocks d'armes chimiques (avril 2018). Ces appareils possèdent une capacité air-sol (bombardements) mise en œuvre uniquement par d'autres nations possédant des Mirage 2000-5.
Cette discrétion surprenante d'Emmanuel Macron est-elle due au fait qu'il doit encore convaincre ces trois pays de céder (ou de vendre) leurs appareils après son annonce, qui est censée imprimer une dynamique de négociations ? Quels montages financiers cela va-t-il impliquer ? Qui va payer la facture ? Et pourquoi ce revirement soudain de la France, qui avait enterré cet hiver cette demande ukrainienne ? Parce que l'Ukraine va mal, explique-t-on à La Tribune Dimanche.
120 à 130 avions de combat occidentaux
Combien de Mirage 2000-5 la France peut-elle céder ? Pour conserver un escadron (20 appareils), l'armée de l'air, qui ne dispose que de 26 Mirage 2000-5 mis en œuvre depuis les bases aériennes de Luxeuil (Haute-Saône) et de Djibouti, ne devrait en céder que six. C'est trop peu pour vraiment aider l'Ukraine, qui veut à tout prix combler un déficit capacitaire important en matière de défense aérienne (protection du ciel ukrainien). La défense sol-air (missiles antiaériens) ne suffit pas. Le Mirage 2000-5 est un très bon « nettoyeur » du ciel comme cela a été le cas dans l'opération Hamilton, où ces appareils ont protégé les Rafale porteurs des missiles de croisière Scalp. Dans ce cadre, Volodymyr Zelensky a d'ailleurs exprimé un besoin de 120 à 130 avions de combat occidentaux pour tenter de faire jeu égal avec les Russes. Après le feu vert de Washington, les Pays-Bas et le Danemark se sont engagés en août dernier à livrer 61 F-16. La Norvège a suivi avec 22 appareils, puis la Belgique (30).
Six Mirage 2000-5, c'est également trop peu pour satisfaire l'ambition d'Emmanuel Macron de rester au centre du jeu politique en matière d'aide à l'Ukraine. Une fourchette comprise entre 6 et 12 avions de combat tricolores apparaît la plus crédible, mais le politique a ses raisons que la raison ne peut comprendre. Une chose est sûre, la livraison de ces appareils à la fin de l'année va terriblement compliquer l'organisation des missions des aviateurs et de la maintenance de la flotte de l'armée de l'air. Pas question pour autant de fermer la base de Luxeuil, affirme-t-on à La Tribune Dimanche. Le format de l'aviation de combat n'est plus très loin de son plancher de vol fixé à 185 appareils (actuellement 197, dont 108 Rafale et 89 Mirage 2000).
Zelensky a exprimé un besoin de 120 à 130 avions de combat occidentaux pour tenter de faire jeu égal avec les Russes
Interrogé en février à l'Assemblée nationale sur une éventuelle cession de Mirage à l'Ukraine, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, était d'ailleurs sur cette ligne. « Nous avons peu de Mirage 2000 et le MCO [maintien en condition opérationnelle] poserait des défis très compliqués », avait-il expliqué. Avancer l'arrivée des Rafale (trois ans environ de fabrication) pour remplacer les Mirage 2000-5, qui doivent être retirés du service à l'horizon 2030, entraîne également une équation financière compliquée pour les armées dans un cadre budgétaire global très contraint.
Parmi les trois pays ayant des Mirage 2000-5, qui pourrait en céder ou en vendre ? Curieusement, le président ukrainien a fait un stop le 5 juin au Qatar avant de participer le lendemain aux commémorations célébrant les 80 ans du débarquement en Normandie. Il serait surprenant que Volodymyr Zelensky n'ait pas évoqué ce sujet avec l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani. D'autant que Doha cherche désespérément à vendre ses 12 Mirage 2000-5. Et le président ukrainien a rencontré vendredi Dassault Aviation. L'avionneur pourrait se voir confier les modifications nécessaires pour porter les Scalp (trame logicielle, câblage notamment) dans un délai compatible avec le calendrier de livraison des appareils en fin d'année.
Enfin, les 25 Mirage 2000-5 grecs apparaissent également très séduisants, eux qui ont sous leurs ailes les fameux Scalp, des missiles qui agacent beaucoup Vladimir Poutine. Car ils sont capables de détruire des objectifs à forte valeur ajoutée comme le sous-marin Rostov-sur-le-Don (septembre 2023). Problème pour Emmanuel Macron, si la Grèce souhaite les vendre pour acheter six Rafale supplémentaires, l'Inde serait très intéressée par leur acquisition...