Travailleurs handicapés : près de 150 millions d'euros de pénalités versés par les employeurs publics

L'État, les hôpitaux et les collectivités locales ont versé près de 150 millions d'euros de « contributions » en 2023 au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Des pénalités liées au fait qu'ils ne respectent pas le seuil de 6% de travailleurs handicapés dans leurs effectifs, même si le taux d'emploi s'est amélioré.
Contrairement aux idées reçues, 80% des handicaps sont invisibles (photo d'illustration).
Contrairement aux idées reçues, 80% des handicaps sont invisibles (photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

147,9 millions d'euros. C'est le montant qu'ont atteint, en 2023, les pénalités réglées par les employeurs publics n'employant pas suffisamment de personnes en situation de handicap. Pour rappel, ceux comptant plus de 20 agents doivent compter, parmi leurs effectifs, 6% de travailleurs handicapés. Faute de quoi, ils doivent s'acquitter chaque année de pénalités financières auprès du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

Dans le détail, sur les près de 150 millions d'euros l'année dernière, la fonction publique d'État (ministères, agences, opérateurs...) en a versé à elle seule plus de la moitié. Soit près de 79 millions d'euros, selon le dernier rapport annuel de ce fonds, présenté ce jeudi à Paris. Les employeurs hospitaliers ont contribué à hauteur de 37,5 millions d'euros et ceux de la fonction publique territoriale ont payé 31,5 millions d'euros.

L'argent récolté sert ensuite au Fonds pour mener à bien ses missions, censées aider les employeurs publics à atteindre le seuil des 6%. Ainsi, avec les sommes de 2023, il a financé 21,4 millions d'aides directes (une forme de soutien ponctuel) aux employeurs. Parmi les prestations les plus demandées par ces derniers figurent l'aide à l'adaptation du poste de travail (40% des demandes d'aide), les prothèses auditives (21%) et les indemnités d'apprentissage (8%). Il a également déboursé 41,2 millions d'euros dans le cadre de conventions passées avec les employeurs publics - des partenariats plus durables que les aides directes.

Du mieux pour l'emploi des personnes handicapées

Ces sommes versées au FIPHFP sont encore colossales, mais, bonne nouvelle, elles s'affichent aussi en recul. De plus de 19 millions d'euros par rapport à l'année 2022, où elles avaient dépassé les 167 millions.

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L'allègement de la facture s'explique par l'amélioration généralisée du taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, qui s'est établi à 5,66% en 2023, contre 5,45% un an plus tôt (et 4% dans le secteur privé en 2022). Ainsi, parmi les 5,7 millions d'agents de la fonction publique, près de 270.000 sont bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

« Le FIPHFP a encore fait cette année la démonstration de son efficacité au service de (...) l'insertion professionnelle et du maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique », a jugé la présidente de son comité national, Françoise Descamps-Crosnier, citée dans le rapport annuel.

En mai dernier, elle s'est déjà félicité des « bons résultats 2023 » de l'emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Selon elle, ils « sont dus à toutes les actions enclenchées sur le terrain par les employeurs publics et à tous les dispositifs qui leur sont proposés par le FIPHFP pour accompagner l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ». Un avis que modère la Cour des comptes. Dans un rapport en mars, les magistrats ont en effet regretté que « l'impact global de l'action du FIPHFP sur le taux d'emploi » des personnes handicapées, « certes malaisé à isoler de l'effet de la conjoncture, [ne soit] pas connu ».

Nécessaire simplification

La Cour des comptes a, en outre, appelé le Fonds à simplifier ses démarches. Le FIPHFP « doit alléger les modalités de sollicitation des aides figurant à son catalogue », recommandent les magistrats financiers dans un rapport consacré à sa gestion entre 2017 et 2022, publié en mars. La Cour avait aussi plaidé pour simplifier les règles d'instruction des demandes, afin que l'obtention des aides par les employeurs publics « soit plus aisée et plus rapide ». Et, comme pour les aides directes, « l'effort de simplification de la procédure de conventionnement doit être poursuivi », avait insisté la Cour des comptes.

« On est tout à fait en phase avec ces recommandations », avait assuré mi-mai à l'AFP la directrice du FIPHFP, Marine Neuville. « On peut sûrement faciliter, simplifier encore », avait-elle ajouté.

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Les magistrats ont été un peu plus cinglants concernant ses comptes. Selon eux, le Fonds étant doté de confortables réserves financières depuis quelques années, l'instance « doit rapidement faire la preuve qu'il est capable de mobiliser ces marges de manœuvre prioritairement au profit de ses actions en propre, plutôt que dans le cadre de partenariats au poids croissant, pour pouvoir justifier sa raison de subsister en tant qu'établissement public indépendant », ajoutent-ils.

Dans une réponse transmise à la Cour des Comptes, Françoise Descamps-Crosnier et Marine Neuville ont souligné que « si le FIPHFP dégage aujourd'hui des excédents budgétaires, il n'en a pas toujours été ainsi puisque cette situation ne date que de 2020 ». Et d'ajouter : « Les excédents constatés ces dernières années, dus notamment à des recettes exceptionnelles, n'ont pas une nature structurelle et sont en cours de diminution. Il convient donc de les affecter en priorité à des dépenses d'intervention ponctuelles ou à des partenariats structurants limités dans le temps, plutôt qu'à des dépenses de fonctionnement pérennes ».

La Cour reconnaît d'ailleurs que, depuis son précédent rapport sur le FIPHFP où elle s'interrogeait sur « l'intérêt de maintenir l'établissement », la situation financière s'est « redressée » et le taux d'emploi des personnes handicapées a continué à augmenter dans la fonction publique. Il était en effet près de deux points inférieurs à sa création, à 3,74% en 2006.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 28/06/2024 à 8:54
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Le travail n'est plus une raison d'inclusion mais de production, on demande aux handicapés de produire toujours plus toujours plus vite. Confier l'insertion au secteur marchand était un échec assuré et comme ils adorent se vautrer dans l'échec ben il...

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